Accueil > Médias & Audiovisuel > Comment Les Echos-Le Parisien exploite la data au sein du groupe Comment Les Echos-Le Parisien exploite la data au sein du groupe Autrefois conçues à des fins publicitaires, les activités des groupes de presse liées aux données sont désormais également au service du produit et de l'abonnement. Aux Echos-Le Parisien, le pôle data dirigé par Violette Chomier, composé de 15 personnes, occupe une place centrale dans la stratégie mise en œuvre par le groupe. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 10 juin 2022 à 14h10 - Mis à jour le 10 juin 2022 à 21h56 Ressources Les 3 points à retenir : La connaissance client par la data devient essentielle pour la pérennité des grands médias. La fin programmée des données tierces oblige les médias à approfondir leur relation client. Le choix des outils utilisés est important pour concilier agilité et efficacité, et répondre aux besoins propres à chaque éditeur. L’exploitation des données n’est plus limitée à la publicité et doit être appliquée pour optimiser les abonnements en ligne. Les premières cellules dédiées à la consolidation et à l’exploitation des données sont apparues au sein des médias au milieu des années 2010. Aux Echos (LVMH), ce fut en janvier 2015, avec un pôle data dirigé alors par Béatrice Lhopitallier (sa fiche LinkedIn). Comme chez beaucoup d’éditeurs, il était placé au sein de la régie pour appuyer les ventes publicitaires. Le périmètre a ensuite été étendu au Parisien après son rachat par LVMH en 2015, avant d’élargir progressivement son activité à l’ensemble des marques et des activités du groupe. Le pôle data des Echos-Le Parisien, passé de 5 à 15 personnes, est dirigé depuis 2018 par Violette Chomier, directrice data (sa fiche LinkedIn). Une évolution nécessaire des outils Le groupe indique s’appuyer sur une quarantaine de sources de données différentes (données de navigation, du CRM, de la CMP, des back offices des sites…) et revendique une base de données clients comprise “entre 7 et 10 millions de contacts” (individus identifiés en base). Au-delà de ces actifs, le choix des outils techniques et l’internalisation de la gestion des données sont souvent considérés comme des préalables à leur utilisation et à l’exploitation de leur potentiel. Pour y parvenir, en 2020, l’ensemble de la base de données clients du groupe Les Echos-Le Parisien a ainsi été transférée sur le service Google Cloud Plateform, tandis qu’Adobe Campaign est devenu le fournisseur de la solution de marketing cloud automation. Le socle technique est composé d’AT Internet et Google Analytics pour les données analytics, Qlik Sense pour l’outil d’analyse et de visualisation des données et AB Tasty pour l’A/B testing. Le groupe a par ailleurs changé de DMP. Il utilisait l’outil de Weborama depuis fin 2015 et vient d’opter il y a quelques mois celui de Permutive. La solution est déjà implantée sur Les Echos, Le Parisien, Les Echos Start, Les Echos Capital Finance et Investir. Cela répond à deux enjeux : la collecte de données first party dans un contexte de disparition progressive des cookies tiers et l’augmentation du taux de login parmi ses internautes. “La solution de Permutive nous a semblé très efficace sur ce premier point pour un coût compétitif. Par ailleurs, l’outil est spécialisé pour les besoins des éditeurs médias et il propose, en plus de ses performances, des reportings détaillés, ce qui offre une grande qualité d’insights pour les annonceurs”, affirme Violette Chomier, interrogée par mind Media. En France, Permutive fournit déjà sa solution à Unify et Condé Nast. La société est également en cours d’implémentation chez Reworld Media. À l’international, la société équipe notamment les titres de News Corp, Hearst, BuzzFeed, The Guardian, Vox Media, Business Insider, Condé Nast et Hubert Burda Media. Un soutien des ventes publicitaires Permutive s’appuie sur la technologie du edge computing, méthode de traitement des données qui se fait localement, au sein du terminal des utilisateurs. “Cela permet la constitution de segments en temps réel dès la première visite sur les sites et donc de maximiser les volumes d’impression, en plus d’améliorer les KPI classiques de performance”, souligne Violette Chomier, qui affirme avoir observé une progression des volumes des segments “à trois chiffres”. Le poids de la data est de plus en plus important dans la commercialisation des offres publicitaires, ce qui tient à la fois à la montée en gamme des offres sur le marché et aux besoins liés au programmatique ouvert. “Mais on le constate aussi sur le gré à gré, selon Violette Chomier. La marque Les Echos commercialise par exemple 50 % des deals en gré à gré avec une composante data, ce qui améliore les CPM de 10 à 30 %. Sur ce point comme sur de nombreux autres, c’est l’aboutissement d’un travail en commun entre le pôle data et les équipes de la régie dirigée par Corinne Mrejen avec lesquelles nous travaillons étroitement”. La régie publicitaire lance sa plateforme d’activation publicitaire, Sonar, pour commercialiser l’ensemble des segments propriétaires Cependant, les éditeurs se préparent à l’après-cookies