Accueil > Médias & Audiovisuel > Christian Röpke (Die Zeit) : “Faire payer un euro la période d’essai de l’abonnement numérique est plus efficace que de la rendre gratuite” Christian Röpke (Die Zeit) : “Faire payer un euro la période d’essai de l’abonnement numérique est plus efficace que de la rendre gratuite” Christian Röpke est chief digital officer de l’hebdomadaire Die Zeit, l'une des principales publications d'informations politiques et générales en Allemagne, et directeur général de Zeit Online, la société éditrice de l'offre numérique de Die Zeit. Pour mind Media, il présente la stratégie de développement en ligne de l'hebdomadaire, les choix technologiques effectués, les spécificités de son modèle payant en ligne, le développement de l'audio et la façon de s'adresser aux jeunes audiences.Crédit photo : Meiko Herrmann - Zeit Online Par Charlène Salomé et Jean-Michel De Marchi. Publié le 03 février 2022 à 18h42 - Mis à jour le 04 mars 2022 à 15h45 Ressources Que représente Die Zeit en Allemagne ? Le groupe emploie environ 1 100 personnes, dont près de 400 journalistes. Zeit Online, la société qui gère les activités numériques de Die Zeit, rassemble à elle seule environ 320 personnes. Comme nous avons beaucoup investi dans notre rédaction, la proportion de journalistes n’a eu de cesse d’augmenter ces dernières années. Le volume des abonnements numériques dépend en grande partie du contenu proposé, tant en termes de qualité que de quantité. On peut comparer notre stratégie numérique à celle de Netflix, qui gagne des abonnés en investissant dans les contenus, donc en ajoutant régulièrement à son offre de nouvelles séries, de nouveaux documentaires, etc. Nous avons la même approche, en proposant régulièrement de nouveaux contenus et de nouvelles rubriques, sur le web et sur le papier. A titre d’exemple, nous avons lancé en septembre la rubrique Zeit Green, dédiée à la durabilité environnementale et à la recherche de solutions à la crise climatique. Ce contenu est disponible dans nos versions payantes, papier et numériques. Certaines thématiques sont très porteuse ; au cours des deux dernières années, nous avons étoffé notre équipe éditoriale dédiée à la santé et à la gestion de la crise sanitaire. Cet enrichissement de notre offre permet de maintenir et de renforcer son intérêt auprès de nos lecteurs. La transformation de la presse à l’international mind media évoque la stratégie et les pratiques des éditeurs de presse à l’étranger à travers une série d’interviews. Voici ici l’interview de Christian Röpke, managing director online de Die Zeit en Allemagne, après celle de Stephen Dunbar-Johnson pour le New York Times aux Etats-Unis. Celle de Vicente Ruiz Gomez, directeur numérique d’El Mundo en Espagne, est disponible ici. En France, les médias ont dû faire face à une chute très importantes de leurs revenus publicitaires au plus fort de la pandémie, en 2020, tandis que la presse écrite a bénéficié d’une forte hausse de leurs souscriptions numériques. Avez-vous observé ce double phénomène en Allemagne et pour Die Zeit spécifiquement ? Je ne peux parler que pour Die Zeit Online, pas pour l’ensemble du marché. Chez Die Zeit, nous avons eu beaucoup de chance puisque les revenus publicitaires ont augmenté ces deux dernières années. Nos revenus publicitaires numériques ont même atteint un nouveau record. L’année 2021 a été marquée par une hausse très forte des abonnements numériques. Les abonnements à la version papier ont également augmenté, certes dans des proportions plus faibles. Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire Recevez gratuitement notre sommaire par email chaque lundi à 6h Partout dans le monde les éditeurs de presse orientent leur modèle économique vers les revenus récurrents en développant les abonnements numériques. Quels sont les résultats de Die Zeit sur ce levier ? Ils sont bons. Au troisième trimestre 2021, Die Zeit a atteint une diffusion payée totale de 588 000 exemplaires en moyenne par semaine, soit une hausse de 10 % par rapport au même trimestre en 2020. Cette croissance provient principalement des abonnements, qui ont augmenté d’environ 14 % en un an. Le volume total d’abonnés s’établit à 448 600, dont 165 000 abonnés à la version numérique payante. Les abonnements numériques