Accueil > Marques & Agences > Achat média > Guy Chauvel (WNP) : “Les agences de communication en France sont parmi les moins bien rémunérées” Guy Chauvel (WNP) : “Les agences de communication en France sont parmi les moins bien rémunérées” Challengées par de nouveaux acteurs comme les GAFA et les cabinets d’un conseil d’un côté, et face aux exigences de transparence et d’efficacité des annonceurs de l’autre, les agences de communication repensent leurs modèles pour conserver leur valeur ajoutée. Guy Chauvel, président fondateur de WNP, présente à mind Media le positionnement de son agence qui combine intégration et consulting, et sa vision de l’évolution du marché. Par . Publié le 17 avril 2019 à 16h02 - Mis à jour le 17 avril 2019 à 16h02 Ressources Quel est le positionnement de WNP sur le marché publicitaire ? Après avoir notamment dirigé Saatchi & Saatchi en France, Havas en Europe, et plus récemment JWT au niveau monde (sa fiche LinkedIn), j’ai souhaité créer en 2011 un nouveau modèle d’agence qui tienne compte des évolutions des pratiques marketing des annonceurs. WNP, pour What’s Next Partner, se positionne comme le partenaire de demain des annonceurs, plus que comme une agence de communication. Pour cela, nous avons construit au fil du temps une offre intégrée, qui combine à la fois publicité classique, social media, CRM, shopper marketing, design, etc. Par-dessus ces expertises, nous avons ajouté dès le lancement une couche supplémentaire que peu d’agences proposent, à savoir un planning stratégique musclé en consulting. Cela nous permet d’avoir une capacité d’aide à la compréhension des consommateurs, des marchés, du conseil en marketing mix, en positionnement de marque, ainsi qu’en stratégie des moyens, afin d’aider les investisseurs à optimiser leurs investissements marketing. Les différentes activités de WNP contribuent de manière équilibrée à son chiffre d’affaires, dont 60 % des revenus proviennent du numérique. L’activité média est la dernière à avoir été lancée en février 2019. Comment s’articule-t-elle ? Sandrine Préfaut, directrice associée du département média : l’activité média a été créée pour positionner WNP comme la première agence conseil en investissement média. L’automatisation de l’achat média en a fait une commodité, et pour ne pas redevenir des centrales d’achat, les agences médias doivent valoriser le conseil en stratégie média. Il nous arrive ainsi de conseiller certains annonceurs sur leur stratégie média, dont ils confient ensuite l’achat à d’autres agences médias. Pour ne pas redevenir des centrales d’achat, les agences médias doivent valoriser le conseil en stratégie média Sandrine Préfaut Directrice associée en charge du département média de WNP Cette activité repose sur trois piliers, dont le plus important est la transparence. Ce levier ayant perdu la confiance des annonceurs à cause du système de marges arrières prélevées par les agences médias, nous mettons en place des relations tripartites avec l’annonceur et les supports médias, dans lequelles nous demandons par exemple à l’annonceur de contribuer au paiement de l’advérification de la campagne pour garantir les questions de transparence, visibilité, brand safety, fraude. Le modèle de rémunération est donc celui du temps passé, couplé à l’incentive aux résultats. Le second pilier est le ciblage, sujet sur lequel nous travaillons actuellement avec Médiamétrie pour être en mesure d’acheter les cibles marketing de nos clients. Enfin, la priorité est également donnée aux contenus, afin de réconcilier média et création ; car dans les faits, le message n’arrive qu’en dernier dans “il faut envoyer le bon message à la bonne personne au bon moment”. Ces derniers sont créés, par un studio de production interne, pour traduire les insights et s’adapter aux consommateurs afin d’être efficaces. Quelles sont les preuves du succès du modèle d’agence de WNP ? Cette offre est différenciante sur le marché publicitaire français, largement dominé par les grands groupes dont les expertises sont encore sillotées, et challengé par des indépendants très spécialisés. Ce modèle a ainsi convaincu des annonceurs tels que PSA Banque, Disney, ainsi que des budgets globaux comme celui d’Air France KLM. Il nous a également amenés à nous retrouver très rapidement en compétition face aux agences des grands groupes WPP, Havas, etc. De même, le chiffre d’affaires de WNP a, lors de ses premières années d’existence, augmenté de 30 % par an, sur un marché français pourtant en décroissance. 