Accueil > Médias & Audiovisuel > SVOD [3/3] : les acteurs de niche et le bundle (Lagardère, TF1, INA, Trace, AB Groupe…) SVOD [3/3] : les acteurs de niche et le bundle (Lagardère, TF1, INA, Trace, AB Groupe…) Alors que le marché de la SVOD généraliste fait l’objet d’une âpre bataille entre Netflix et Canalplay, qui font face à des coûts d’acquisition très élevés, les autres acteurs de la vidéo illimitée par abonnement ont pr éféré opter pour des spécialisations. Les programmes jeunesse (Gulli Max, Tfou Max), les archives (INA Premium), ou encore ceux liés aux cultures urbaines (Trace Play), présentent l’intérêt d’être moins chers à acquérir, car moins disputés, et d’avoir une base de fans ou de consommateurs très identifiés, moins complexes à conquérir. Mais la SVOD échappe parfois à la logique du coût d’acquisition, en devenant un produit d’appel pour une offre plus large (feu Jook Vidéo, SFR Zive…). Quelles politiques de contenus et stratégies marketing pour les acteurs de niche ? Quel rôle pour les FAI ? mind-Satellinet a interrogé Lagardère Active, e-TF1, l’INA, Trace et AB Groupe pour mieux comprendre les positions de ces challengers. Par La rédaction. Publié le 19 février 2016 à 18h58 - Mis à jour le 24 février 2022 à 16h57 Ressources Le paysage français de la SVOD a été fortement bouleversé par l’arrivée en septembre 2014 de Netflix. mind-Satellinet propose un large panorama consacré au secteur de la SVOD. Après les stratégies marketing des acteurs du marché français (coût d’acquisition, distribution, et rétention des abonnés) présentées lundi 1er février, puis la stratégie d’acquisition des deux principaux acteurs généralistes, Netflix et Canalplay, présentée lundi 8 février, nous décryptons cette semaine les stratégies des acteurs de niche et de ceux qui ont opté pour le bundle : Lagardère, TF1, INA, Trace, AB Groupe… Pour ne pas affronter frontalement Netflix et Canalplay sur le marché de la SVOD généraliste, les autres acteurs ont opté pour la spécialisation. Le segment jeunesse, en particulier, a éveillé bien des convoitises. Lagardère Active a ainsi lancé Gulli Max (7 jours d’essai gratuit, puis 4,99 € / mois pour 2 500 vidéos et une trentaine d’applications) à l’été 2014, d’abord sous Android, avant que la version iOS voie le jour en octobre 2014. TF1 l’a imité, avec Tfou Max (1 mois d’essai gratuit, puis 2,99€ / mois, pour 3 000 contenus en catalogue), en février 2015. Et la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, n’a pas caché son intention de créer elle aussi une offre de SVOD. Si son positionnement et la nature de son catalogue n’ont pas été révélés, et quoique Delphine Ernotte la présentait en octobre 2015 au Figaro comme un concurrent de Netflix, le parcours de Julien Borde, directeur délégué de France Télévisions en charge de projet SVOD depuis octobre 2015, pourrait être vu comme un indice : il a commencé sa carrière chez Disney Channel, où il est resté de 1997 à 2005, puis a occupé le poste de directeur unité jeunesse pour France 3 puis France Télévisions, jusqu’en 2012 (sa fiche LinkedIn). Des contenus jeunesse plus accessibles La thématique jeunesse présente effectivement bien des attraits. Les contenus y sont souvent moins onéreux que les films et séries qui font le coeur des offres généralistes. “Cette thématique n’a pas souffert de la même inflation des prix qu’ailleurs”, explique ainsi Olivier Abecassis, directeur général d’e-TF1. Notamment parce que le marché jeunesse est plus atomisé que les films et séries, où les grands studios peuvent en partie dicter leurs règles. “Les ayants droit se comptent en dizaines, et on peut aller chercher les bons contenus à différents endroits”, souligne Olivier Abecassis. De plus, les