[Dossier du Social Media Club] Création de contenu et IA : quelle utilisation dans la communication ?

Une adoption en un temps record

Il y a encore quelques années, le recours aux intelligences artificielles semblait encore loin de notre quotidien. Mais ces derniers mois, les choses se sont considérablement accélérées, notamment avec la mise à disposition de ChatGPT par OpenIA, un projet dans lequel Microsoft a investi pas moins de 10 milliards de dollars. Conçu comme un bot conversationnel, ChatGPT répond à tout type de demandes formulées par une commande écrite de texte, appelée « prompt » en anglais. 

A peine ouvert au grand public, ChatGPT a été rapidement adopté : en seulement 5 jours, la plateforme comptait 1 million d’utilisateurs. Aux Etats-Unis, une étude démontre que 51% des professeurs l’utilisent déjà (pour préparer leurs examens par exemple), contre 33% des étudiants. Dans le monde de l’entreprise, les attentes sont grandes, notamment en matière de production de contenus. 41 % des employeurs pensent que ChatGPT va doubler leur productivité dans les départements de marketing et de relations publiques, avance une étude réalisée par Sortlist. 

D’autres outils comme Dall-E (également proposé par OpenAI), Stable Diffusion ou encore Midjourney sont utilisés pour la génération d’images. A ce jour, Midjourney compte plus de 8,3 millions de membres sur son serveur Discord, et environ 176 000 abonnés sur son Twitter (Midjourney est gratuit mais limité à 25 utilisations gratuites en essai gratuit).

Des applications très concrètes dans la com et la publicité

Récemment, plusieurs entreprises ont communiqué sur leurs campagnes générées directement par l’IA à l’instar de Carrefour, Nestlé ou encore Heinz. A partir de requêtes écrites, l’intelligence artificielle a été capable de générer des campagnes vidéo. En réalité, les possibilités offertes par des outils comme ChatGPT sont presque infinies dans les secteurs de la communication et de la publicité.  « Avec ces outils, il est possible non seulement de créer du contenu (articles, communiqués de presse, posts pour les réseaux sociaux, etc), mais aussi de gérer la partie outbound (campagne SMS, social ads, service client, analyse du sentiment client, email de vente etc)…», explique Jean-Baptiste Berthoux, cofondateur d’AI Machina qui forme des dirigeants, managers ou encore des journalistes à l’adoption des outils d’IA. 

Au sein de l’agence YouLoveWords, l’IA s’intègre peu à peu au quotidien des employés. « Nos content strategists se servent notamment de ChatGPT pour élaborer des plans, pitch ou intros d’articles. L’IA peut nous aider à trouver des thématiques, à compléter des papiers ou encore à gérer la partie SEO », rapporte Alexis Chevallier, CMO. Il nous explique qu’un lab a été créé au sein de l’agence afin de tester tous ces sujets et voir comment intégrer le plus efficacement possible l’IA dans le quotidien des équipes, sans pour autant perdre en qualité. 

Un outil performant à condition de savoir l’utiliser

D’après Arnault Chatel, Responsable Pédagogique du MBA DMB de l’École des nouveaux métiers de la communication (EFAP) et conférencier sur les thématiques liées à l’IA,  l’utilisation d’outils comme ChatGPT est bien plus répandue que ce que l’on pourrait imaginer : « je connais beaucoup d’agences expertes en SEO où les consultants ne produisent plus mais sont là en supervision. Le métier qui se développe à vitesse grand V aujourd’hui est celui de prompt engineer », explique-t-il. Le prompt engineer est celui qui va être capable de formuler la requête écrite à l’outil le plus efficacement possible. Cette habileté va être de plus en plus recherchée, c’est d’ailleurs pourquoi Arnault Chatel a pris le parti de former ses étudiants en communication à se servir de ces outils.

