Accueil > Médias & Audiovisuel > L'après-cookies > Bataille entre syndicats de journalistes et éditeurs de presse autour de l’application du chômage partiel pour les pigistes Bataille entre syndicats de journalistes et éditeurs de presse autour de l’application du chômage partiel pour les pigistes Un décret ministériel doit être publié pour préciser si et comment le chômage partiel doit également s'appliquer aux journalistes des entreprises de presse qui ne sont pas mensualisés. Le statut d'intermittent est également concerné. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 06 avril 2020 à 20h06 - Mis à jour le 06 avril 2020 à 20h06 Ressources Après les ordonnances publiées fin mars par le gouvernement pour assouplir le recours au chômage partiel au sein des entreprises – dont les entreprises de presse – le ministère de la Culture travaille sur un décret d’application pour préciser ses modalités au sein des industries culturelles et des médias. L’un de ses points sensibles concerne les règles d’indemnisation des journalistes rémunérés à la pige au sein des entreprises de presse. Le statut des pigistes est depuis de nombreuses années une source profonde de désaccords et de dossiers portés en justice, entre pigistes et employeur, et entre syndicats de journalistes et éditeurs de presse. Les groupes de presse les plus importants en emploient des centaines chaque année. Le statut d’intermittent est également concerné pour les groupes médias l’utilisant. L’intégration ou pas des salariés pigistes dans les plans de chômage partiel qui ont largement été actionnés au sein des groupes médias depuis trois semaines – et si oui, sur quels critères – est un enjeu important pour les éditeurs de presse. Pas tant sur le plan économique, puisque c’est l’État qui in fine prend en charge une large partie de la rémunération habituelle des salariés concernés, mais sur le plan du précédent administratif et social que cela peut créer : la plupart des éditeurs de presse estiment qu’il n’y a pas de lien de subordination des pigistes et en font des salariés à part. Harmoniser les pratiques sociales liées au chômage partiel Leur attribuer le même statut que les journalistes salariés mensualisés, avec le même type de bulletin de salaire mensuel et au sein desquels serait indiquer la mention “chômage partiel”, fusse-t-il de façon temporaire, créera un précédent susceptible de se retourner contre eux ces prochains mois et années une fois la crise passée, craignent certains éditeurs. Ceux-ci redoutent que des tribunaux de justice s’appuient sur ces éléments pour reconnaître ensuite aux journalistes pigistes les même droits sociaux que les journalistes mensualisés. Les dispositifs actionnés ces dernières semaines par les éditeurs de presse sont très variables ; certains – ils sont rares – ont annoncé en interne indemniser leurs pigistes comme leurs salariés mensualisés. C’est le cas notamment du Groupe La Dépêche, Radio France et France Télévisions. Ouest-France l’avait annoncé avant de se raviser et d’attendre le contenu du décret. D’autres éditeurs – la majorité – ont conditionné l’intégration des pigistes au dispositif de chômage partie à des critères parfois très restrictifs (par exemple huit mois de bulletins de salaire dans l’année et une rémunération au moins égale à la moitié d’un Smic chaque mois) afin de réduire drastiquement le champ d’application et le nombre de pigistes concernés. C’est le cas dans de nombreux groupes médias, par exemple au Parisien, à Prisma Media et au Figaro. SPÉCIAL COVID-19 Tous les chiffres et informations importantes sur la crise afin de faciliter vos prises de décision : notre hub enrichi en permanence “Les Essentiels” Tous nos décryptages et articles : ici sur notre site : #covid-19 Un lobbying intense Le décret ministériel, dont la publication est imminente, est donc important pour fixer les pratiques sociales actuelles et à venir. Les représentants des éditeurs et les syndicats de journalistes effectuent chacun des actions de lobbiyng intenses ces dix derniers jours pour faire valoir leur position auprès du ministère de la Culture – via la DGMIC, dirigée depuis janvier par Jean-Baptiste Gourdin (sa fiche LinkedIn) chargée du dossier – et du ministère du Travail, également concerné mais qui semble désormais en retrait. Du côté des éditeurs, c’est essentiellement l’Alliance de la presse d’information générale – conduit notamment par son président Jean-Michel Baylet (Groupe La Dépêche du Midi) et son vice-président Marc Feuillée (Groupe Figaro) – qui fait valoir les positions des éditeurs auprès du ministère de la Culture, et dans une moindre mesure le SPQN en direct. Dans un communiqué intersyndical diffusé dimanche 5 avril, les principaux syndicats de journalistes français (SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes et SGJ-FO), européens (Fédération internationale des journalistes, Fédération européenne des journalistes) et associations de pigistes (Profession : Pigiste ; Union des photographes professionnels (UPP), Ras la plume, etc.), exigeaient “que les critères de prise en compte des journalistes pigistes dans l’activité partielle soient prévus dans le décret”, de manière à ce qu’ils ne soient pas laissés à l’appréciation de l’éditeur de presse et renvoyés “à l’incertitude d’un accord d’entreprise”, souvent muet sur ce point. Les syndicats de journalistes veulent que les critères d’application correspondent aux conditions fixées pour participer eux élections professionnelles – figurant dans le dernier protocole d’accord pré-électoral -, c’est-à-dire réunissant un nombre de fiches de paie donné, à l’exclusion de tout seuil de rémunération : les syndicats demandent donc l’intégration automatique des pigistes au dispositif de chômage partiel actionné par un éditeur de presse lorsqu’il a reçu “au moins trois bulletins de salaire, consécutifs ou non, dans les douze mois précédant la demande, dont deux dans les quatre derniers mois, ou en cas de collaboration à la dernière parution dans le cas des trimestriels”. L’indemnité serait calculée sur la base de la moyenne des salaires des 12 mois précédant le dépôt de la demande, ou depuis la première fiche de paie pour ceux ayant débuté leur collaboration depuis moins d’un an. Les syndicats de journalistes envisagent le terrain judiciaire Beaucoup d’incertitudes planent sur le contenu du décret ministériel, mais les syndicats de journalistes que nous avons interrogés se disent “inquiets” des échanges qu’ils ont eu ces deux dernières semaines, notamment sur la proposition, qui semble avoir été évoquée, qui consisterait à conditionner l’application du chômage partiel à la détention de la carte de presse par les pigistes : il y a 6 500 pigistes détenteurs de la carte de press (sur 35 000 journalistes), selon la Commission de la carte et entre 7 000 et 9 000 de plus sans carte, selon les estimations des syndicats de journalistes. S’ils estiment le décret qui sera publié va à l’encontre des droits des pigistes, plusieurs organisations syndicales n’excluent pas de lancer ou participer à des procédures en justice contre le texte ou contre les groupes de presse, via une question prioritaire de constitutionnalité et des litiges portés aux tribunaux administratifs, voire l’introduction d’actions collectives. les effets du chômage partiel Avant la mise en activité partielle, l’employeur doit adresser une demande à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) du département. Le Gouvernement a encouragé les entreprises à y recourir, avec parfois un contrôle a posteriori. La durée et le temps de travail d’un salarié placé en chômage partiel sont fixés par l’employeur. Les salariés placés sous ce statut sont indemnisés par l’État à 100 % de leur rémunération nette pour la période non travaillée s’ils sont au Smic, et à 84 % si leur rémunération va au-délà du Smic (70 % de la rémunération brute). L’employeur peut s’il le souhaite abonder l’indemnité versée par l’État. Cela qui devrait être le cas par exemple chez Le Figaro, Ouest-France et Prisma Media mais sous conditions. Jean-Michel De Marchi Covid-19LobbyingRéglementation Besoin d’informations complémentaires ? 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