Comment YouTube s’est adapté pour intégrer la mesure Internet vidéo 3 écrans de Médiamétrie

Contexte

Les annonceurs manifestent depuis plusieurs années une volonté globale de transparence dans la publicité en ligne, y compris de la part des walled gardens comme Google, YouTube et Facebook. “Le marché attendait effectivement une certification des chiffres d’audience de YouTube, l’audience étant la monnaie de la publicité en ligne”, admet Tiphaine Goisbeault, research lead Southern Europe chez Google, interrogée par mind Media. 

YouTube figure déjà dans le panel Internet Global de Médiamétrie, qui mesurait le nombre de visites sur le site mais pas la consommation vidéo. Google souhaitait aller plus loin en “faisant mesurer de la même manière l’audience de YouTube et celle des éditeurs de presse diffusant de la vidéo et des sites de replay vidéo”, souligne Tiphaine Goisbeault.

Dispositif

Les discussions entre Google et Médiamétrie pour intégrer YouTube à la mesure Audience Internet Vidéo 3 écrans, née en 2017 de la fusion de ses mesures vidéo existantes, ont démarré il y a environ quatre ans.

Cette mesure combine des données site-centric (nombre de streams lancés, taux de complétion, temps passé) issues de la mesure eStat Streaming de Médiamétrie, et des données sociodémographiques et d’usage (profil, durée d’écoute individuelle, nombre de vidéos vues par individu) fournies par le panel Google et Médiamétrie, créé en 2014 pour analyser la consommation vidéo sur Internet et en télévision. 

Contrairement aux autres acteurs vidéo (France Télévisions, MyTF1, Le Figaro, Capital…) mesurés par l’Internet vidéo 3 écrans, YouTube ne permet pas l’intégration de tags tiers sur sa plateforme. “Dans ce type de cas de figure, Médiamétrie accepte que les acteurs développent des approches propriétaires pour récupérer leurs données et les intégrer à notre mesure”, explique Bertrand Krug, directeur du département Internet de Médiamétrie.

C’est cette spécificité qui a complexifié le processus et a nécessité “plusieurs années d’aller-retours et des investissements importants pour mettre en place un protocole sécurisé de collecte, de traitement et de transfert des données à Médiamétrie “, détaille Tiphaine Goisbeault. Google a donc dû développer une nouvelle méthodologie conforme au cahier des charges de l’institut d’études, qui requiert notamment une mesure de la qualité des données par un tiers. C’est le cabinet Deloitte qui est intervenu ici.

Le coût de la procédure n’est pas communiqué, mais Médiamétrie indique qu’elle a été facturée sur le mode projet, contrairement à une intégration classique à la mesure dont la facturation se base sur la volumétrie des données et un coût de souscription. L’intégration à la mesure a par ailleurs mobilisé d’importantes ressources humaines. Chez YouTube, une trentaine de personnes, dont une vingtaine aux États-Unis, ont travaillé et continuent de travailler sur le sujet : des ingénieurs, des statisticiens, des chargés d’études, des chefs de projet, tandis que les équipes publicitaires en France ont été impliquées au moment de la publication des premiers résultats afin de les présenter aux acheteurs. Du côté de Médiamétrie, l’équipe dédiée à YouTube à temps plein compte 5 à 10 data scientists. 

Résultats

Les premiers résultats d’audience de YouTube en France pour la période de juin à septembre 2019 ont été présentés vendredi 29 novembre. Ces chiffres dénombrent 39 millions de Français âgés de 18 ans et plus (la base retenue par YouTube pour communiquer auprès des annonceurs) qui entament le visionnage d’une vidéo au moins une fois chaque mois sur YouTube, pour une durée quotidienne moyenne de 21 minutes (plus de chiffres à consulter sur notre site).

“Les résultats obtenus sont assez proches de ceux qu’obtenait YouTube en interne”, commente Tiphaine Goisbeault ; lors de l’annonce de l’intégration à la mesure de Médiamétrie en juillet dernier, la consommation vidéo quotidienne était par exemple estimée à 25 minutes. Par ailleurs, “ces chiffres certifiés simplifie le travail des équipes ventes qui n’ont pas à justifier leur pertinence, et permet de démontrer la complémentarité de YouTube avec les autres médias ; sans pour autant améliorer le ciblage ou vendre plus cher”, constate Tiphaine Goisbeault (lire également notre encadré plus bas).

Et après ?

Au-delà de la certification de ses chiffres, l’objectif de YouTube est de permettre aux éditeurs qui diffusent des contenus vidéos sur sa plateforme de mesurer l’audience qu’ils génèrent sur ce support. De premiers chiffres sont attendus au premier semestre 2020. Dans le même temps, la mesure de Médiamétrie va être auditée par le CESP en début d’année 2020 pour apporter plus de transparence sur sa méthodologie.

Médiamétrie et YouTube espèrent être suivis dans leur initiative : l’institut d’études, qui indique que de timides discussions sont en cours avec d’autres plateformes vidéo mais qu’elles sont loin d’être abouties, souligne “avoir vocation à mesurer l’audience de tous les acteurs internet”.

Des discussions similaires sont en revanche en cours entre YouTube et des mesureurs à l’étranger, la France ayant été le premier pays à faire contrôler son audience, mais il ne sera sans doute pas le seul.