Accueil > Marques & Agences > Gautier Picquet (Publicis Connected Media France) : “Je ne vois pas l’IA comme un outil de productivité, mais d’excellence” Gautier Picquet (Publicis Connected Media France) : “Je ne vois pas l’IA comme un outil de productivité, mais d’excellence” mind Media a rencontré Gautier Picquet, CEO de Publicis Connected Media France, au festival Cannes Lions pour parler de la nouvelle organisation du groupe en France, de ses récents succès dans les grands appels d'offres internationaux, et de l'impact de l'IA sur la transformation des entreprises et les métiers des agences médias. Par Raphaële Karayan. Publié le 20 juin 2025 à 14h41 - Mis à jour le 23 juin 2025 à 10h36 Ressources Quels sont les éléments notables de cette édition 2025 des Cannes Lions, pour vous ? La richesse des rencontres. Beaucoup de clients, de tech, de créativité. Cela devient, et c’est positif, une vraie place de discussions pour poser des directions stratégiques et organiser des rencontres entre toutes les grandes familles d’acteurs, souvent habituées à rester dans leur couloir de nage. On casse les silos, les habitudes, on se pose et on construit ensemble. On rencontre aussi des prospects. Les gens sont plus réceptifs, et cela permet d’organiser des partages d’expériences entre clients, ce qui est très apprécié. Cannes n’est pas de tout repos ! L’actualité récente de Publicis a été marquée par plusieurs gains de budgets significatifs, remportés face à des agences sortantes de WPP. Qu’est-ce que cela raconte, selon vous ? Cela signifie que la feuille de route du président de Publicis Groupe, Arthur Sadoun, répond parfaitement aux enjeux de transformation de nos clients ; des enjeux stratégiques, autour de la data, de la croissance de leur business, de la protection de leur marque. Cela dit aussi que la promesse de Publicis n’est pas qu’une “promesse de PowerPoint”, dans la mesure où nous avons démontré notre grande agilité et gagné la confiance de nos clients sur le long terme. Même si c’est très bien de gagner des budgets, ma plus grande fierté, c’est la fidélité de nos clients. Garder un client, c’est un énorme enjeu. C’est la preuve de notre capacité d’adaptation, de réinvention et d’utilité. C’est pourquoi parfois, il faut savoir dire non à une compétition, pour pouvoir continuer à gérer au mieux ses clients existants. Baromètre RECMA – mind Media : le bilan des gains de budgets en France en 2024 Cela vous arrive souvent ? Savoir dire non, c’est aussi savoir dire oui aux clients que nous voulons vraiment gagner. Je n’aime pas concourir à moitié, c’est un métier de passion et nous devons savoir faire des choix et les assumer. On ne gagne pas de nouveaux clients à 80 % d’engagement, mais à 200 %, alors il faut faire des choix. Cette année, nous avons dit non plusieurs fois, car nous devons nous assurer d’être toujours proches de nos clients fidèles et s’assurer du meilleur delivery chaque jour. 2025 est une très grosse année de compétitions, intéressantes car elles sont globales et locales, et parce qu’on observe qu’il y a de moins en moins de compétitions “de procurement” (uniquement pour réduire les coûts, ndlr). Les clients sont à un tournant important de leur marketing et la dimension de transformation stratégique est au cœur de chaque compétition. Nous adorons cela. Beaucoup de grandes marques consolident leurs agences en organisant des compétitions globales. C’est une tendance ? C’est un phénomène naturel, avec des entreprises mondiales qui cherchent à créer un cadre et un process global, tout en laissant des libertés locales à leurs agences. Mais il y a aussi énormément de compétitions locales, avec des annonceurs qui cherchent de l’humain, de la tech et un vrai conseil stratégique différenciant. Ces compétitions sont passionnantes car c’est l’essence même de notre métier. Est-ce que vous recrutez pour pouvoir être en mesure de gérer ces budgets internationaux, qui ne nécessitent pas forcément les mêmes