« Ce que les entreprises doivent apprendre à leurs employés, c’est à bien parler à la machine », renchérit Jean-Baptiste Berthoux. Pour avoir le meilleur résultat possible, l’utilisateur doit renseigner un maximum l’IA sur le contexte, l’émetteur et la cible. « Quand on demande à l’IA de se mettre par exemple dans la peau d’un directeur de la communication d’un grand groupe, et qu’on explique bien sa requête, les résultats peuvent être bluffants », ajoute-t-il. Il est d’ailleurs intéressant de noter que Bing AI peut faire des recherches sur internet et les reformuler en langage naturel car il est basé sur ChatGPT. En effet, on peut : 

• Demander à Bing comment faire des requêtes ChatGPT 

• Utiliser ces informations dans Chat GPT.

• Utiliser Bing AI pour demander comment faire un prompt Midjourney ou Dall E 2 

Savoir converser avec l’IA est donc une compétence en soi, et c’est certainement ce qui va permettre à une entreprise de pouvoir se distinguer d’une autre. Et cela ne signifie pas la fin de toute intervention humaine. « En matière de production d’images notamment, ce qui va être intéressant c’est de proposer à l’IA de plancher sur des associations inédites, ce qui permettra d’avoir une vraie démarche créative », poursuit Jean-Baptiste Berthoux.

L’IA dans la communication, quelles limites aujourd’hui ?

Malgré cette adoption extrêmement rapide, à l’heure actuelle, plusieurs points font encore défaut aux outils d’IA. 

• L’actualisation tout d’abord, ChatGPT ayant été entraîné sur une base de connaissances s’arrêtant en 2021.

• L’absence de source: l’outil ne fournit pas les sources qu’il utilise, ouvrant la voie aux fake news et manipulations de toutes sortes – ainsi qu’à des problématiques de droits d’auteur..

• L’information délivrée est déjà accessible au grand public et peu innovante.

• On ignore également ce que les informations renseignées dans l’outil deviennent par la suite. Open AI déclare publiquement faire attention à cette question, mais aucune source n’explique vraiment bien ce qu’il advient des données. Mieux vaut donc ne pas révéler d’informations trop sensibles ou confidentielles.

• Enfin, « les contenus écrits proposés sont encore assez ternes. Ils n’ont pas beaucoup de style, et on se retrouve avec des plans très standards, voire des problèmes de cohérence dans la structure. A ce jour, l’IA ne permet pas de réaliser des articles articulant de la pensée complexe », estime Alexis Chevallier. Bref, impensable pour lui de laisser l’IA travailler en autonomie pour le moment.

En résumé, l’IA permet donc de « produire à grande échelle du contenu, mais de manière industrielle et pas artisanale », pour Jean-Baptiste Berthoux. Cela peut être utile à bien des égards, et servir de base au processus d’idéation, mais les créateurs de contenu qui voudront se distinguer de la masse auront tout intérêt à hausser la qualité de leur contenu et à développer leur propre style, mais aussi à trouver leurs propres sources d’information.

Et demain ?

D’après Ethan Mollick, Professeur associé à la Wharton School of the University of Pennsylvania, nous ne sommes qu’au début du processus : « l’IA permet d’apporter des réponses uniques et originales en reliant des sources d’inspiration improbables et en trouvant des liens surprenants (…) Je trouve que les capacités de l’IA sont une source constante d’étonnement (…) je pense que le fait de se concentrer uniquement sur leur utilisation pour l’écriture et les tâches d’assistant personnel ignore certaines des choses les plus excitantes de l’IA ».

Un point de vue partagé par Arnault Chatel qui pratique une veille quotidienne sur les avancées de l’IA : « pour l’heure, les outils sont encore contraints par un cadre défini. Mais on peut imaginer que dans une échelle de 10 à 50 ans, on ait des IA fortes capables d’imaginer, créer, produire et déployer des projets, produits et services sans aucune intervention humaine. C’est évident que l’IA va devenir beaucoup plus subtile au fil des années. » 

De son côté, Open AI veut créer une AGI (Artificial General Intelligence) dotée d’une conscience. Elle sera alors capable de développer des perspectives uniques. Les chercheurs divergent sur la possibilité d’une telle création, mais Sam Altman, le Président dOpen AI, y croit dur comme fer.

L’enjeu, aujourd’hui, réside dans la capacité des professionnels à utiliser l’IA de manière innovante et performante pour aider chaque entreprise à trouver sa propre voix, dans un monde inondé d’informations.

Paulina Jonquères d’Oriola