Accueil > Marques & Agences > Achat média > Secteur de la santé (1/2) : comment se positionnent les agences de communication sur le digital ? Secteur de la santé (1/2) : comment se positionnent les agences de communication sur le digital ? Les campagnes publicitaires liées à la santé étant très encadrée, elles nécessitent le plus souvent des agences de communication spécialisées. De nombreuses structures se sont positionnées sur ce segment. Qui sont-elles et quelles sont leurs spécificités ? Quelle valeur ajoutée apportent-elles aux annonceurs du secteur ? mind Media a interrogé la délégation Santé de l'AACC, le groupe pharmaceutique Servier et les agences de communication DDB Health Paris et TBWAAdelphi (Omnicom), Grey healthcare Group Paris (WPP), Publicis Health France (Publicis), ainsi que Strategik & Numerik et By Agency. Par . Publié le 23 janvier 2019 à 15h05 - Mis à jour le 23 janvier 2019 à 15h05 Ressources Le secteur de la santé obéit en France à des réglementations strictes en matière de communication sur les médicaments, considérés comme un produit particulier. La publicité auprès du grand public est par exemple interdite pour les médicaments accessibles sur ordonnance, mais est elle possible et encadrée auprès du corps médical – via les visiteurs médicaux, la presse médicale et certains sites web dont l’accès est restreint aux professionnels de santé. Seuls les dispositifs médicaux et les médicaments OTC (Over The Counter, soit les médicaments en libre accès dans les officines) peuvent faire l’objet de campagnes de publicité auprès du grand public, avec l’obligation de faire valider a priori les publicités et leurs environnements de diffusion auprès de l’autorité administrative (ANSM), qui délivre les “visas GP” obligatoires avant toute diffusion. Pour communiquer malgré ces contraintes, les marques leaders sur leur marché optent parfois pour un pas de côté, avec des campagnes sur la pathologie, sa prévention et l’observance du traitement, sans évoquer le médicament proposé, seul le logo de l’annonceur pouvant apparaître. À l’image de la campagne massive en digital de sensibilisation à la prévention du cancer du col de l’utérus, mise en place par TBWAAdelphi sur Youtube, Facebook et Snapchat, et via le site web Papillomavirus.fr, à l’occasion de la mise sur le marché par MSD d’un nouveau Gardasil, destiné aux jeunes filles âgées de 11 à 17 ans (pour des motifs de santé publique, les communications sont acceptées par dérogation sur les vaccins). Facebook est également activé auprès des mamans, pour faire de la pédagogie via des messages ciblés avec des niveaux d’information différents selon les segments. Les lourdeurs internes aux laboratoires Mais en dépit des apparences, même si les mentions légales sont lourdes à gérer, les principales difficultés rencontrées par les marques pour promouvoir leurs offres sur le digital ne seraient pas réglementaires, de l’avis des acteurs interrogés lors de notre enquête. “Le plus grand obstacle dans la communication santé reste la frilosité des laboratoires pharmaceutiques eux-mêmes, y compris parmi les leaders du marché”, affirme ainsi Alain Sivan, fondateur et CEO de TBWAAdelphi France, l’agence de communication globale santé du réseau TBWA à Paris, qui se targue d’avoir parmi ses clients MSD, GE Healthcare, Pfizer, Novartis et Roche. Pour preuve, la part du digital dans le mix media des annonceurs de la santé serait en retrait (seulement 7 % des investissements média bruts 2017 selon Kantar Media, hors mobile et programmatique) par rapport à la part moyenne du digital sur le marché publicitaire français (qui se situe à près de 22 % en 2017 selon Kantar Media, sur le même périmètre). “La difficulté principale réside dans l’inertie très importante autour des projets au sein de nos clients, car avec la réglementation, une multitude de compétences internes et d’acteurs interviennent sur chaque sujet”, explique Loris Repellin, directeur général et CEO de DDB Health Paris, qui a notamment pour clients Servier, Biogaran, Mylan et Ipsen. Pour faire face aux contraintes légales, nous proposons à nos annonceurs d’amorcer leur réflexion sur leur stratégie de communication le plus en amont possible, parfois un an avant le lancement de leur dispositif Laurence Meyer CEO de Publicis Health France L’agilité sur le digital est très inégale parmi les annonceurs de la santé : certaines marques s’appuient sur l’émergence des formats vidéos verticaux pour communiquer dans une approche “mobile first”, quand chez d’autres il faut parfois de six mois à un an pour créer un simple site web. Pour une agence, il faut donc anticiper au maximum un plan de communication dédié à un annonceur santé. “Pour faire face aux contraintes légales, nous proposons à nos annonceurs d’amorcer leur réflexion sur leur stratégie de communication le plus en amont possible, parfois un an avant le lancement de leur dispositif, le temps de mettre en place les discussions nécessaires avec leurs services réglementaires, marketing et leur direction médicale”, indique