Accueil > Médias & Audiovisuel > Candidatures TNT : L’Express, CMI France et Ouest-France veulent transformer leurs modèles Candidatures TNT : L’Express, CMI France et Ouest-France veulent transformer leurs modèles Les trois groupes médias, qui ont défendu leurs projets de chaînes TNT devant l’Arcom lundi 15 et mardi 16 juillet, font de la télévision un relais de croissance pour leurs activités de presse. Leurs dossiers ont des similitudes autour de documentaires, de divertissement et d’informations, sans en faire des chaînes d’actualités. Le point sur les modèles économiques envisagés. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 17 juillet 2024 à 17h49 - Mis à jour le 24 juillet 2024 à 12h02 Ressources Des programmes et des informations “sérieux”, “apaisés”, “de qualité”, faisant appel à la “rationalité” et “au service de la population” : les dirigeants de Ouest-France, CMI France et L’Express, ont utilisé peu ou prou les mêmes mots pour présenter devant l’Arcom, lundi 15 et mardi 16 juillet, leurs dossiers de candidature à l’une des 15 fréquences TNT qui seront réattribuées tout au long de 2025. Tous s’appuient sur un modèle gratuit financé par la publicité. Les auditions publiques devant l’autorité de régulation de l’audiovisuel ne sont pas aussi précises que les dossiers qui lui ont été remis en amont, mais permettent de saisir les contours de chaque projet et les stratégies de développement qui les soutiennent. Anthony Daguet (L’Humanité) : “Il faudrait une taxe sur la publicité en ligne et audiovisuelle en faveur du pluralisme de la presse écrite” CMI France se positionne sur un projet généraliste La chaîne proposée par CMI France, baptisée RéelsTV, veut s’adresser à un public actif de 24 à 59 ans en proposant une offre principale de documentaires (sur la société, l’histoire et la géopolitique, les sciences, la culture, les découvertes), d’informations et de débats, et de divertissement (autour des arts, de l’art de vivre et de la culture populaire). Au moins une émission commune avec Le Télégramme est prévue, et d’autres sont possibles avec différents titres de la PQR. Détenu principalement par Daniel Kretinsky, CMI France veut construire un groupe multimédia après avoir développé une activité de presse (Elle, Marianne, Ici Paris, Franc-Tireur…). Le groupe a déjà fait son entrée au capital d’activités vidéo et audio (Loopsider, Louie Media). En revanche, l’investissement dans la chaîne B Smart lancée en 2020 – le groupe en détenait 51 % aux côtés des fondateurs Stéphane Soumier, Pierre Fraidenraich et Valérie Bruschini – n’a pas rencontré le succès espéré. La chaîne a réalisé 3,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022 pour 1 million d’euros de pertes. Elle totalisait trois millions d’euros de déficit sur ses trois premiers exercices, entre 2020 et 2022. 100 % du capital de B Smart vient d’être cédé au groupe Ficade, a annoncé celui-ci plus tôt en juillet. Cette fois, CMI veut procéder avec un projet plus généraliste et plus ambitieux. Le dispositif présenté s’appuie sur des synergies et des développements entre ses activités. “Des passerelles seront établies avec les médias du groupe, mais ce ne sera pas la chaîne vitrine de CMI France”, a néanmoins tenus à souligner Denis Olivennes, président du conseil de surveillance de CMI France devant l’autorité de régulation audiovisuelle, aux côtés notamment du philosophe et essayiste Raphaël Enthoven, éditorialiste de Franc-Tireur, et Giuseppe de Martino, cofondateur de Loopsider, média 100 % vidéo distribué sur les plateformes sociales, dans lequel CMI France a pris une participation en juin 2023. Le projet comprend une empreinte numérique importante, avec une diffusion sur les réseaux, TV connectées, plateformes de streaming, OTT, etc. Ce volet digital s’appuiera sur l’expertise de Loopsider et son équipe dirigeante pour la production et la stratégie de contenus. Ce qui explique la présence de Giuseppe de Martino lors de l’audition. La société fournit déjà la production de contenus vidéo pour Elle et Télé 7 jours au sein de CMI. Cette première collaboration a été jugée très concluante. Loopsider avait avoisiné 4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, son dernier exercice connu, pour un résultat net de 250 000 euros. Selon nos informations, dans un marché publicitaire difficile pour les médias en 2023, ses revenus ont été équivalents l’an passé, avec un résultat net moindre, autour de 50 000 euros environ. CMI France a pris 45 % du capital de Loopsider À plusieurs reprises, la notion de “rationalité” a été mise en avant par les représentants de CMI France dans leur projet, en opposition avec l’information “brutale” et “sensationnaliste”. Pour cette nouvelle chaîne, Denis Olivennes a évoqué une “structure de coûts raisonnable”, avec un besoin de financement estimé à 32 millions d’euros de cash flow négatif cumulé. Un budget de 16 millions d’euros est prévu pour l’achat de programmes, et des contenus “frais” seront diffusés entre 18h et 23h chaque jour en semaine. La chaîne mobilisera 17 nouveaux salariés – 21 dans un second temps -, avec la capacité d’augmenter le financement du projet si cela s’avère nécessaire. CMI France a peu développé le modèle économique