Malgré la crise financière, les Big six ont poursuivi leur croissance en 2022

Guerre en Ukraine, pénurie de certaines matières premières, explosion du prix des énergies, baisse de la croissance mondiale à 3,2 % (contre 6 % en 2021 selon le FMI), progression de l’inflation mondiale à 8,8 % (contre 4,7 % en 2021 selon le FMI)… Après une année 2021 marquée par une reprise de l’activité après les périodes de confinement de 2020 liées à la pandémie de Covid-19, le contexte en 2022 laissait présager une année à nouveau compliquée sur le plan économique. 

Une hausse moyenne de 11,6 % du chiffre d’affaires

Les Big six, les six principaux groupes de communication mondiaux que sont dentsu, Havas, Interpublic, Omnicom, Publicis et WPP, viennent cependant de publier des résultats financiers qui font état d’une poursuite de la dynamique de croissance, comme cela était déjà visible au premier semestre 2022. Après une augmentation moyenne de leur chiffre d’affaires de 10,6 % en 2021, elle a été de 11,6 % l’an dernier. C’est le groupe Havas qui affiche la plus forte hausse, à 18,1 %, pour un total de 2,78 milliards d’euros.

Cela s’explique notamment par les acquisitions réalisées par la filiale du groupe Vivendi en 2022, huit au total dont la contribution à la croissance est de 2,7 % : Bastion Brands (Australie – communication santé), Expert Edge (Royaume-Uni – performance média), Additive+ (Royaume-Uni – création data-driven), Search Laboratory (Royaume-Uni – digital média), Front Networks (Chine – création), Frontier Australia (Australie – marketing à la performance), Inviqa (Royaume-Uni – digital média) et Tinkle (Espagne – communication stratégique). 

Le groupe français reste un acteur mineur par rapport à ses concurrents, puisque l’écart avec le premier, WPP, est de l’ordre de 13,5 milliards d’euros (toutes les devises ont été converties en euros selon le taux de change en vigueur au 31 décembre 2022). Pour cela, le groupe de communication britannique (GroupM, Ogilvy, VLMY&R…) s’est notamment appuyé l’an dernier sur des gains de budget d’une valeur de 5,4 milliards d’euros nets, dont les comptes d’Audible et de Verizon.

Depuis 2018, il est cependant de plus en plus challengé, d’abord par Omnicom, et désormais par Publicis qui a enregistré en 2022 un chiffre d’affaires de 14,2 milliards d’euros, en progression de 17,3 % sur un an, supérieur à celui d’Omnicom, de 13,4 milliards d’euros, qui est resté à un niveau quasi-similaire à celui de 2021.

Le chiffre d’affaires du groupe de communication américain (OMG, DDB, BBDO…) a en effet connu un léger recul de 300 000 euros sur un an. C’est aussi le seul groupe de communication mondial à ne pas avoir encore effacé les effets de la crise du Covid-19, puisque son chiffre d’affaires 2022 est encore en-deçà de 4,4 % de celui enregistré en 2019 - c’était aussi le cas de WPP l’an dernier, mais depuis résorbé. Au premier semestre 2022, Omnicom expliquait déjà la stabilité de l’évolution de ses revenus par la cession d’une filiale, dont le nom n’a pas été précisé.

11,3 % de la croissance d’origine organique en moyenne

La part organique de la croissance de ces six groupes était, en moyenne, de 11,3 % en 2022. La bonne santé de cet indicateur est relativement nouvelle, puisqu'avant la crise sanitaire et économique de 2020, elle n’était que de 0,03 % en 2019, 2,4 % en 2018 ou nulle en 2017. 

“Les groupes de communication ne sont pas des entreprises qui, traditionnellement, dégagent des croissances organiques importantes”, constate Yves Romestan, fondateur d’Yrsa Communications, agence de communication multiculturelle, et ancien directeur de la communication pour des annonceurs tels que Bouygues Construction et Brandt. “Les Big Six s'appuient plutôt sur  une stratégie de croissance externe via des acquisitions - qui n'apportent cependant pas de croissance spectaculaire des chiffres d’affaires”. Selon une étude du cabinet de conseil Results, ces acquisitions ont été en hausse en volume de 15 % en 2022 par rapport à 2021, avec 425 opérations, et de 40 % par rapport à 2020 rien qu'au premier semestre. Outre les huits rachats annoncés par Havas, déjà cités, dentsu en revendique par exemple cinq l’an dernier.  

C’est Publicis (Publicis, Leo Burnett, Saatchi & Saatchi…) qui a enregistré une part organique de sa croissance la plus importante, à 10,1 %. Les croissances de son chiffre d’affaires et de son revenu net sont par ailleurs, respectivement, de 17,3 % et 20 %. Cette dynamique financière s’accompagne également d’une forte croissance en bourse, fait remarquer Sébastien Danet, président d’Influencia et ancien chairman d’IPG Mediabrands en France : entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2023, le cours de son action a progressé de 20,6 %. La hausse est de 74,5 % par rapport au 1er janvier 2021, de 101,7 % par rapport au 1er janvier 2020 et de 58,5 % par rapport au 1er janvier 2019. Pour Sébastien Danet, cette réaction du marché est dûe plus à la confiance dans la succession de la direction du groupe, prise en 2017 par Arthur Sadoun après le retrait de Maurice Lévy, qu'à un modèle particulièrement différent des autres Big Six. 

Publicis déclare par ailleurs le deuxième taux de marge le plus important, à 18 %, contre 18,2 % pour dentsu. À noter cependant que cet indicateur n’était pas publié dans les résultats financiers d’Interpublic, ni dans ceux d'Havas qui ne le communique plus depuis son rachat par Vivendi en 2017, ce qui complique la comparaison. D’autres indicateurs, comme l’évolution des effectifs, n’ont pas été donnés pour 2022. Les taux de marge sont  “tout à fait convenables” pour Yves Romestan, et témoignent “d’une confiance dans le marché et dans ses acteurs qui n‘existait pas il y a quelques années” selon Sébastien Danet. Pour 2023, les Big Six ont annoncé des prévisions de croissance comprenant une croissance organique moyenne comprise entre 2 et 5 %.