Accueil > Marques & Agences > Comment les agences médias indépendantes se différencient des grands groupes de communication Comment les agences médias indépendantes se différencient des grands groupes de communication Aux côtés des six grands groupes de communication - Publicis, Havas, WPP, Omnicom, IPG Mediabrands et Dentsu - qui revendiquent gérer 80 à 90 % des budgets des annonceurs, figurent une dizaine d’agences médias indépendantes dont l’activité est importante en France. Comment parviennent-elles à se démarquer ? Nous avons interrogé Cospirit, Values.media et Heroiks, qui partagent leurs projets et reviennent sur leur positionnement et les stratégies mises en place. Par Charlène Salomé. Publié le 24 octobre 2024 à 16h01 - Mis à jour le 28 mai 2025 à 11h34 Ressources Sur un marché très concurrentiel, bouleversé par la digitalisation des médias traditionnels, l’explosion des solutions d’intelligence artificielle et la fin des cookies tiers, les agences médias indépendantes défendent un modèle basé sur la proximité avec les marques. “On est connecté au business de tous nos clients, insiste Clément Biot, directeur général de Heroiks Media. C’est la grande différence avec les Big Six, où il y a moins de proximité avec le client.” Une promesse qui attire les annonceurs. En 2022, ces agences réunies au sein de l’Association des Agences Media Indépendantes (AAMI) ont géré 2,68 milliards d’euros d’investissements publicitaires, selon Kantar Media, soit 8 % du marché publicitaire français. Si elles attirent surtout des clients de taille petite ou intermédiaire, elles remportent également des budgets médias à plusieurs dizaines de millions d’euros de grands clients comme Cooperative U et Verisure pour Heroiks, le groupe Vyv, Autosphere et la Macif pour Values.media, ou encore Aldi, Cora et Carrefour pour Cospirit. Adopter un positionnement différenciant Si les grands réseaux d’agences font bien partie de leurs concurrents directs, les agences médias indépendantes assurent pourtant se positionner sur un marché différent. Cospirit, qui cumule 750 millions d’euros bruts d’achats d’espaces publicitaires en 2023, mise beaucoup sur le local. “Il représente 50 % de nos achats médias, indique Florian Grill, président et cofondateur de l’agence qui fête cette année ses 30 ans. Le local représente un tiers des dépenses médias en France. Chez les Big Six, il ne représente que 10 % des achats médias.” Pour Florian Grill, le local est autant une stratégie pour se démarquer qu’un moyen de répondre à des enjeux de société. “Nous pensons que le local est très efficace mais peu recommandé par les grosses agences médias. Elles l’estiment peu rentable. Or, depuis le Covid, on observe une vraie appétence pour le local”, poursuit-il. Pour Florian Grill, le local est également un moyen de s’affranchir des GAFAM. L’agence est d’ailleurs à l’origine du collectif Les Relocalisateurs aux côtés de JCDecaux, France TV Publicité et 366, qui promeut la relocalisation des investissements publicitaires au profit de médias français locaux et nationaux. “Les solutions publicitaires des GAFAM sont très industrialisées et simples, mais dès qu’on le peut, on cherche des solutions alternatives. C’est un vrai enjeu de démocratie”, ajoute-t-il. En plus de certaines grandes enseignes du retail, l’agence a remporté les appels d’offres d’achats d’espaces publicitaires de 7 des 13 régions françaises. De son côté, l’agence Values.media est très engagée sur la RSE. Pour être identifiable auprès des annonceurs, l’ex Ecrans & Média est devenu en 2022 la première agence média à obtenir le label RSE LUCIE 26000. “Il nous permet d’attirer des talents et des clients pour qui la notion de RSE est forte. D’ailleurs, nombre de nos clients viennent de l’économie sociale et solidaire, sont des acteurs historiques du bio…”, indique Emmanuel Crego, directeur général de l’agence. Contrairement à d’autres indépendantes, l’agence se focalise uniquement sur des budgets plurimédias de taille intermédiaire, “compris entre 3 et 20 millions d’euros”. Emmanuel Crego (Values Media) : “Nous