profils ? Clairement. Dans la branche média, il y a aujourd’hui 1 400 collaborateurs, contre 800 il y a moins de cinq ans. Mon stress le plus fort au quotidien, est celui de la révolution des profils. Avec l’essor du commerce, de l’influence, de l’IA, de l’ID, nous recrutons des profils plus tech et data. En même temps, on est quand même là pour générer du business et construire des marques, et nous avons besoin des meilleurs profils d’expertises média et création. Comment continuer à servir le quotidien tout en incarnant la promesse d’avenir dans les nouveaux talents ? C’est un enjeu hyper compliqué. Si bien qu’aujourd’hui, un CEO est un DRH. Je passe 50 % de mon temps (sur mes 200 %) sur ces questions, qui vont de la politique sociale à la fidélisation, en passant par la recherche de nouveaux profils en dehors de l’industrie publicitaire. La politique talent est le socle de toute performance. Résultats 2024 des Big Six : WPP détrôné, le sacre de Publicis Parlons de votre nouvelle organisation, Publicis Connected Media, dont vous avez été discrètement nommé CEO. Quels sont ses objectifs et qu’est-ce qui a changé dans vos fonctions ? J’ai été nommé CEO de Publicis Connected Media France en janvier 2025, au moment du lancement de ce projet qui est encore en construction. Il consiste à réunir les équipes de Publicis Media, Epsilon France et Epsilon International, le pôle paid influence et créateurs, le pôle commerce (Publicis Commerce, Bizon), et le pôle dédié à l’ID et l’IA. Cela représente plus de 2 000 collaborateurs au service d’une offre de marketing transformation, boostée par la force et le pouvoir de la data. Par rapport à mes anciennes fonctions, j’ai désormais la responsabilité directe de la data marketing et du CRM (Epsilon France et International, Conversant), de certaines activités d’influence et de beaux projets en cours de développement. Cette organisation est également lancée aux États-Unis, et devrait être déployée dans d’autres pays par la suite. C’est un très beau challenge, ambitieux, au service de la croissance et de la transformation de nos clients. Le gros changement, c’est de connecter l’ensemble des métiers par la création de valeur, pour apporter une simplicité de lecture de l’impact, à l’heure où tout se traduit par la mesure et la data. Arthur Sadoun le résume ainsi : “Connect or die” (connecter ou mourir). Cette promesse s’articule autour de ce qu’on appelle le PESO : Paid, Earned, Shared, Owned. Il ne faut plus voir nos clients dans le monde des médias comme des investisseurs faisant des dépenses médias, mais gérer cet écosystème en modulant les éléments du PESO. Connecter l’ensemble des actions marketing au service d’objectifs clairement établis, mesurables et traçables dans le temps. Nos clients en sont très heureux, les feedbacks sont très bons. Et en prospection, on voit que c’est un très bon positionnement. C’est une nouvelle aventure très excitante. “Mon stress le plus fort au quotidien, est celui de la révolution des profils” A Cannes, cette année, les discussions portaient beaucoup sur la façon dont l’IA permet de faire parler les données. A-t-on aujourd’hui, dans les rangs des agences et des annonceurs, les moyens d’exploiter toutes ces nouvelles données ? C’est pour cela que nous avons 25 000 ingénieurs chez Publicis dans le monde, dans un pôle IA central au service de tous. Ils sont là pour filtrer et organiser la donnée, la rendre utile et développer des outils pour pouvoir agir. L’IA doit être un accélérateur de l’intelligence humaine. Une technologie au service de nos métiers et de nos cerveaux. Tout en ne perdant pas de vue que la création de valeur, c’est le pouvoir de la créativité humaine renforcé par l’IA ; et que la transformation marketing doit servir à générer du business. Ce qui est intéressant, c’est que nous sommes passés au stade de la preuve. Et là encore le potentiel est énorme ! Nous n’en sommes qu’au début. Est-ce que l’IA contribue à améliorer la