« La fraude publicitaire est l’affaire de tous »

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Yann Le Roux, directeur général Europe du sud d'Integral Ad Science, la principale société d’advérification du marché, explique les différents mécanismes de la fraude sur le marché publicitaire, son impact sur les investissements et sur les revenus, et comment s’en prémunir, qu'il s'agisse des éditeurs ou des acheteurs.
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Les investissements publicitaires annuels des marques sur le numérique sont estimés à 333 milliards de dollars (eMarketer, Digital Ad Spending 2019). Mais une part significative de ces investissements est détournée par des mécanismes de fraude. Même s’il est difficile de quantifier précisément l’étendue du phénomène, dont une partie est invisible, des estimations l’évaluent à 100 milliards de dollars d’ici 2023 (Juniper Research, Future of Digital Advertising). Le problème est donc réel.

Les mécaniques de la fraude publicitaire

Tout le monde s’accordera à dire que, pour être efficaces, les publicités, et les investissements qui vont avec, doivent toucher de vraies personnes. Pourtant, moins connue que la fraude bancaire, la fraude publicitaire est un phénomène complexe qui touche à la fois les annonceurs et les éditeurs de sites, même de qualité. Elle consiste à détourner une part des investissements publicitaires de leur objet.

Les techniques de fraude sont très nombreuses : création de faux sites ou de fausses applications mobiles qui vont afficher des impressions de façon automatique via l’usage de logiciels, ou « bots », empilement de plusieurs publicités sur un même emplacement publicitaire, impressions publicitaires diffusées dans un cadre minuscule et invisible, etc.

Pour les annonceurs qui n’utilisent pas de solution de filtrage préventif (lire le panorama comparatif de mind Media), la fraude peut toucher jusqu’à 10 % de leurs impressions publicitaires. C’est autant de manque à gagner pour les éditeurs victimes de cette fraude. Même si tous les formats et toutes les plateformes sont concernés par la fraude, elle touche en premier lieu les investissements programmatiques, le mobile et les formats les plus chers et les plus demandés, tels que la vidéo.

Il est important de distinguer le trafic invalide général (« GIVT »), qui représente environ 30 % de la fraude, du trafic invalide sophistiqué (« SIVT ») qui représente quant à lui 70 % de la fraude. Le trafic invalide général comprend par exemple le trafic venant de data centers ou les publicités servies à des robots faciles à détecter. En revanche, le trafic invalide sophistiqué, plus difficile à détecter, concerne des appareils infectés, des logiciels malveillants, des incitations frauduleuses, des publicités cachées ou empilées, etc.

Au-delà de la perte financière, le risque est également d’ordre « éthique » pour les annonceurs puisqu’en cas de fraude ils se retrouvent à financer indirectement des activités criminelles. De plus, la fraude impacte également la brand safety et le ciblage contextuel, en faisant par exemple passer des sites de faible qualité pour des sites premium. En effet, les robots savent aller naviguer sur des sites de qualité et ciblés pour qualifier leurs cookies sur des thématiques et des audiences recherchées par les annonceurs et les acheteurs, donc générant des CPMs plus élevés.

TRANSPARENCE PUBLICITAIRE

mind media lance un deuxième “hub” pour comprendre les enjeux et les chiffres clés de la transparence publicitaire en ligne afin de faciliter vos prises de décision : lire notre synthèse

Et sur notre site : #Transparence

Lutter efficacement contre la fraude

Que ce soit pour les annonceurs ou les éditeurs, une lutte efficace contre la fraude repose sur la précision. En effet, si la fraude engendre pour les marques le risque d’un financement d’activités illicites et une perte de confiance vis-à-vis des éditeurs qui seraient touchés, un filtrage trop grossier de la fraude risquerait d’avoir un impact négatif sur la visibilité des campagnes, en éliminant par exemple du trafic wifi ou VPN qui serait identifié à tort comme frauduleux.

De même, un filtrage excessif ou abusif peut générer une perte de revenus pour les éditeurs, par exemple lorsqu’ils sont victimes de fraude à un moment puis exclus des plans médias par les annonceurs.