avons signé avec Prisma Media pour développer une data clean room” Depuis ses débuts, Heroiks Media entretient une forte culture de la performance centrée sur le ROI. Vinted, Blablacar, Zalando… De nombreuses start-up se sont tournées vers l’agence pour la gestion de leur communication et de leur budget média. “Nous avons lancé une start-up sur deux en média”, se félicite Clément Biot, directeur général de la filiale média du groupe Heroiks. Si l’agence attire les petites entreprises – “on a beaucoup de clients avec des budgets médias inférieurs à 5 millions d’euros”, indique-t-il – elle gère également les achats d’espaces de grands comptes. “Notre approche séduit aussi des mastodontes comme Cooperative U et Verisure, avec des budgets médias à 66 millions et 40 millions d’euros”, insiste-t-il. Investir dans la R&D et des technologies propriétaires Comme les grands groupes de communication, qui investissent massivement dans l’intelligence artificielle, les agences médias indépendantes s’équipent de solutions IA et data sophistiquées. A l’ère du cookieless, elles réfléchissent à des stratégies alternatives de ciblage et de mesure de la performance. L’an passé, le groupe Heroiks a lancé la plateforme Heroiks Live, qui permet aux annonceurs de piloter l’ensemble de leurs investissements médias et de suivre la performance de leurs campagnes en temps réel. Des modules spécifiques sont en cours d’ajout pour améliorer encore les mesures de la performance. “On va pluguer un module MMMLive (Marketing Mix Modelling), qui est un modèle économétrique qui permet d’analyser les performances business et branding d’une campagne à l’autre. On a réussi à ‘réchauffer’ ces modèles économétriques pour les rendre activables et actionnables beaucoup plus rapidement”, assure Clément Biot. Biggie, l’agence indépendante “hybride” qui porte les ambitions de croissance de Biggie Group Cospirit investit, de son côté, tous les ans “10 % de son chiffre d’affaires en tech et data”, assure Florian Grill. “On croit beaucoup au retour de data médias basées sur l’analyse de groupes de population. On essaie de faire un travail prédictif pour lequel on utilise beaucoup l’IA”, indique le président de Cospirit. Avant l’été, l’agence a lancé l’outil iO Business, un outil de prévision des KPI business, tels que la pénétration du marché, la fréquence de visite ou encore le chiffre d’affaires, en fonction des investissements médias réalisés. “Grâce à cet outil, on a été capable de prédire le chiffre d’affaires à six mois d’Aldi, en fonction de ses investissements médias”, se félicite Florian Grill. Chez Values.media aussi, “entre 2 et 4 % de notre marge brute est investie en R&D” chaque année, explique Emmanuel Crego. Pour le directeur général, ces investissements répondent à la mission que s’est fixée l’agence : “au-delà de conseiller sur l’achat, nous pensons qu’une agence média se doit d’être capable de conseiller sur les technologies et les data, et d’être capable d’avoir une approche sur mesure”. Pour répondre à ses objectifs de ciblage sur mesure, l’agence développe depuis un an et demi des accords avec des éditeurs, comme Prisma Media, qui lui permettent d’accéder à leur CRM via des data clean rooms. “Grâce à ces accords de data collaboration, nous sommes en mesure de mettre en place le bon écosystème de partenaires sur la data, pour avoir une réponse sur mesure en fonction de l’annonceur et de sa problématique”, indique-t-il. 15 % des campagnes digitales menées par l’agence utilisent ces segments. L’agence est en cours de développement de son propre Graph ID, alimenté par différents partenariats. TV segmentée, maillage local… Affiner les expertises Values.media étend désormais son approche du ciblage sur mesure, via la data clean room, à la TV segmentée avec un accord signé avec TF1 Pub. “Values est la seule agence média du marché à être capable de construire ses propres segments en TV segmentée et de les pousser chez TF1, M6 et Canal+”, se félicite Emmanuel Crego. L’agence envisage également d’adapter cette approche au DOOH et à l’audio, et de