ont augmenté de 47 % en un an, ce qui représente 52 500 nouveaux abonnés. L’abonnement numérique est la clé de la croissance de notre diffusion. Sur le long terme, on observe une certaine stabilité du lectorat papier et une forte hausse des abonnements numériques. Cette tendance s’explique par le fait que Die Zeit jouit d’un positionnement média différent des quotidiens d’informations classiques, puisqu’il s’agit d’un journal hebdomadaire, avec un contexte et une offre de lecture bien particuliers. De façon générale, l’année 2021 ne semble pas avoir été mauvaise pour l’ensemble des médias allemands. Christian Röpke 2009 Directeur général de Zeit Online, l’offre numérique de Die Zeit, et chief digital officer du Groupe Zeit depuis 2019 2007 Project manager, Gruner + Jahr New Media Ventures 2000 Director electronic media, Financial Times Allemagne Quels sont les leviers de diversification développés par le groupe ? L’ensemble du groupe Die Zeit est très diversifié. D’abord sur le média, avec le lancement de plusieurs offres éditoriales thématiques qui dépassent l’information générale : de l’histoire aux sciences, en passant par des publications dédiées spécifiquement aux étudiants. Récemment, nous avons développé un magazine culinaire, Wochenmarkt, une expression allemande qui évoque les marchés en extérieur qui ont lieu le week-end. Il en existe une version papier et une version numérique ; cette offre connaît un vrai succès. Nous avons également plusieurs activités hors médias. Notamment une activité d’e-commerce, avec une boutique en ligne qui propose non pas des produits classiques, que vous pouvez trouver partout ailleurs sur le web, mais des créations exclusives qui sont réalisées en partenariat avec des fabricants et des artisans, comme des montres ou des objets décoratifs. Le groupe a également lancé une agence spécialisée dans l’organisation de voyages qui a connu un fort engouement ces dernières années avant que son activité ne soit ralentie par la crise sanitaire. Ces deux dernières années, l’activité a donc été recentrée sur les voyages nationaux ainsi que sur les nouvelles manières de voyager. Enfin nous avons récemment créé une agence de création de contenus marketing, appelée Studio ZX, pour répondre aux nouvelles attentes des marques. Die Zeit en chiffres Le groupe Die Zeit (Zeit Publishing Group) est détenu à parité par Holtzbrinck Publishing Group et Dieter von Holtzbrinck Medien GmbH. Zeit Publishing Group rassemble près de 1 100 collaborateurs, dont 400 journalistes. Son chiffre d’affaires était de 235 millions d’euros en 2020 contre 227 millions en 2019 (+ 4 %). Un an plus tôt, en 2019, le chiffre d’affaires de l’hebdomadaire Die Zeit avait à lui seul atteint 88 millions d’euros (+ 6 %). La même année, l’ensemble Zeit Online, annonces d’offres d’emplois universitaires et offre numérique pour les jeunes Ze.tt, avaient généré environ 20 millions d’euros de revenus (+ 10 % sur 2018). Sur les huit dernières années, la diffusion payée totale de Die Zeit est passée de 508 000 exemplaires par semaine au troisième trimestre 2013 à près de 601 000 au quatrième trimestre 2021. La part des abonnements dans sa diffusion est de 76 % en 2021, soit 448 000. Le nombre d’abonnés numériques est d’environ 250 000 à la fin de l’année 2021. En France, la presse d’information généraliste souffre depuis une quinzaine d’années de ventes papier en baisse de 5 à 15 % par an selon les secteurs, y compris ces dernières années pour les newsmags. Est-ce le cas pour Die Zeit ? Notre lectorat papier est resté stable au cours des dix dernières années. Il a même légèrement augmenté. Notre statut de journal hebdomadaire est là encore un atout par rapport aux quotidiens. Nous avons connu une période d’actualité intense, voire très turbulente, liée au Covid mais aussi aux élections en Allemagne et celles juste avant aux États-Unis : les lecteurs sont à la recherche de décryptages, d’analyses, d’approfondissement de l’actualité pour comprendre tous ces événements de façon un peu froide, plus réfléchie. Ils ont facilement accès à des informations quotidiennes sur le web, mais ils sont nombreux à avoir besoin d’un journalisme qui apporte un regard plus profond sur les événements qui bouleversent notre monde. C’est sur ce