15 % sont issus des cinq acquisitions externes réalisées depuis 2011, dont l’agence social media 909c en 2017. En 2018, nous avons enregistré 30 millions d’euros de revenus, grâce à une productivité moyenne de 200 000 euros des 150 employés de WNP en France (l’ouverture de bureaux à l’international est prévu pour 2019), là où la moyenne du marché se situe plutôt autour de 100 à 150 000 euros. Ces bons résultats font de WNP l’une des rares agences qui continuent à investir en R&D. Un outil d’ab testing pour tester l’efficacité des contenus en ligne indépendamment des montants investi est notamment en cours de développement. Comment ont évolué les attentes des annonceurs vis-à-vis des leurs partenaires agences ? Les annonceurs ne sont aujourd’hui plus fidèles, comme ils ont pu l’être, à une seule enseigne, en particulier sur le volet numérique. C’est notamment dû à l’émergence dans les années 2000 d’acteurs numériques comme Digitas ou Razorfish, qui ont mis à mal la relation des annonceurs avec les grands groupes qui accusaient alors un retard dans la compréhension des enjeux numériques. Depuis, les grands groupes ont compris que les annonceurs attendaient plus d’intégration des compétences, et ont commencé à proposer des offres dans ce sens : Publicis Power of One, Havas Village, fusions d’agences au sein de WPP, à l’instar de leurs concurrents américains R/GA, Anomaly, ou moins représentatif aujourd’hui malgré son rôle de pionnier, CPB. C’est à mon sens le seul positionnement viable dans le futur, avec celui des studios créatifs forts, comme BETC et Buzzman en France. Cette situation a amené une réflexion plus large chez les annonceurs sur le type de collaboration avec leurs partenaires. Il y a d’une part, l’internalisation, en particulier celle de l’achat média, qui a beaucoup été discutée sur le marché ces dernières années mais dont peu d’annonceurs se sont en réalité saisis. Nous n’accompagnons pas d’annonceurs dans ce sens chez WNP. D’autres organisations sont testées pour optimiser la relation agences-annonceurs, à l’instar de Procter & Gamble, qui a fait le constat que 50 % du temps des responsables de ses marques était dédié à la coordination du travail de ses différents partenaires (lire notre article, ndlr) : pool d’agences dirigé par une agence lead, équipe multi-agences dédiée à l’annonceur. Fin mars, TBWA France se retirait de l’AACC, accusant l’association de cacher la situation compliquée des agences publicitaires en France. Qu’en est-il ? Historiquement, le marché français est un de ceux où les agences de publicité sont les moins bien rémunérées. Comme l’a montré une étude de l’AACC (dont WNP n’est pas membre, ndlr), leur rentabilité moyenne était d’environ 3 % en 2015, contre 8 % en 2007. À titre de comparaison, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, ce taux est proche des 15 %, voire dépasse les 20 % pour les agences les plus performantes. En plus des faibles rémunérations par les annonceurs, les coûts salariaux sont particulièrement élevés en France, puisqu’ils représentent environ 60 % des dépenses des agences. Cette fragilité financière ne leur permet pas d’investir suffisamment en R&D, et donc de développer de nouvelles expertises pour répondre à l’évolution des attentes des annonceurs. Le marché français est un de ceux où les agences de publicité sont les moins bien rémunérées, avec une rentabilité moyenne de 3 % Guy Chauvel Président fondateur de WNP Je pense que Guillaume Pannaud, président de TBWA France, a raison d’alerter sur la santé du marché car entre 2011 et 2017, le marché n’a pas grossi, les investissements des annonceurs en communication sont restés plats, c’est