contenus originaux ne sont pas aussi nécessaires à l’acquisition de nouveaux abonnés que pour Netflix et Canalplay : “La cible jeunesse recherche plutôt des “héros” qu’elle connaît déjà”, remarque Olivier Abecassis. e-TF1 peut aussi s’appuyer sur le groupe TF1, qui dépense 1 milliard d’euros en acquisitions audiovisuelles chaque année. “Nous avons une démarche concertée au sein du groupe afin d’améliorer le potentiel de monétisation de ces droits”, indique Olivier Abecassis. Si bien que les exclusivités, qui confèrent une valeur premium aux offres, représentent 10 % du contenu global de Tfou Max. Chez Lagardère Active, le lancement de Gulli Max est apparu comme une opportunité : le groupe détient déjà plusieurs chaînes payantes (TiJi, Canal J) et linéaires (Gulli) dans l’univers jeunesse. “Ces marques étant bien identifiées par les parents, nous essayons de créer des synergies, dans l’exploitation de notre catalogue, entre la télévision payante, la TV linéaire, et la SVOD”, explique Guilhem Ravet, directeur adjoint aux nouveaux usages et social media chez Lagardère Active. La thématique jeunesse présente bien des intérêts, dans le prix des contenus et l’acquisition des abonnés. Quelles stratégies d’acquisition clients des acteurs jeunesse ? Les investissements marketing des acteurs de niche sont bien plus modestes que Canalplay et Netflix. Par exemple, e-TF1 a consacré un peu moins de 3 millions d’euros en investissements publicitaires bruts, selon Kantar Média, de janvier à novembre 2015, pour faire la promotion de Tfou Max. Loin des 57,2 millions de Netflix et des 14,9 millions de Canalplay (voir la deuxième partie de notre dossier). “Nous achetons de la publicité TV à notre maison mère, complété par l’achat de mots-clés sur Google et Facebook, et constatons un vrai impact sur le trafic sur le site et la prise d’abonnement”, souligne Olivier Abecassis (e-TF1). Les acteurs jeunesse misent sur des périodes clés. “C’est un marché très saisonnier, les périodes de vacances scolaires sont fortes en recrutement, c’est pourquoi nous concentrons nos efforts sur les semaines qui précèdent les départs en vacances”, souligne Guilhem Ravet (Lagardère Active). Lagardère met aussi à profit les antennes du groupe, avec de l’autopromotion sur Gulli et des spots sur Europe 1. En revanche, il n’a pas noué d’accord avec des fournisseurs d’accès à internet : “rien n’est fermé, mais c’est un choix délibéré : nous préférons nous concentrer sur la promotion de l’application”, explique Guilhem Ravet. Il tente aussi de développer la distribution physique, via des accords avec des fabricants de tablettes – il préinstalle son application – et avec les “Gulli Parc” – une offre d’essai pour les visiteurs. “Peu d’acteurs de la SVOD peuvent se targuer d’avoir une marque présente sur le terrain, en affinité avec les parents et les enfants”, fait valoir Guilhem Ravet. S’il ne communique pas son nombre d’abonnés, Lagardère revendique 300 000 téléchargements pour son application Gulli Max lancée au deuxième semestre 2014. TF1 a fait appel à une agence de publicité pour créer son spot TV. “Cette cible nécessite un savoirfaire spécifique, car il faut parler à la fois aux parents et à leurs enfants”, justifie Olivier Abecassis. “””La cible jeunesse nécessite un savoir-faire spécifique, car il faut savoir parler à la fois aux enfants et à leurs parents” Olivier Abecassis, e-TF1” INA Premium Le 30 septembre 2015, l’INA a lancé son propre service de SVOD, INA Premium, via un site internet pour 2,99 € / mois (sans engagement, premier mois offert). “Le prix est très accessible car nous sommes dans notre rôle de service public en favorisant la mise à disposition d’archives audiovisuelles à un prix