Que retenir de l’acquisition d’Epsilon par Publicis ?

Philipp Schmidt (directeur exécutif de Prisma Media Solutions) :
“Les challenges de cette acquisition seront culturels”

“Il est intéressant de voir un grand groupe de communication prendre le virage stratégique de l’analyse des données. La maîtrise des staffs technologiques leur est devenue indispensable, car ils doivent accompagner leurs clients dans leur transformation digitale, ce qui suppose des capacités poussées en data science. Cette acquisition permet en outre à Publicis de renforcer sa place vis-à-vis de ses rivaux historiques.

Au-delà des défis propres à toute fusion, les challenges de cette acquisition seront d’ordre culturel. Historiquement, la publicité française sacralise le directeur artistique et sa big idea. Or, Epsilon est une entreprise de data science américaine, sa culture est celle de faits et d’individus au service de l’interprétation mathématique des données. Ce sont par conséquent deux cultures diamétralement opposées qu’il sera sans doute très riche et amusant de combiner.”

Pierre-Louis Fontaine (consultant digital) :
“Le people based marketing, c’est le sens de l’histoire”

“Cette opération n’est pas la première ni sans doute la dernière acquisition de technologie qui permettra à Publics de se positionner comme le seul réseau mondial capable de se mesurer aux GAFA d’un point de vue d’outils et d’intelligence marketing. Son objectif est de proposer aux marques un seul interlocuteur sur toute la chaîne de la communication digitale, du premier contact avec le consommateur jusqu’à l’achat et à la fidélisation.

Aujourd’hui, ce n’est pas la valeur du média qui compte, mais celle de la data activable sur tous les carrés du jeu. Le people based marketing, c’est le sens de l’histoire : on ne travaillera plus sur des cookies mais individu par individu. Cela nécessite des moyens technologiques considérables et une vision mondiale, et Publicis avance plus vite que les autres sur ce terrain. Il faut en effet être capable de comprendre la data, en plus de la posséder, au moins aussi bien que Google et Facebook l’ont fait. Celui qui le fera mieux gagnera la bataille.”

Christophe Dané (consultant, fondateur de Digital Makers) : 
“Sa stratégie est de devenir leader du marché du CRM aux États-Unis”

“La stratégie de Publicis avec Epsilon est de devenir leader du marché du CRM aux États-Unis. C’est bien vu, car il est très compliqué de faire de la croissance organique dans ce pays. Avec Epsilon, Publicis entre tout de suite dans la cour des grands.

La data est devenue le nerf de la guerre, et les groupes de communication s’affirment sur ce sujet. Ce mouvement est très positif : en maîtrisant la connaissance client, les agences se positionnent comme des business partners des annonceurs. Le digital exige une expérience sans couture et on ne peut plus être expert d’un seul univers.

Ceci étant, les fusions entraînant souvent un peu de casse ; tout dépendra du succès de l’intégration entre ces deux entités. Par ailleurs, les annonceurs n’apprécient pas de dépendre d’un seul prestataire, et tous les clients d’Epsilon ne voudront pas forcément travailler avec Publicis si ce dernier sert leurs concurrents.”

Grégoire Frémiot (directeur des revenus de mediarithmics) :
“Compléter son offre technologique sur la data third party, le DSP et l’affiliation”

“Epsilon permettra à Publicis de compléter son offre technologique sur la data third party, le DSP et l’affiliation. Il sera intéressant dans le cadre de cette acquisition de voir le niveau d’intégration fonctionnel et technologique de l’ensemble ainsi formé. Les solutions d’acteurs du data marketing les plus puissants au monde, comme Google ou Alibaba, ont été bâties intégralement en interne sur un socle technologique unique.

Quoi qu’il en soit, cette acquisition permettra à Publicis d’encore mieux couvrir la chaîne de valeur des besoins marketing et data, répondant notamment aux clients qui attendent de leurs agences une offre “tout en un”, là où d’autres clients vont continuer à séparer le sourcing de leurs besoins en conseil, en agence ou en technologie. Cette acquisition confirme la dynamique de “coopétition” sur le marché, où l’on peut être à la fois partenaire et concurrent.”