positionnement que les hebdomadaires d’informations générales de qualité comme Die Zeit ont un rôle à jouer. Edouard Coudurier (Groupe Le Télégramme) : “Nous souhaitons faire des acquisitions dans de nouvelles activités médias” Quelle est la priorité de l’entreprise : le maintien de l’activité papier ou le développement de l’activité numérique ? Notre base de lecteurs papier est toujours très importante, nous n’avons pas les difficultés sur le papier que celles que vous évoquez en France. Notre objectif est donc développer l’abonnement sans faire de distinction entre nos activités papier et numériques. Nous ne pensons pas qu’il faille choisir d’investir dans l’une plutôt que l’autre. Tous les contenus du journal papier sont d’ailleurs disponibles dans notre version numérique payante. Mais bien sûr, c’est notre offre numérique qui génère le plus de recrutements d’abonnés via un paywall, et en particulier notre version numérique Z+, qui a généré le plus de souscriptions à notre offre d’abonnements à l’essai en 2021. Mais le marketing payant, les mailings et les campagnes sur les réseaux sociaux sont également des vecteurs importants. Pour optimiser l’abonnement et les ventes, il faut bien définir en amont la meilleure stratégie marketing pour l’acquisition client en fonction de son modèle et de son lectorat. “Nous pensions augmenter l’engagement de nos utilisateurs en diminuant le volume de publicités visibles sur le site web. Nous avons soumis cette hypothèse au beta testing et nous n’avons pas pu confirmer cette idée” Google, Facebook et maintenant Amazon dominent le marché de la publicité en ligne dans tous les pays ouverts à la concurrence. Les revenus publicitaires sont-ils pour vous une priorité, ou alors vous concentrez-vous sur l’abonnement en ligne ? Nous donnons la priorité à l’abonnement, mais cela ne signifie pas que nous n’accordons pas d’importance à la publicité, qui représente une part importante de nos revenus sur le web et le papier. Nous avons d’ailleurs deux flux publicitaires majeurs : la publicité classique et les petites annonces. Die Zeit est le leader du marché en Allemagne pour les offres de postes universitaires. Lorsqu’une université veut recruter un nouveau professeur, elle l’annonce sur Die Zeit et sur Academics, un portail d’offres d’emploi dans le secteur universitaire que nous avons créé au sein de notre site. C’est une source de revenus très importante pour le groupe. La fidélisation des abonnés numériques est également clé. Quelles sont les actions entreprises sur ce point ? Elles reposent essentiellement sur l’offre de contenus ainsi que sur l’optimisation du parcours client. Ces trois dernières années, nous avons concentré nos efforts sur les quatre premières semaines d’abonnement à Zeit Online. Elles correspondent à la phase d’essai. Elle était gratuite auparavant et est désormais facturée un euro. Nous examinons ce qui stimule et modifie l’engagement de nos abonnés lorsque nous apportons des changements aux produits. Nous avons pour cela créé un “score d’engagement” avec notre équipe chargée de l’analyse des données. Il nous donne des indications sur le taux de conversion à l’abonnement payant des abonnés en phase de test. Ainsi, lorsque nous apportons des modifications sur notre site web et que nous constatons que l’engagement augmente ou diminue, nous savons qu’elles auront également un impact sur le nombre d’utilisateurs passant de la phase d’essai à la phase payante. Nous pouvons ensuite adapter notre produit en fonction de ces changements d’habitude. Contenu, engagement et fidélité sont étroitement liés. Stephen Dunbar-Johnson (The New York Times) : “Notre stratégie repose sur la qualité de notre journalisme, la fluidité de notre technologie et la connaissance de nos clients” Combien de temps un abonné numérique le reste-t-il pour Die Zeit ? Je ne peux pas vous donner de chiffre exact, car il est assez difficile à mesurer, mais en moyenne un nouvel abonné à l’offre numérique le reste au moins aussi longtemps qu’un nouvel abonné à l’offre papier. Il est assez difficile d’opérer une comparaison stricte entre notre base d’abonnés papier et notre base d’abonnés numériques, étant donné que Die Zeit est un journal vieux de 75 ans et que certains lecteurs sont abonnés depuis plus de 