accessible”, explique Stéphane Ramezi, responsable des éditions mutlimédia on et offline à l’INA. Le catalogue contient des programmes TV cultes, aussi bien des émissions (Cinq colonnes à la Une, Apostrophe, Droit de réponse…) que des séries TV (Thierry La Fronde, Les brigades du Tigre…) et jeunesse (Bonne nuit les petits…). Ainsi que des programmes frais, dans le cadre de production et de co-production de l’INA 40 à 60 programmes TV par an – et de mandats d’exploitation qui lui sont accordés par des ayants droit. Du coup, 80 % de ses 20 000 contenus sont des exclusivités. Le catalogue se répartit de la manière suivante : 40 % d’émissions, 20 % de séries, 10 % de documentaires, et un dernier tiers en jeunesse, documentaires historiques et sport. “Nous avions imaginé ce service avant même l’arrivée de Netflix en France, mais il faut reconnaître que son arrivée a généré un vrai effet de communication supplémentaire pour faire comprendre ce que sont les offres par abonnement. Cela nous a donné l’élan nécessaire pour nous lancer”, commente Stéphane Ramezi. Si la distribution se limite encore à un site desktop et mobile, l’INA discute avec les fournisseurs d’accès à internet (FAI) pour intégrer leurs box, ainsi qu’avec Molotov.TV. Si l’INA ne communique pas le nombre d’abonnés recrutés depuis l’automne 2015, il précise son plan marketing. D’abord, transformer le public d’INA.fr – 32,4 millions de visiteurs uniques revendiqués sur l’année 2015 – en abonnés à INA Premium, en mettant en avant l’accès illimité, sans publicité, et éditorialisé, aux contenus. Ensuite, créer des comptes sur les réseaux sociaux pour aller chercher un autre public. Enfin, en achetant des espaces de publicité dans la presse et en ligne et des mots clés. Sa campagne de communication, débutée fin septembre 2015, a été conçue par l’agence Ici Barbès (ex-Textuel La Mine). “””Nous sommes dans notre rôle de service public en proposant des archives audiovisuelles à un prix accessible” Stéphane Ramezi, INA” Trace TV Bien d’autres niches sont explorées. C’est par exemple le cas du groupe audiovisuel Trace, qui prévoit de lancer en avril-mai 2016 une plateforme de SVOD dédiée aux divertissements urbains, Trace Play. “Nous devons être au plus près des nouvelles habitudes de consommation médias de nos cibles, qui ont entre 15 et 34 ans, et sont en train de migrer vers les plateformes numériques”, expliquait en septembre 2015 Olivier Laouchez, le fondateur de Trace, à mind-Satellinet. Ce lancement doit s’accompagner d’un investissement de 10 millions d’euros, dont la moitié sera consacrée à l’achat des contenus – 5 000 heures de programme pour commencer -, un quart aux développements techniques, et le dernier quart au marketing. Trace Play vise 200 000 abonnés en trois ans en France, et un déploiement en Afrique, au Brésil, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Le service sera disponible en OTT, via un site et des applications sous Android et iOS, et chez des fournisseurs d’accès à internet (FAI) dont le nom n’a pas encore été dévoilé. L’alternative bundle Pour échapper à la logique du coût d’acquisition, certains adoptent des stratégies alternatives. L’une d’elles consiste à se positionner comme un acteur BtoB, en proposant aux opérateurs télécom une plateforme SVOD clé en main, pour compléter leur offre de contenus. C’est la voie qu’a choisi de suivre le groupe audiovisuel AB Groupe. En mars 2013, l’éditeur des chaînes RTL9 et AB Moteurs, notamment, a lancé la plateforme généraliste Jook Vidéo (10 000 programmes pour 7,99 € / mois), distribuée par Orange, Free et Numericable. Gregory Bywalski, directeur marketing, digital et développement d’AB Groupe jusque mi-mars 2016, en explique la stratégie : “Les