rentabilité des métiers d’agences médias ? Pour l’instant non, c’est même l’inverse. Il faut le dire clairement. Aujourd’hui, l’IA est un investissement fort pour servir encore mieux nos clients. Un investissement nécessaire, obligatoire, que je ne vois pas comme un outil de productivité, mais d’excellence. L’IA n’est pas un facteur de réduction des coûts, cela c’est du mythe de procurement : les ingénieurs sont plus chers – ces dernières années les salaires à l’embauche ont progressé en moyenne de 15 à 20 %. L’IA doit créer de la valeur intellectuelle, économique, et pas l’inverse. Elle demande plus de temps de cerveau disponible… Quel est l’impact de l’IA sur le temps passé sur les comptes des clients ? C’est un impact à la hausse, pour trois raisons : la pédagogie que cela nécessite auprès des clients ; le travail sur les sources de données, qui est énorme ; et les “mauvaises discussions” autour de l’IA, par exemple sur les économies qu’elle pourrait dégager ou les aspects légaux. Pédagogie et preuves doivent être nos chevaux de bataille. Pas les mythes ! Y a-t-il une chance que parmi les nouvelles données générées par l’IA, certaines permettent aux médias d’information de mieux tirer leur épingle du jeu sur le marché, par exemple en démontrant mieux leur efficacité dans les plans médias ? Non, pas uniquement par ce biais, arrêtons de fabuler. Pour faire cela, il faut des actes. Sur le papier, la data peut mettre en avant un meilleur contexte, mais à un moment, c’est la responsabilité des entreprises qui entre en jeu, et ce n’est pas l’IA qui le fera. C’est un travail de longue haleine, d’autant plus difficile qu’il se fait dans un contexte baissier pour les médias d’information. Cependant, je pense que l’on est sur une bonne trajectoire de discussion avec les marques sur ces sujets. Mais il est vrai que cela ne va pas assez vite pour les éditeurs. “Nous allons doubler nos équipes commerce et influence” En termes conjoncturels, comment voyez-vous évoluer les comportements des annonceurs ? On voit plus de stratégies court-termistes, avec des pilotages parfois un peu dangereux pour le capital de marque, et une gestion permanente de l’incertitude. Mais les investissements ne baissent pas, la France reste en croissance et est extrêmement résiliente, et nous allons faire une très belle année de croissance chez Publicis. Nous allons doubler nos équipes commerce et influence pour nous adapter aux transformations en cours. Le marché de la communication en France vit une révolution majeure et nous sommes là pour y répondre. Un mot sur Publicis Media Connect, qui gère des budgets de taille intermédiaire et est présente en régions. Quelle est la place de l’agence dans le groupe ? Je crois énormément au géomarketing, car toute marque a une implémentation business différente. Il faut arrêter de moyenniser la France, c’est la plus grosse bêtise à faire en termes de marketing. L’IA, pour ça, est une révolution car elle permet d’individualiser les parcours. Le géomarketing est un axe ultra-stratégique pour Publicis Connected Media, et Connect est central pour Publicis Media dans l’accompagnement de PME qui sont riches d’agilité et de problématiques. Il faut écouter chacun et nous adapter à chaque problématique. C’est cela la communication. Raphaële Karayan AgencesCannes LionsCompétitions d'agencesIA générativeInfluence marketingOrganisationPublicisStratégies annonceursTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretiens Quentin Le Merle (Publicis Media) : "Lorsqu’une campagne sociale est diffusée via une marque média, ses performances augmentent" Publicis porte un nouveau coup à WPP en lui ravissant le budget Mars Captiv8, nouvelle acquisition de Publicis dans le marketing d'influence Publicis rachète l'agence de marketing sportif Adopt Publicis confirme ses prévisions 2025 après un bon premier trimestre essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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