30 ans. Mais il est intéressant de relever des similarités dans le comportement des nouveaux abonnés papier et numériques. Quelle stratégie est mise en place pour développer l’abonnement en ligne et quel bilan en dressez-vous ? Comme beaucoup de médias allemands et scandinaves, nous avons opté pour le modèle freemium plutôt que pour le metered paywall. Nous proposons donc à la fois des articles gratuits et d’autres qui sont payants, mais nous y avons ajouté un entre-deux avec une dimension dynamique (le “smart paywall” ou “paywall dynamique” en France, ndlr). Ainsi, certains articles sont gratuits pour les nouveaux utilisateurs, mais deviennent payants pour ceux ayant déjà une consultation importante de notre site web, que l’on estime davantage aptes à s’abonner. C’est une façon d’adapter les points de contact avec notre audience et d’optimiser notre stratégie pour la souscription : si un utilisateur visite Die Zeit Online pour la première fois, il est peu probable qu’il s’abonne immédiatement, il faut d’abord créer un lien avec lui. A contrario, il est plus probable qu’un utilisateur qui effectue régulièrement des visites sur notre site soit intéressé par un abonnement. Nous cherchons donc plus rapidement à inciter ces utilisateurs plus réguliers à s’abonner. Les offres numériques de Die Zeit Die Zeit propose plusieurs offres en ligne à ses lecteurs, toutes sans engagement. Plusieurs d’entre elles peuvent être segmentées par produits souscrits à la carte. Une première offre, que l’on peut qualifier d’offre servicielle, permet un accès aux contenus gratuits du site sans publicité display, ni publicité vidéo – mais avec les publireportages – et sans tracking publicitaire, pour 1,20 euro par semaine. Une deuxième offre propose, en plus des contenus numériques ordinaires gratuits, des contenus numériques et des services (l’accès à la liseuse numérique et le PDF de l’hebdomadaire, ainsi qu’une sélection d’articles en version audio, Zeit Audio) pour 5,60 euros par semaine. C’est l’offre d’abonnement numérique principale à Die Zeit. Une offre associant l’édition papier à cette offre numérique est commercialisée 6,30 euros par semaine. Une offre numérique dédiée aux étudiants inclut, offrant également Zeit Campus, un magazine pour les étudiants publié cinq fois par an, est proposée à 3,5 euros par semaine. Cette offre étudiante est également proposée sans le magazine pour 3,20 euros par semaine, tandis que l’abonnement au magazine seul est proposé à 3,10 euros par numéro. L’abonnement à Zeit Audio est également commercialisé pour tous les publics de façon isolée à 4,99 euros par mois. Enfin d’autres abonnements à des magazines sont proposés : Verbrechen, LEO, Weltkunst, Geschichte, etc., et notamment Wissen (Connaissance), sur les savoirs, publié six fois dans l’année, est proposé à 6,9 euros par numéros. Les éditeurs médias expérimentent beaucoup de dispositifs numériques. Quel enseignements avez-vous tiré de vos initiatives ? Nous faisons effectivement beaucoup d’expérimentations avec des hypothèses de travail que nous soumettons à l’A/B testing. A titre d’exemple, nous pensions augmenter l’engagement de nos utilisateurs en diminuant le volume de publicités visibles sur le site web. Nous avons soumis cette hypothèse au beta testing et nous n’avons pas pu confirmer cette idée. Le résultat est intéressant car si vous demandez aux utilisateurs “Préférez-vous ou pas être confrontés à la publicité ?”, ils répondront souvent qu’ils ne veulent pas de publicité et qu’ils seraient beaucoup plus fidèles sans publicité. Mais les chiffres ont révélé autre chose : la présence ou non de publicités en ligne n’a pas d’impact significatif sur l’engagement des lecteurs. Nous n’avons donc pas modifié notre offre. Une autre expérience a très bien fonctionné : la modification de notre période d’essai de quatre semaines, autrefois gratuite et désormais facturée un euro. Cela comportait un risque, et nous avons d’ailleurs constaté rapidement que nous perdions environ 10 % d’abonnés à l’essai, ce qui nous a semblé un très mauvais score. Mais au terme de la période d’essai, le nombre d’abonnés convertis en abonnés payants a augmenté de manière significative. Finalement, nous avons perdu quelques abonnés à l’essai, mais nous avons gagné des