le nombre d’acteurs qui a augmenté. L’AACC ne remplit pas cette mission, et c’est en partie pour cette raison que la situation ne s’améliore pas. Car les agences sont responsables de leur manque d’adaptation au marché publicitaire, elles n’auront un futur que si elles sont capables de rendre compte de leur valeur ajoutée aux annonceurs. C’est également leur devoir de refuser des niveaux de rémunération trop bas. Comment expliquer la faible rémunération des agences de communication en France ? L’une des principales raisons tient du dumping sur les prix pratiqués par les grands groupes – dont Publicis et Havas, comme l’a affirmé Guillaume Pannaud dans sa lettre à l’AACC -, du fait de la perception de commissions cachées, qui a été mis à jour avec l’adoption de la Loi Sapin en 1993. Après ça, ils ont perdu la confiance des annonceurs, qui ont refusé d’adapter les rémunérations des agences pour compenser ces commissions. Dans un second temps, les agences françaises ont connu une seconde vague de perturbations avec l’arrivée des agences numériques dans les années 2000 qui ont tiré les tarifs vers les bas. Ces dernières n’avaient en effet, pour la plupart, aucune notion de rentabilité économique car leur objectif était alors de grossir rapidement pour être revendues à de grands groupes. Quel est le rôle des directions des achats ? En France, il existe une une forte tradition de négociation de la part des directions des achats chez les annonceurs, qui avaient auparavant tendance à acheter des fournitures de bureau ou des prestations de communication de la même façon. Les pratiques sont en train d’évoluer car ces services se sont professionnalisés, en particulier en se familiarisant avec le fonctionnement de l’achat média, notamment grâce au travail d’évangélisation des cabinets conseil comme Accenture. Dans le même temps, les gros annonceurs sont également au fait des dérives du marché, à l’instar des commissions dans l’achat programmatique révélées par le rapport publié par l’ANA en juin 2016 (lire notre article, ndlr). Cette meilleure connaissance laisse entrevoir l’espoir de proposer aux annonceurs de nouveaux modèles de rémunérations. Je suis en effet persuadé que nos métiers ne sont pas adaptés à la rémunération du temps passé, car il ne garantit pas la qualité de la proposition et ne valorise pas les employés impliqués. Là encore, j’estime que c’est à l’AACC d’étudier le modèle de rémunération des agences en ayant le courage de dire non à ceux qui ne participent pas à la revalorisation de notre métier. Chez WNP, nous réfléchissons depuis plusieurs mois à un modèle hybride, qui combine des forfaits et des incentives aux résultats, pour le proposer prochainement à nos clients. Les compétitions sont également souvent pointées du doigt pour les investissements qu’elles représentent pour les agences. Sont-elles nécessaires au système ? La volatilité des investissements des annonceurs complique les prévisions des budgétaires des agences, et les oblige à générer du newbizz régulièrement pour sécuriser leur exploitation, en participant à un maximum de compétitions chaque année. Cela reste un poste de dépense conséquent pour les agences : pour les 25 premières agences du marché, il doit osciller entre 10 à 15 % de leur marge brute. En grande partie, cela est dû à l’aboutissement dans le travail qui est demandé par les annonceurs. Alors que seules 10 à 20 %, selon moi, des compétitions prévoient une indemnisation des agences non retenues (l’AACC estime cette part à 30 % dans son étude 2017, ndlr). Et d’autant qu’il y a de moins en moins d’appels d’offres mono-métier, au moins deux voire trois expertises sont sollicitées, avec souvent également un angle consulting sur le repositionnement d’une marque ou l’innovation marketing. Là encore, c’est aux agences d’avoir le courage de refuser les pratiques qu’elles ne peuvent pas supporter. Agences créativesAgences digitalesCompétitions d'agencesInternalisationRelations agences-annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? 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