du projet lors de l’audition publique, et ni le groupe, ni Denis Olivennes n’ont ensuite répondu favorablement à nos demandes de précisions. Une trentaine de millions d’euros pourraient être investis. Le groupe a par ailleurs mentionné qu’1 million d’euros de chiffre d’affaires publicitaire numérique annuel est visé en année pleine pour compléter les revenus publicitaires télévisuels. Denis Olivennes a fait remarquer que le modèle d’affaire n’était pas une contrainte. Il a insisté sur le soutien financier important et total de Daniel Kretinsky au projet, et indiqué que celui-ci n’hésiterait pas à abonder les finances de la chaîne en cas de besoin, en fond de roulement ou en investissement. Une vidéo de soutien du propriétaire de CMI France a d’ailleurs été diffusée lors de l’audition. CMI France ne détiendra pas directement la chaîne – une filiale serait créée – et Denis Olivennes n’en sera pas son dirigeant. Un président avec “une longue expérience” de l’audiovisuel a déjà été trouvé, de même que le directeur général, “expérimenté également”, a indiqué le président du conseil de surveillance de CMI France. Présente également devant l’Arcom, Caroline Cochaux, avec laquelle Denis Olivennes avait travaillé à Lagardère Active, a déjà été recrutée comme directrice des programmes en provenance de Mediawan. Dans un deuxième temps, le capital de la structure pourrait être ouvert à un partenaire minoritaire, si celui-ci s’avère “utile à la chaîne” et si cette opération est indispensable, a affirmé Denis Olivennes. Le groupe conservera quoi qu’il arrive la majorité du capital. Yannick Carriou (Médiamétrie) : “Netflix est très volontaire et s’engage pleinement dans notre démarche vers une mesure cross vidéo” Ouest-France inscrit son projet dans les territoires C’est la même logique de groupe multimédia et de recherche de nouveaux revenus qui anime Ouest-France. Son projet de chaîne, baptisé OF TV, s’appuie sur les studios vidéo et les sociétés de production audiovisuelle internes. Le journal revendique déjà 1 000 vidéos produites par mois et veut aller plus loin. “Ce projet s’inscrit dans l’ambition de développement audiovisuel global” de Ouest-France, et “le lien très fort que nous avons avec les territoires en France”, a notamment souligné François-Xavier Lefranc, président du directoire de Ouest-France, selon qui cette nouvelle chaîne “permettra d’atteindre la taille critique qui est nécessaire” au développement audiovisuel d’un média. A ses côtés étaient présents Fabrice Bazard, directeur général du journal et président de la régie publicitaire Additi, Maud Lévrier, membre du directoire et directrice du numérique et de la transformation, ainsi qu’Edouard Reis Cardona, récemment nommé directeur audiovisuel. OF TV a été présenté comme un “média généraliste, fédérateur et créateur de cohésion dans les territoires”, pour les 25-49 ans qui vivent en dehors des centres-villes. Les contenus de la chaîne (culture, divertissement, information, sport…) seront articulés autour de cinq piliers : talk d’information et de divertissement (autour de personnalités connues et anonymes), des magazines sociétaux et documentaires, du divertissement, des actualités (avec un journal télévisé quotidien), et du cinéma et de la fiction. Plusieurs partenariats seraient mis en place, en particulier pour les contenus, notamment avec les groupes Rossel, Ebra, Sud-Ouest, avec lesquels Ouest-France entretient déjà des liens étroits. A terme, le groupe média breton envisage de faire évoluer sa chaîne vers une “plateforme audiovisuelle éditorialisée” pour accueillir les contenus d’autres partenaires, notamment des groupes de presse régionale et locale. Comment la PQR accélère sa transformation numérique La publicité télévisuelle sera commercialisée au GRP en association “avec une régie publicitaire leader en France.” Interrogée en marge de son audition à l’Arcom par mind Media, la direction de Ouest-France évoque un budget prévisionnel de dix millions d’euros, dont sept millions pour le lancement, puis trois millions en 2028 “afin de supporter les fortes évolutions techniques”. Le groupe n’a en revanche pas souhaité préciser son modèle d’affaires, hormis le fait que la publicité numérique représentera environ 15 % des revenus. Le projet prévoit la création de 58 postes, dont 12 pour la création des contenus. OF TV s’appuierait sur une organisation et un fonctionnement autonomes par rapport à Ouest-France, tout en bénéficiant de synergies. Le groupe a d’ailleurs amorcé la création d’une direction de l’audiovisuel début mars. Elle a été confiée à Edouard Reis Carona, journaliste et depuis 2013 l’un des quatre rédacteurs en chef de Ouest-France, chargé plus particulièrement du numérique, et responsable des sports, une fonction qu’il conserve. Dans ses nouvelles missions de directeur de l’audiovisuel, il est directement rattaché à Fabrice Bazard. INFO MIND MEDIA – IA générative : premiers accords technologiques entre Microsoft et des médias français, dont Ouest-France L’Express axe son projet sur les documentaires et les savoirs Troisième média issu de la presse papier à candidater à une fréquence TNT, L’Express a présenté lundi 15 juillet son projet de chaîne baptisée L’Express TV. Son