abonnés payants : faire payer un euro la période d’essai de l’abonnement numérique est plus efficace que de la rendre gratuite. La stratégie s’est donc avérée fructueuse malgré le risque qu’elle comportait et malgré le premier résultat contre-intuitif. Quels outils technologiques utilisez-vous ? Nos données sont en grande partie entreposées et gérées depuis Google Cloud, et nous utilisons aussi un outil d’analyse de données, Webtrekk Mapp, un logiciel allemand racheté par une entreprise américaine. Nous utilisons également l’adserver de Google pour la publicité. Mais nous gardons toujours un œil sur les nouveaux outils technologiques du marché. Nous n’avons pas de CMS tout en un ; nous avons opté pour un système très modulaire en créant notre propre CMS web à partir d’une plateforme open-source, et nous avons un deuxième CMS pour notre service papier, fourni par la société InterRed. Un partenaire assure la gestion de notre paywall, mais nous avons développé notre propre SSO (Single sign-on, une technologie d’authentification unique permettant à l’utilisateur de se connecter à plusieurs supports ou applications avec un seul identifiant, ndlr). Nous disposons d’une grande équipe technique – environ 50 personnes ; des chefs de produit, des développeurs et spécialistes en data – parce que nous pensons que le cœur de notre activité technique, tels que le SSO et le CMS, doit être réalisé en interne. “Nos activités audio sont rentables, même si elles génèrent peu de bénéfices. Mais il s’agit bien plus qu’une simple question financière : les podcasts sont un vecteur très important de l’engagement des abonnés” L’un des enjeux pour les médias d’information est aussi de réussir à attirer un lectorat plus jeune. Quelles sont les actions entreprises sur ce point par Die Zeit ? Et leurs résultats ? C’est vrai, et depuis de nombreuses années Die Zeit s’efforce d’attirer les jeunes lecteurs. Par rapport à nombre de nos concurrents, Zeit Online bénéficie d’une audience plus jeune. En 2006, il y a 15 ans, a été créé Zeit Campus, un magazine qui s’adresse spécifiquement aux étudiants et qui est intégré dans une offre d’abonnement numérique qui leur est dédiée ou vendue sur abonnement. Une fois par an, nous publions également un magazine, appelé Zeit Studienführer, qui permet aux étudiants ou futurs étudiants de trouver l’université qui correspond le mieux à leur profil et à leurs intérêts. C’est la “bible” en Allemagne pour tous les étudiants sur le point d’entrer à l’université. Il existe évidemment des déclinaisons digitales de ces publications. La déclinaison numérique de Zeit Campus est une composante importante de notre stratégie en ligne. En 2015, le groupe a également lancé Ze.tt, une offre numérique pour les 16-35 ans qui se concentre sur les thèmes du féminisme, de l’inclusion et de l’égalité (jusqu’à son intégration à l’offre globale Zeit Online à l’automne 2020 en raison de difficultés financières, ndlr). Avant la pandémie, Zeit Online organisait la conférence Z2X, – poursuivie en version numérique pendant la crise sanitaire – chaque année à Berlin au cours de laquelle nous invitons des jeunes de 20 à 30 ans à présenter et partager des idées ou des projets pour changer positivement le monde. Cet événement réunit un millier de personnes qui sont invitées à donner leur opinion sur des sujets variés. Capter leur attention est une chose, mais comment fidéliser et monétiser les jeunes audiences ? Il est effectivement très difficile pour un média de maintenir l’engagement des jeunes lecteurs dans la durée. Beaucoup d’entre eux passent maintenant beaucoup de temps sur TikTok et Instagram par exemple. C’est pourquoi nous déployons beaucoup d’efforts en ce sens. Les jeunes peuvent être abonnés pendant leurs études, puis délaisser le journal avant d’y revenir plus tard. C’est notre pari et l’enjeu est de les fidéliser progressivement sur l’abonnement payant. Pendant la pandémie, nous avons pris l’initiative de donner un accès gratuit au site web à tous les élèves, car nous pensions qu’il était très important que pendant cette crise ils puissent restés informés avec du journalisme de qualité, alors qu’il y a tellement de désinformation qui circule sur les réseaux sociaux. Environ 300 000 étudiants ont pu découvrir Die Zeit Online