Baromètre RECMA – mind Media : le bilan des gains de budgets en France depuis début 2025

Les premiers mois de l’année 2025 ont vu de nombreux budgets médias être remis en compétition en France. Notre partenaire RECMA, une société spécialisée dans l’évaluation et la notation des agences médias, a ainsi recensé 58 budgets ayant changé d’agence ou qui ont été conservés à l’issue d’une compétition entre janvier et septembre 2025, par 15 agences médias appartenant aux six grands groupes de communication. Le montant global est estimé par RECMA à 1,195 milliard d’euros (voir méthodologie). En 2024, 140 budgets avaient été remportés ou conservés, pour plus d’1,4 milliard d’euros.

Ces compétitions ont abouti à un changement d’agence ou au passage de l’achat média en interne à son attribution à une agence médias dans 84% des cas (49), tandis que neuf annonceurs sont finalement demeurés avec leur partenaire.

Publicis Media gagnant malgré le départ de LVMH

Deux mouvements de comptes ont particulièrement marqué la période. D’abord, la perte du budget LVMH, détenu par Publicis Media Luxe depuis 2022 et estimé à 356 millions d’euros pour la France, sans appel d’offres ; celui-ci a été remporté début juillet par Forward Media, filiale du groupe Havas qui était déjà en charge du budget média du groupe LVMH en Amérique du Sud et en Italie, sur le périmètre Europe et Royaume-Uni. Outre l’absence de compétition, l’attribution du budget à Forward Media, certes spécialisée dans le luxe mais qui ne disposait pas de clients en France, a été une surprise. Son lancement dans l’Hexagone a été officialisé mi-juillet, présenté comme “un projet intrapreneurial” réunissant “des équipes à la croisée du conseil, du content, de la data et du commerce”. Depuis, l’agence recrute, notamment des compétences en trading digital, planning stratégique et médias sociaux. Elle est rattachée à la structure Havas 28, créée en 2021 et dirigée depuis juillet par le CEO de Havas Media Network France Laurent Broca. D’après ses documents financiers publics, cette structure purement administrative n’a généré aucun revenu depuis sa création.

Deuxième mouvement significatif, la remise en jeu du budget du groupe Orange, estimé à 225 millions d’euros dans l’Hexagone, jusque-là détenu par Havas Media et tombé dans l’escarcelle de Publicis Media fin août (hors social media, qui est conservé par l’agence du groupe Havas Agence79).

Publicis Media et Havas Media Network sont les réseaux qui ont remporté ou conservé le plus grand nombre de budgets – respectivement 22 et 12 – pour les montants totaux les plus importants : 547,6 millions d’euros pour le premier, 383,5 millions pour le deuxième.

Publicis Media surfe depuis plusieurs mois sur une dynamique commerciale assez impressionnante. Le groupe tire manifestement profit de sa stratégie “Power of one”, avec une approche intégrée, cohérente, appuyée par ses capacités technologiques et data, construites grâce à une stratégie ambitieuse de croissance externe. Rien qu’au premier semestre 2025, le groupe a investi 500 millions d’euros en acquisitions, ce qu’il peut se permettre grâce à sa croissance organique (+5,9% sur un an au deuxième trimestre 2025), qui lui procure un cash flow positif (1,9 milliard d’euros à fin juin 2025). 

Cette dynamique est à l’œuvre en France comme à l’échelle internationale. Avec plus de 6 milliards de dollars en gains de budgets net (sans prendre en compte les rétentions), Publicis est loin devant la concurrence depuis le début de l’année : le deuxième groupe, IPG, n’est qu’à +1 milliard de dollars. Par ailleurs, Publicis est également efficace dans la rétention, puisqu’en France il a connu très peu de départs à part LVMH, ce qui s’est fait sans pitch. Cela montre que son succès n’est pas qu’une affaire de politique commerciale. 

Dans le détail, les gains et rétentions de Publicis Media se répartissent entre le niveau groupe, qui correspond à des comptes gérés de manière hybride et aux agences dédiées à un seul client telles qu’Aldi One (neuf budgets pour 459,3 M€), Starcom (deux budgets pour 65,3 M€) et Zenith (11 budgets pour 23 M€). Ceux d’Havas Media Network se partagent entre Havas Media (10 budgets pour 376,33 M€) et Arena (deux budgets pour 7,2 M€). 

“Publicis est le groupe qui pousse le plus loin le concept des entités dédiées à un seul client,  appliquant ainsi sa stratégie ‘Power of One’, et cela lui réussit commercialement. Ces entités dédiées ne sont pas un concept nouveau : Red Fuse (pour Colgate-Palmolive chez WPP) et OpenMind (pour Nestlé chez WPP) ont été établies il y a plus de 10 ans. Elles ne concernent que peu de comptes dans l’ensemble, mais elles impliquent les plus gros d’entre eux, des annonceurs qui investissent fortement à l’échelle régionale ou internationale”, commente Philippine Lelong, business development director chez RECMA.

Nous nous sommes concentrés, dans cette analyse, sur les gains de budgets des agences des six grands groupes de publicité mondiaux, mais notre partenaire suit également les compétitions auxquelles participent certaines grosses agences indépendantes. À ce titre, il est intéressant de signaler le gain de la stratégie média vidéo de Back Market en juin par Heroiks et celui de La Monnaie de Paris en janvier par CoSpirit. Heroiks est également parvenu à conserver le budget de SeLoger.

Quelles perspectives pour les volumes d’activité en 2025 ?

Les principaux budgets gagnés au premier semestre 2025 impacteront les volumes d’activité de 2025 (“billings”), tout comme ceux du second semestre 2024, prenant effet seulement en 2025 (Amazon et Henkel gagnés par WPP, Matmut par Havas Media, Manutan par Zenith, etc.). Compte tenu de ces premiers éléments, à date, RECMA estime que Publicis, déjà largement en tête en 2024 (voir graphique), est le groupe qui va augmenter le plus fortement son volume d’activité sur l’année 2025, de l’ordre de 123 millions d’euros. Il devance pour l’heure d’une courte tête WPP en termes de croissance de l’activité en valeur. IPG Mediabrands est quant à lui fortement dans le rouge par rapport à l’année dernière, d’environ 135 millions d’euros, notamment à cause de la perte par Initiative d’Amazon et de Lego en 2024. Le groupe Dentsu est lui aussi sur une tendance baissière en termes de volume d’activité entre 2024 et 2025.