Il est donc essentiel de mesurer la fraude de la manière la plus exhaustive possible, mais en générant le moins de faux positifs possible. Il est tout aussi dommageable de ne pas identifier des impressions frauduleuses que de considérer par erreur des impressions comme frauduleuses alors qu’elles ne le sont pas.

Pour lutter efficacement et précisément contre la fraude, il faut s’équiper de technologies reposant sur trois types d’analyse :

  1. Une analyse comportementale « big data » s’appuyant sur les différences parfois subtiles de comportements entre robots et humains
  2. Une analyse des navigateurs et des devices pour distinguer les navigateurs authentiques utilisés par une véritable personne des faux navigateurs utilisés par les logiciels et robots
  3. Une analyse des malwares qui passe par l’infiltration de communautés de hackers et l’analyse des logiciels « robots » utilisés par les fraudeurs.

L’usage de technologies avancées telles que l’intelligence artificielle et le machine learning s’avèrent donc indispensables pour détecter des schémas sophistiqués de fraude.

Le filtrage est un travail en continu

Côté éditeurs, la prévention consiste à s’appuyer sur des checklists qui permettent un filtrage au niveau de la zone géographique, du type d’appareil et du serveur de publicité. Les annonceurs disposent quant à eux de deux principaux leviers avec des solutions de filtrage des impressions frauduleuses avant enchère pour leurs achats programmatiques, ou des solutions de blocage des impressions frauduleuses pour leurs achats directs.

Au-delà de la lutte technique contre la fraude, des initiatives telles que celle menée par l’agence média Remind-PHD permet aux annonceurs de ne payer que les impressions non frauduleuses et diffusées dans la région désirée. Ce cadre strict d’achat apporte ainsi aux annonceurs davantage de transparence, cela leur évite également des échanges financiers inutiles sur des impressions frauduleuses ou hors zone géographique et leur permet de protéger leur image en évitant de financer la fraude ou de diffuser des publicités dans un pays inapproprié.

Rappelons enfin que la fraude est un phénomène très dynamique, avec des fraudeurs qui développent sans cesse de nouvelles techniques de fraude pour échapper à la détection et au filtrage. Le marché publicitaire doit ainsi faire un travail continu pour détecter la fraude et l’éliminer.

La lutte contre la fraude est l’affaire de tous : aussi bien des annonceurs dont les campagnes peuvent être impactées, que des éditeurs premium que les fraudeurs vont cibler pour récupérer leurs cookies, des associations du marché qui mettent en place des initiatives et sensibilisent sur le sujet et aussi des sociétés de détection et de protection (ad vérification) qui proposent les solutions les plus efficaces pour éviter la fraude.

Cela passe par une bonne compréhension du phénomène et de la manière dont il peut vous impacter, par la connaissance poussée de vos partenaires et vendeurs, par la certification et l’application de solutions de filtrage des impressions frauduleuses, aussi bien en trafic invalide général (GIVT) qu’en trafic invalide sophistiqué (SIVT), et par le soutien des initiatives du marché.

Une prise en charge partagée

Enfin, la question du financement est souvent posée : qui doit payer pour toutes ces ressources mobilisées, pour les outils utilisés ?

Certains sont tentés de faire porter la totalité de la responsabilité, et donc du financement, sur les éditeurs et leurs régies. Comme on l’a vu précédemment, la fraude est un phénomène complexe et protéiforme, et elle intervient sur un marché lui-même extrêmement complexe. Faire porter la totalité de la responsabilité, et du financement, sur un seul type d’acteur serait donc injuste, parce que les éditeurs ne sont pas forcément les fraudeurs, et inefficace, parce que lutter efficacement contre la fraude requiert que tous les acteurs de la chaîne s’en préoccupent.

Chacun des acteurs du marché doit donc déployer des méthodes et des outils spécifiques pour lutter contre la fraude, et travailler en priorité avec des partenaires qui partagent ce niveau d’engagement. C’est donc logiquement à chacun d’assumer le coût de ces ressources et de ces outils.

A lire
Notre panorama comparatif des acteurs spécialisés dans la lutte contre la fraude publicitaire.
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