Laurence Meyer, CEO de Publicis Health France. L’agence a pour clients Amgen, Boehringer Ingelheim, Nestlé, Sanofi, Janssen, GSK, etc. Les réseaux d’agences offrent une profondeur de compétences Sur le marché français cohabitent des agences de communication santé indépendantes, de taille relativement réduite (de 10 personnes à quelques dizaines), et d’autres issues de grands réseaux (de 50 à 150 personnes) bénéficiant de ressources plus importantes. “C’est de plus en plus difficile de différencier les marques santé par le contenu sur le digital. En conséquence, notre agence s’oriente de plus en plus vers l’intégration de contenus créatifs dans nos recommandations. Notre force est de pouvoir utiliser les codes créatifs du réseau DDB”, estime Loris Repellin. Même avis chez le leader de la communication santé en France, Publicis Health France (123 employés dans l’Hexagone et un chiffre d’affaires 2017 de 18,1 millions d’euros), qui applique à la réglementation santé les techniques utilisées par les agences du groupe Publicis, auprès de qui elle profite d’un partage d’outils et de ressources. Publicis Health France propose donc à ses annonceurs des techniques de co-création issues du réseau Publicis, via des workshops et des nouvelles méthodes de travail, plus agiles et plus flexibles. Même si les concepts créatifs et les stratégies sont souvent élaborés au niveau international, l’expression publicitaire mise en oeuvre pour les clients est adaptée au niveau local, par pays. Au sein des agences, des concepteurs-rédacteurs, idéalement de formation scientifique, ou avec une appétence pour la santé et ses problématiques, maîtrisent les codes de la publicité et travaillent en binôme avec les directeurs artistiques. Publicis Health France dispose ainsi de 15 concepteurs-rédacteurs médicaux, ayant réalisé un PHD ou un master en biologie ou en chimie, voire issus d’une formation d’ingénieur agroalimentaire. Comme pour les autres secteurs, la data impacte la création, mais les laboratoires pharmaceutiques sont là aussi frileux face à la réglementation. Publicis Health France développe des stratégies marketing en temps réel auprès des payeurs (assureurs, assurance maladie et mutuelles). Publicis Health US a d’ailleurs racheté à l’été 2018 Payer Sciences, une agence de marketing santé spécialisée dans l’analyse des datas. Les agences spécialisées apportent une expertise et une relation Face à la palette d’expertises qu’offrent les réseaux d’agences aux marques, les structures de communication spécialisées santé “apportent aux annonceurs confiance et réassurance, encore plus aujourd’hui avec le recrutement accru sur des métiers liés au digital chez nos clients”, affirme Eric Phélippeau, président de By Agency Group, l’une des agences françaises indépendantes du secteur, créée en 1989. Parmi ses clients : Mylan, Takeda, Pfizer, Sanofi, Mundipharma, AP-HP, Stallergenes, BMS et Novartis. Comme les laboratoires scientifiques, les agences publicitaires spécialisées dans la santé sont le plus souvent accompagnées au quotidien d’une direction scientifique, en lien direct avec le pharmacien responsable des laboratoires scientifiques. “L’agence apporte un relationnel de plus de 20 ans avec un réseau d’experts efficaces dans tous les univers thérapeutiques. Elle doit maîtriser les problématiques médicales et réglementaires des laboratoires pharmaceutiques autant qu’eux. C’est un travail qui nécessite de la passion. Nous cherchons les informations auprès des associations de patients, des payeurs et des professionnels de santé. Nous testons les concepts,et parfois nous vérifions nos intuitions via des études qualitatives”, détaille André Darmon, président de Strategik & Numerik. Cette agence indépendante a pour clients Abbvie, BMS, Gilead, Novartis, Sanofi ou La Roche-Posay. Elle réalise 95 % de son chiffre d’affaires auprès des professionnels de santé et prend également en charge des opérations de “Medical Education” (formation médicale continue). Dans l’achat de prestation d’agences, certains acheteurs des laboratoires pharmaceutiques sembleraient être parfois davantage guidés par la baisse des coûts que par la valeur ajoutée apportée par les agences Les agences spécialisées apportent une expertise et une relation : les laboratoires pharmaceutiques ayant l’interdiction de s’adresser directement aux patients, les agences de communication santé permettent d’y avoir accès pour tester des nouveaux services de communication digitale, ou recueillir des témoignages utilisés dans la communication – rejoués par des acteurs puisque l’intégration de vrais patients est interdite dans les publicités. Comptant parmi les premiers utilisateurs des programmes d’”immersive learning” en digital (le suivi des patients et auprès des médecins), Grey Health Group Paris travaille par exemple sur des dispositifs de vidéo interactive autour de cas patients, pour apprendre les gestes et techniques aux médecins. De son côté, Publicis Health France utilise au quotidien l’immersion en réalité virtuelle et la voix (assistants