gratuitement, c’est un premier lien tissé avec eux. Comment le New York Times veut atteindre “au moins” 15 millions d’abonnés d’ici 2027 La monétisation des offres audio est une vraie difficulté pour les médias en France. Vous avez développé une application de podcasts avec de nombreux programmes. Vos activités sont-elles rentables ? Oui, nos activités audio sont rentables, même si elles ne génèrent pas beaucoup de bénéfices. Mais il s’agit bien plus qu’une simple question financière : les podcasts sont un vecteur très important de l’engagement des abonnés, même quand ils sont gratuits. Ils ne sont pas intégrés à l’offre payante et permettent pourtant de maintenir l’engagement de nos abonnés et de gagner celui des jeunes auditeurs. Nos différents podcasts nous permettent de diversifier notre lectorat. Nous produisons le podcast qui a le plus de succès dans le domaine des médias en Allemagne – “ZEIT Verbrechen” – et nos podcasts génèrent des millions de téléchargements chaque mois. Certains sont très originaux : le rédacteur en chef de Zeit Online est en charge d’un podcast appelé “Alles Gesagt“, qui dure parfois 6 ou 7 heures, jusqu’à ce que l’invité prononce une expression code qui mette fin au podcast. Je suis convaincu que nos investissements actuels dans nos podcasts – et ce n’est pas marginal, puisque nous proposons plus de 20 podcasts – est bénéfique, quand bien même le bénéfice financier de ces produits est faible. Nous avons intégré nos outils d’adserving à notre offre audio afin de développer la publicité dans nos podcasts. Le problème que nous avons rencontré est que l’audience de nos podcasts est tellement importante qu’il fallait soit baisser nos tarifs auprès des annonceurs – ce que nous nous sommes refusés à faire -, soit mettre en place un service de publicité ciblée, qui permette aux marques d’atteindre certains groupes cibles plutôt que toute l’audience d’un podcast. Les revenus publicitaires de l’audio devraient donc augmenter en 2022. Mais encore une fois, l’impact réel d’un podcast ne se mesurera jamais uniquement par les revenus publicitaires qui en découlent directement, son impact est plus large que cela. “Sur l’ensemble de nos 250 000 abonnés numériques, 10 % utilisent notre offre de jeux et ceux-là effectuent au moins dix visites par mois en moyenne” Vous avez développé une section dédiée aux jeux comme le Sudoku et le Scrabble. En quoi ces produits non journalistiques sont-ils intéressants pour votre stratégie ? Là encore, il s’agit de créer de l’engagement et d’offrir un service qui correspond à des usages. Le magazine Die Zeit, comme le quotidien New York Times avec ses mots croisés, a toujours créé de l’engagement avec ses jeux comme le Sudoku et les mots croisés. Nous les avons juste digitalisés. Nous avons constaté que sur l’ensemble de nos 250 000 abonnés numériques, 25 000 d’entre eux ont visité la section Jeux le mois dernier. Autrement dit, 10 % de nos abonnés numériques utilisent ces jeux, et ceux-là effectuent au moins dix visites par mois en moyenne. C’est un chiffre très intéressant. Ces jeux sont également vendus sous la forme d’un petit abonnement isolé, ce que nous ne faisons peu habituellement, puisque nous préférons regrouper nos offres et services tout l’abonnement numérique principal, Z+. Il est ainsi possible de s’abonner à notre offre de Jeux sans avoir à souscrire au pack d’abonnement complet. Cette offre isolée à nos jeux compte environ 10 000 abonnés payants. C’est encore peu, mais il y a des journaux en Allemagne qui atteignent ce chiffre pour l’ensemble de leur offre d’abonnement en ligne… Nous voulons encore développer cette offre de jeux ; fin 2021 nous avons lancé un nouveau jeu appelé Buchstabiene, similaire à Spelling B du New York Times. Avez-vous des ambitions en dehors de vos frontières ? Nous avons une grande base de lecteurs en Autriche et en Suisse, deux pays dans lesquels nous proposons nos propres éditions. Nous expérimentons aussi la publication en ligne d’articles traduits en anglais pour toucher le lectorat anglophone quand nous estimons qu’un article peut avoir un fort impact sur une actualité ou un sujet international, comme les élections américaines. Cela permet à Die Zeit d’obtenir une plus grande visibilité à l’échelle internationale. En