nouer d’autres accords de data collaboration. “On est en discussion avec deux sociétés qui ont des data très intéressantes”, assure le directeur général de Values.media. L’agence souhaite continuer à étoffer son expertise, qu’il juge “très différenciante”, sur la digitalisation du offline. “On le voit en pitch, notre approche, nos outils, nos capacités de ciblage plaisent. Il faut aller plus loin sur cette question : comment repense-t-on le mix média avec les nouvelles possibilités apportées par le offline grâce à l’adressabilité ?”, insiste-t-il. Dans sa stratégie de différenciation sur le local, l’agence Cospirit a développé plusieurs outils propriétaires de pilotage des médias locaux tel que ML Spirit, qui “permet de faire du local at scale”, explique son président. “Cet outil comprend une base de données de 15 000 titres et supports locaux, ce qui nous permet d’industrialiser la pratique du local”, détaille-t-il. L’agence, qui s’est spécialisée dans les médias de proximité, travaille avec plus de 300 régies installées partout sur le territoire, et gère le parc d’affichage de plusieurs grandes enseignes telles que Carrefour. Florian Grill estime aussi que son agence, de par son ancrage local, est bien placée “pour gérer le tremblement de terre que représente la fin du catalogue”, très apprécié des retailers. Pour y répondre, l’agence a créé l’outil SOCLE, une solution de compensation du leaflet. “Avec cet outil, on peut trouver la solution capable de compenser le trafic historiquement généré par le catalogue en utilisant un mix de solutions locales”, explique-t-il. Des enseignes comme Cora et Carrefour utilisent déjà cette solution. Favoriser les alliances à l’international Pour se positionner sur les appels d’offres internationaux et gagner en reconnaissance, les agences médias indépendantes peuvent choisir d’intégrer un réseau international d’agences. En 2016, Cospirit a créé et rejoint le réseau LocalPlanet, aux côtés d’agences médias indépendantes implantées dans d’autres pays telles que Horizon aux Etats-Unis, The 7 Stars au Royaume-Uni, ou encore Pilot en Allemagne. “Ce réseau permet de répondre à des appels d’offres internationaux sous la marque commune LocalPlanet, explique Florian Grill. Si un client français veut s’étendre à l’étranger, on a une solution à lui apporter en dehors des Big Six.” Composé de 70 agences, LocalPlanet pèse sur la scène internationale. Selon le classement Comvergence 2023, Local Planet gère 16,25 milliards de dollars de “billings”, ce qui la place au 6e rang mondial des réseaux d’agences médias. Cette structure atypique permet à chaque agence de conserver son indépendance. “On est centré sur le partage d’expériences et de régies. Ce réseau nous permet de répondre à des appels d’offres avec une unité de positionnement et de méthodes de travail”, observe Florian Grill. Heroiks Media noue également des alliances avec d’autres agences médias indépendantes à l’étranger, telles que Crossmedia et Mediaplus. “Quand on a une empreinte très forte en France, on peut passer à côté de certains appels d’offres, explique Clément Biot chez Heroiks Media. Un des vrais enjeux est de tisser des liens avec d’autres agences indépendantes pour proposer un réseau, à la façon des Big Six.” Dans un marché média de plus en plus globalisé, “la difficulté pour une agence indépendante est d’intégrer l’appel d’offres pour avoir la chance de concourir”, reconnaît aussi Emmanuel Crego chez Values.media, qui ne fait pas partie d’un réseau international. “Il est plus difficile de nous positionner sur un annonceur de taille intermédiaire qui souhaite enclencher un pitch à l’international”, avoue-t-il. Emmanuel Crego préfère miser sur le marché français. “On est convaincu que le marché français est suffisamment gros pour ne se concentrer que sur celui-là”, assume-t-il. _____Mise à jour vendredi 31 octobre 19h15 : correction du montant d’achats bruts d’espaces publicitaires en de Cospirit en 2023. Charlène Salomé Agences Besoin d’informations complémentaires ? 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