fournisseurs d’accès à internet ont besoin de contenus pour faire vivre leurs offres. Jook Video a été conçu avec et pour les opérateurs. Notre stratégie repose à 95 % sur la communication des FAI, nous n’avons pas mis en place de stratégie spécifique en BtoC. Ce sont les opérateurs qui recrutaient les abonnés par leurs outils de CRM traditionnels : les newsletters, les pop-ups à l’antenne, les espaces de promotion intégrés dans leurs box…”. Ainsi, chez Orange, la marque Jook s’effaçait dans l’offre “Pass Vidéo Livebox Play”, avec plus de 200 programmes. De fait, une étude du CNC sur “L’économie de la VoD en France” notait dès mars 2008 que “le déploiement des offres par abonnement représente un modèle privilégié par les opérateurs de télécommunications et les FAI, car ils disposent d’une large base de clients pour atteindre rapidement une masse critique et des moyens marketing adéquats pour accélérer le recrutement et la pénétration des offres. Par ailleurs, ce mode de commercialisation de contenus est mieux adapté à leur coeur de métier, à savoir une offre globale de services sans nécessité d’une gestion fine des contenus, si ce n’est des regroupements thématiques et la mise en avant régulière de nouveautés”. Depuis juin 2015, AB Group a abandonné le marché de la SVOD généraliste en fermant Jook Video : “Lorsque nous l’avons lancé, nous étions seuls sur ce marché. Nous n’avons pas vocation à placer nos produits frontalement à d’autres acteurs, mais en complément à l’offre des opérateurs”, précise Gregory Bywalski. C’est pourquoi le groupe a gardé la même démarche de service aux FAI pour ses offres thématiques Action Max (50 films qui couvrent tous les sousgenres du film d’action) et le PassVOD Cinéma de Numericable (150 à 200 films par mois). “””Notre stratégie repose à 95 % sur la communication des FAI” Gregg Bywalski, AB Groupe” Les FAI remontent la chaîne de valeur Jusqu’à présent, pour proposer à leurs abonnés une offre de SVOD, les FAI font appel à des acteurs extérieurs. Mais cela pourrait changer. Orange réfléchit ainsi depuis 2014 à lancer son propre service de SVOD. Mais c’est l’opérateur du groupe Altice, SFR, qui a sauté le pas le premier, en lançant Zive en novembre 2015. Il promet 10 000 programmes disponibles en juin 2016, puis 15 000 fin 2016, dont 3 000 programmes jeunesse, ainsi que des programmes de karaoké, de sport et de bien-être, grâce à des partenariats avec des studios comme Disney, Warner et Viacom. Proposé à 9,99 € / mois, il est disponible sans supplément de prix dans les offres Power de SFR (37,99 € / mois pendant un an, puis 48,99 €) et pour les abonnés à la box fibre Zive (39,99 € / mois la première année, puis 57,99 €). “SFR fait de la SVOD un argument marketing pour accompagner le lancement de sa nouvelle box. Son objectif est d’utiliser ces contenus comme argument pour recruter de nouveaux abonnés à son offre internet. On se dirige vers une sorte de “quintuple play” comprenant internet, TV, téléphone fixe, mobile, et contenu”, analyse Gregory Bywalski (AB Groupe). Sollicité plusieurs fois, SFR a décliné nos demandes d’interview pour ce dossier. “Les nouveaux enjeux du marché de la vidéo” La rédaction SVOD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire SVOD : les résultats de CanalPlay Dossiers SVOD [2/3] : les stratégies d’acquisition des acteurs généralistes Dossiers SVOD [1/3] : les enjeux du marché en France Canal+ lance une offre de SVOD mobile en Afrique Trace : lancement d’une plateforme de SVOD en 2016 Etudes gratuit Etude Deloitte Digital : la SVOD gagne du terrain sur un marché en pleine recomposition essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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