revanche, nous n’avons pas l’ambition de développer une édition anglaise dédiée de notre journal ; ce n’est pas notre stratégie et ce serait trop coûteux. Les grandes plateformes comme Facebook, Google et Apple sont de plus en plus critiquées pour leur position dominante dans la distribution de l’information et la captation de la valeur. Quelle est la position du journal vis-à-vis d’eux ? Il s’agit d’un écosystème global et nous ne pouvons pas être catégoriques à leur sujet tant le marché est complexe. Il n’est aujourd’hui pas possible de développer et faire prospérer un grand média sans coopérer avec ces plateformes. Nous coopérons donc avec Google sur Showcase, et avec Facebook sur Facebook News pour une distribution accrue de nos articles. Nous avons également mené une expérience avec des articles audio payants sur la nouvelle section payante d’Apple. Ces acteurs offrent de puissantes plateformes marketing ; elles sont un moyen pour nous d’atteindre de nouveaux lecteurs. Quand nous pensons qu’il est important de prendre part à ces écosystèmes, nous le faisons. Nous ne nous sentons pas contraints de travailler avec ces grandes plateformes ; elles sont un extraordinaire moyen de toucher une nouvelle audience. Et cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas émettre de critiques : nous critiquons ces acteurs quand nous pensons qu’il y a matière à cela, mais cette critique s’opère dans le cadre d’un dialogue. Dans le cas de nos partenariats pour Facebook News et Google Showcase, ces accords nous semblent bénéfiques car nous choisissons les contenus mis à disposition dans le cadre de ces licences. Pour l’instant, lorsque nous y voyons un avantage et que cela ne nous nuit pas, nous coopérons. Nous ne savons pas comment va évoluer cette question sur le rôle des plateformes dans le monde ; cette question des relations avec Google et Facebook est éminemment politique. Avec quelles plateformes avez-vous des accords sur les droits voisins ? Nous venons de signer un accord avec Google sur les droits voisins conformément à la loi en Allemagne et sommes donc rémunérés pour l’indexation de nos contenus sur ses supports. Je ne peux pas donner de détails sur cet accord. En revanche, Facebook n’est pas concerné par la loi allemande sur les droits voisins. Cette année, nous nous attacherons à conclure davantage d’accords avec plus d’agrégateurs et de plateformes. Droits voisins : Google verse un peu plus d’1 million d’euros par an au Monde, des négociations débutent avec les journalistes Quelles entreprises dans le monde vous inspirent en termes de stratégie et de développement numériques ? Ces deux dernières années ont été marquées par la crise sanitaire, il y a bien moins d’événements et d’échanges avec entre pairs. Nous avons beaucoup été concentrés sur notre entreprise et sur notre propre stratégie. C’est donc plutôt en interne que je regarde en ce moment. Je m’inspire particulièrement de la jeune génération qui travaille au sein de Zeit Online. Nos jeunes collaborateurs ont su apporter de nouvelles perspectives et une nouvelle façon de travailler. Je les ai trouvés exemplaires et inspirants sur la façon d’aborder cette situation, à la fois en termes d’outils et d’état d’esprit. En externe, ce qui concerne les médias, je suis avec intérêt le marché scandinave et je suis un grand admirateur de la stratégie du Financial Times, notamment en termes d’engagement. Quels sont vos projets en matière de développement numérique pour 2022 ? Il ne s’agit pas de développer cinq ou dix nouveaux projets, mais plutôt de consolider notre stratégie existante. L’impact de nos abonnements numériques est tellement important qu’il est essentiel de concentrer nos efforts sur la durée de vie de nos abonnés, et donc d’améliorer le parcours client et l’expérience client. Après avoir augmenté considérablement notre base d’abonnés, maintenir une croissance durable est un défi. Nous disposons de 250 000 abonnés numériques et nous souhaitons atteindre la barre des 300 000 rapidement. Charlène Salomé et Jean-Michel De Marchi Abonnements numériquesAllemagneAudio digitalDiversificationsGAFAMRésultats économiquesSites d'actualitéTransformation numérique Besoin d’informations complémentaires ? 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