La concurrence des agences par les cabinets conseil semble surestimée

L’annonce de l’acquisition de l’agence créative multi-primée Droga5 par Accenture, début avril, semblait confirmer les craintes du marché de ces dernières années : les cabinets conseil veulent et vont prendre des parts de marché aux agences de communication traditionnelles. Il faut dire que nombreux signaux vont dans ce sens.

D’une part au regard de leurs acquisitions d’agences – autre exemple, le lancement de Fabernovel Stories en octobre 2018 grâce à l’acquisition de la société créative Le Side Car -, qui ont fait d’Accenture le cinquième acheteur le plus actif en 2018 selon COMvergence. David Jones, fondateur de la “brandtech” You & Mr Jones, indiquait ainsi à mind Media lors des Cannes Lions 2019 être “plus souvent en compétition avec les cabinets conseil sur les acquisitions d’entreprises qu’avec les groupes de communication”.  

Leur vitalité effraie également : encore bien loin des 34,4 milliards d’euros générés en 2017 par la filière communication, leur chiffre d’affaires a cependant crû de 12 % en 2018 à 7,3 milliards d’euros, selon une étude du Syntec Conseil.

Les agences s’organisent pour répondre à la concurrence 

Dans le même temps, les groupes de communication construisent des offres de conseil, pour concurrencer les cabinets conseil sur l’accompagnement dans la transformation numérique. “Alors qu’elles ont été au départ identifiées comme des guides dans le déploiement de stratégies digitales, le marché laisse aujourd’hui penser qu’elles sont mises de côté par rapport aux cabinets de conseil et aux GAFA dans l’accompagnement dansla transformation numérique”, relevait Gregory Pascal, président-fondateur de SensioGrey et président de la commission Digital de l’AACC, auprès de mind Media lors des Cannes Lions 2018. 

Pourtant, BVA Limelight, Ebiquity et VT Scan – qui ont une position d’observateurs par leur accompagnement des annonceurs (études, compétitions d’agences) -, ont nuancé cette concurrence, dans le cadre d’une table-ronde consacrée à l’évolution des partenaires des annonceurs lors de la conférence Agency Futures organisée par mind et Oddo mardi 25 juin. 

Les agences semblent douter d’elles-mêmes

Nathalie Taboch, directrice générale France et Belgique d’Ebiquity, observe que “les cabinets conseil sont rarement présents dans des compétitions dont les budgets médias sont conséquents, mais plutôt sur des appels d’offres de niche”. L’entreprise organise des compétitions dont les investissements médias débutent à 5-10 millions d’euros. La concurrence semble plus affirmée en deçà de ce montant et sur des compétition sur des expertises au périmètre limité. Un constat pointé par le groupe WPP auprès de Campaign lors de l’annonce de ses résultats au premier semestre 2017 : sur 87 compétitions, 24 avait été perdues au profit de ce type de concurrence. La perte était alors estimée à 20 millions de dollars, les budgets concernés ne dépassant pas les 8 millions de dollars. 

Olivier Bertin, directeur de BVA Limelight, constate que “les cabinets conseil, les sociétés technologiques, mais aussi les agences internes sont bien devenus des partenaires des annonceurs, mais ils restent actuellement cantonnés à une cercle encore éloigné du coeur stratégique autour de l’annonceur, composé de l’agence de publicité, l’agence média, et ,lorsqu’il y en a encore une, l’agence numérique”. 

Une réalité qu’ont du mal à percevoir les agences. À l’occasion d’un événément du Club des Annonceurs en avril dernier, VT Scan a interrogé 200 agences et annonceurs sur la concurrence ressentie par chacun (résultats à lire sur La Réclame). Son constat est édifiant : si 52 % des agences considèrent les cabinets conseil comme une alternative crédible à leur modèle, les annonceurs ne sont de leur côté que 35 % à les citer, bien derrière les agences mentionnées par 70 % comme étant leurs partenaires privilégiés. “La concurrence des cabinets conseil est largement exagérée, notamment par les agences elles-mêmes”, conclut son co-dirigeant Fabrice Valmier.