président Alain Weill l’a annoncé comme “le plus stratégique et le plus indispensable” des leviers de développement entrevus pour son groupe, aux côtés de deux autres piliers, l’événementiel, déjà amorcé autour de salons virtuels, et l’IA générative, en cours de déploiement. Il a également souligné la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique au sein du secteur de la télévision et de la TNT en particulier. Le président de L’Express était notamment accompagné pour cette audition par Diane Lemoine, directrice générale du magazine, et Éric Chol, son directeur de la rédaction. Ils ont insisté sur un projet permettant de lutter contre la désinformation et “les excès” et “les radicalités” dont font preuve certains acteurs médiatiques et politiques, Positionnée comme chaîne thématique, L’Express TV concentrerait ses programmes sur deux axes : des documentaires sur l’histoire contemporaine et les sciences, ainsi que deux programmes d’informations et de divertissement en direct chaque jour : une grande interview de 20h à 21h et un talk-show d’info-divertissement de 21h à 23h. Tous les programmes seront également disponibles sur une plateforme de VOD, L’Express TV+, distribuée largement en ligne, notamment sur les télévisions connectées. Elle proposerait des chaînes thématiques (fast). Le numérique aurait donc un rôle “important” au sein du dispositif, tant dans la composition de l’audience que dans la monétisation publicitaire. Diane Lemoine a insisté sur un positionnement de l’offre publicitaire de la chaîne “autour de la valeur et non autour du volume comme le font les grands groupes audiovisuels”. L’Express pourrait alors proposer aux annonceurs une offre publicitaire plurimédia associant TV, papier et numérique. Le projet télévisuel s’appuierait aussi sur des synergies marketing et publicitaires importantes avec le magazine. 20 % du chiffre d’affaires de la chaîne seraient investis dans des programmes. La direction de L’Express vise 2 points d’audience TV, avec un point mort à 1 point. Elle prévoit un investissement initial de 30 millions d’euros et une rentabilité en quatre ans, selon son président. 66 % des coûts seront dédiés aux programmes, le solde sera majoritairement destiné à la diffusion et aux fonctions supports. 35 salariés seraient recrutés pour sa chaîne, dont 25 journalistes. Alain Weill, qui met en avant son expérience dans la création et le développement de BFM TV et la relance avec succès de RMC, a ces derniers mois plusieurs fois souligné l’importance de la convergence des médias pour assurer la pérennité d’un organe de presse. Lors d’une présentation de ses projets à la presse en mai, le président de L’Express avait indiqué que cette ambition télévisuelle, si elle se concrétise, pourrait permettre à son groupe d’atteindre un chiffre d’affaires total de 80 millions d’euros en 2025. Actuellement, l’entreprise emploie 105 personnes, dont 70 journalistes, et génère 25 millions d’euros de revenus annuels, dont 60 % via la diffusion et 40 % via la publicité et les diversifications. Sa direction vise un bénéfice compris entre – 1 million et 1 million d’euros en 2024. Comment Prisma Media teste un chatbot alimenté par l’IA générative sur son site Ça m’intéresse La TNT, un levier pour la transformation de la presse Issus initialement du papier, L’Express, CMI France et Ouest-France veulent transformer leurs modèles. Tous ont pour ambition de déployer différents projets vidéo et audiovisuels pour générer de nouvelles audiences et développer la publicité vidéo, mieux monétisable que les bannières, voire créer et proposer de nouveaux services et formats audiovisuels aux entreprises et annonceurs en guise de diversifications. Ils ont pris soin à ne pas positionner leurs projets de chaînes sur l’information, l’offre étant déjà abondante – et même excessive, selon certains acteurs audiovisuels – avec BFMTV, CNews, Franceinfo et LCI. Plus prosaïquement, ils ont tenté de convaincre l’Arcom de la nécessité de renouveler et diversifier les acteurs de la TNT, en soulignant la place prise par les réseaux de certains grands groupes (TF1, M6, Canal+) et en insistant sur la qualité de leurs programmes et leur respect du pluralisme de l’information. L’Express, comme Ouest-France, ont également fait remarquer les grandes difficultés affichées par les chaînes de la TNT payantes et leurs faibles audiences, incitant en creux à ce que leur nombre soit revu à la baisse au profit de nouvelles chaînes gratuites. C’est particulièrement le groupe Canal+ qui est visé. Il dispose du plus grand nombre de chaînes TNT : sept, dont cinq sont payantes. Les auditions de L’Express, Ouest-France et CMI France sont disponibles sur le site de l’Arcom parmi celles des 24 autres candidatures (dont celles de Le Média, TF1, M6, BFMTV, etc.). Le gendarme audiovisuel annoncera l’attribution des 15 fréquences en jeu, pour une durée de dix ans maximum, entre le 20 et 31 juillet. La mise en application aura lieu tout au long de 2025 selon les fréquences. Jean-Michel De Marchi Information localeLobbyingSites d'actualitéTransformation de l'audiovisuelTransformation des médiasTV Besoin d’informations complémentaires ? 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