connectés, coachs digitaux), tandis que Strategik & Numerik prépare de nouveaux supports BtoB intégrant la voix, dont les chatbots et les assistants connectés. L’agence prévoit également d’utiliser prochainement des campagnes d’influence marketing (autour des pathologies). S’appuyer sur les experts scientifiques L’une des problématiques auxquelles se heurtent les agences indépendantes est de maintenir leur niveau de compétitivité face à des structures disposant de plus de synergies et de ressources. Pour y parvenir, l’agence By Agency Group dit s’appuyer sur un réseau de plus de 50 consultants et sociétés partenaires en France, aussi bien des médecins, des pharmaciens, des docteurs en biologie que des nutritionnistes, activés en fonction des besoins de ses clients. Les alliances avec les agences de réseaux sont également possibles pour associer leurs expertises et accompagner conjointement certains annonceurs. By Agency Group est d’ailleurs parfois consultée par des grandes agences généralistes pour les aider à répondre aux appels d’offres de marques de santé. Créée en 1972, la délégation Santé de l’AACC (l’association des agences-conseils en communication) compte aujourd’hui 19 agences adhérentes, soit 85 % du marché de la communication santé, et 90 millions d’euros de marge brute chaque année. La délégation réfléchit à un assouplissement d’ici 2019 de ses règles d’adhésion : certaines agences qui ont une activité prépondérante dans la communication santé, sans pour autant avoir un médecin ou un scientifique à temps plein dans leurs effectifs, et des agences pures players digitales pourraient rejoindre la délégation. Des appels d’offres longs et complexes Quelle agence publicitaire un annonceur du secteur de la santé doit-il choisir ? Il faut compter six à huit mois pour qu’une agence de communication soit “shortlistée”. Les services achats des grands laboratoires pharmaceutiques élaborent d’abord au niveau international des listings d’agences référencées, s’assurant que les campagnes de publicité peuvent se faire au niveau local et global. Mais le choix d’agences est également souvent lié à la personnalité en place à la direction des achats. D’après nos interlocuteurs, la création publicitaire est en effet moins valorisée qu’avant sur ce segment et les équipes marketing des laboratoires pharmaceutiques ont tendance à se “junioriser”. Dans l’achat de prestation d’agences, certains acheteurs des laboratoires pharmaceutiques sembleraient aussi être parfois davantage guidés par la baisse des coûts que par la valeur ajoutée apportée par les agences. La question du timing est également soulevée. “Pour les communications digitales auprès des professionnels de santé, les laboratoires pharmaceutiques laissent aux agences des délais très réduits, d’une durée moyenne de 3 à 4 semaines, voire parfois 15 jours seulement. C’est bien trop court pour délivrer un travail qualitatif”, déplore André Darmon (Strategik & Numerik). TV et radio, ou digital ? Alors que la loi Bertrand certifie “l’impartialité médicale” totale de l’ensemble des professionnels de santé, les pharmaciens, certes tenus par une obligation de service public, ont libre choix dans la délivrance des produits sans ordonnance. Ce qui en fait une cible de choix pour la prospection des laboratoires et donc pour leur communication. “La TV est rentable pour nos clients annonceurs qui veulent cibler ces professionnels en plus du grand public. C’est un levier évident pour obtenir un bon référencement auprès des pharmaciens, et ce même si les médecins et pharmaciens utilisent déjà Internet à 90 %”, affirme Thierry Kermorvant (Grey Health Group Paris). Le média télévison reste donc essentiel. Un point en faveur du numérique : les plans médias en TV et radio entraînent une déperdition importante, alors que le digital, quand il est bien géré opérationnellement, permet un ciblage très fin et se montre efficace sur des problématiques très précises, comme c’est souvent le cas pour la communication liée à la santé. Par exemple pour ne s’adresser qu’à des diabétiques (lire notre étude de cas sur la façon dont l’industrie du médicament (Leem) communique pour revaloriser l’image des laboratoirespubliée dans mind Media) Pour autant, le digital est-il rentable pour les laboratoires pharmaceutiques ? Là encore, comme pour les autres secteurs du marché publicitaire, la réponse diffère. “Oui, le digital est efficace”, mais “il est d’abord perçu comme réducteur de coûts”, affirme Laurence Meyer (Publicis Health France). De son côté, Eric Phélippeau (By Agency) estime ne pas connaître “un seul laboratoire pharmaceutique qui peut démontrer le ROI du digital sur l’image et la notoriété de ses produits”. Ce dossier a été publié une première fois à l’automne 2018 sur mind Health. Consultez aussi notre tableau comparatif de six agences de publicité santé en téléchargement ci-dessous. Agences créativesAgences digitalesSantéStratégies annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? 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