tiers, prévu au deuxième semestre 2023. Les leviers entrevus : l’augmentation de la collecte des données déclaratives auprès des internautes, le développement du taux de login, l’optimisation de la collecte des cookies propriétaires, la publicité contextuelle et enfin des innovations technologiques. Cette ambition s’est notamment concrétisée pour le groupe par la commercialisation à l’automne 2021 d’une offre de segments publicitaires (“Citoyens du mieux”) pour cibler, sur les supports en ligne du Parisien, les internautes guidés par des valeurs sociétales (“mieux agir, mieux consommer, mieux vivre ensemble”) et ayant de fortes attentes à l’égard des marques. Cette offre de ciblage sémantique repose sur une collaboration entre le pôle data et la régie publicitaire du groupe, avec un audit des mots utilisés dans les articles en ligne du Parisien puis un travail de matching des données correspondant à des persona. Le groupe veut aller plus loin et industrialiser ce type d’offre : la régie va officialiser mi-juin la mise en place d’une plateforme d’activation publicitaire, baptisée Sonar, pour rassembler et commercialiser l’ensemble des segments first party en s’appuyant sur la technologie de Permutive. Les éditeurs de presse tentent de mieux valoriser les données issues de leurs environnements La data au service de l’abonnement De plus en plus, les cellules data des médias sont détachées des régies pour agir de façon transversale, au service de l’ensemble des activités des groupes : pour les offres publicitaires, donc, mais aussi les audiences, le marketing, la diffusion, et surtout pour les abonnements en ligne, qui constituent une priorité depuis trois ans pour les éditeurs de presse. C’est le cas également pour Le Parisien (environ 70 000 abonnés en ligne revendiqués) et Les Echos (80 000). Si la connaissance des internautes a d’abord été utilisée pour appuyer les souscriptions, un effort particulier est désormais effectuer pour prédire et faire diminuer le taux de résiliation (“le churn”). Car conserver un abonné en ligne est souvent moins coûteux et plus rentable que convertir un internaute. Ce travail associe les pôles data, marketing, diffusion et technique. Au-delà de l’aspect publicitaire, le pôle data des Echos-Le Parisien a donc travaillé ces deux dernières années sur la rétention, avec notamment une refonte du socle technique, un travail sur la méthodologie et le modèle de machine learning. Un projet dont l’objectif est d’anticiper les résiliations avec le plus de justesse possible et déterminer ensuite, pour chaque abonné, les actions les plus efficaces pour le dissuader. Les premières phases du travail du groupe consistent en des études sur la courbe de survie de l’abonné, avant des phases d’analyses des caractéristiques déterminantes de comportement, puis la mise en œuvre de modèle de machine learning pour identifier les personnes à risque. L’évolution du nombre d’abonnés purs numériques des principaux sites d’information français Pour chaque profil abonné, des plans d’action sont ensuite définis en équipe multidisciplinaire et le pôle data monitore ensuite la performance. “Nous mettons désormais trois mois entre le moment où nous lançons une étude sur un profil abonnés et le moment ou nous mettons en production le plan d’action, par exemple un programme marketing par email, contre huit à neuf mois auparavant”, affirme Violette Chomier. Grâce aux données étudiées, le groupe estime pouvoir identifier avec une probabilité de 80 % un abonné récent qui risque de résilier dans les deux semaines post-souscription Une part très importante de la résiliation des abonnements numériques a lieu entre quatre et six semaines après la prise d’abonnement. Sur ce point clé, le groupe indique que ses modèles algorithmiques lui permettent maintenant d’identifier avec une précision de 80 % un abonné qui risque de résilier dans les deux semaines post-souscription, à partir de ses actions et l’absence d’actions sur les supports médias du groupe, définis via une centaine d’indicateurs identifiés et analysés (données de navigations, moyens de paiement, informations CRM, actions réalisées ou non…) pendant les 15 premiers jours. En fonction du profil, des scénarios sont mis en place et prévoient un vaste panel d’actions marketing : par l’emailing – souvent l’outil le plus efficace quand il est optimisé – y compris l’envoi de nouvelles newsletters, du reciblage en ligne ou encore des communications sur les réseaux sociaux. Pierre Louette (Les Echos et Le Parisien) : “Un abonné qui a choisi de recevoir trois newsletters a 40 % moins de chances de se désabonner” Outre l’abonnement, la connaissance client est utilisée par les médias les plus en pointe sur la data pour améliorer leur relation client. Avec leurs abonnés certes, mais également pour éviter par exemple de solliciter par email des contacts ou prospects qui ne répondent pas aux sollicitations – le groupe Les Echos-Le Parisien a envoyé 13 % d’emails en moins sur certaines marques médias en 2021 par rapport à 2020 – et pour lutter contre le partage excessif de l’abonnement. Le groupe a fixé à cinq le nombre de terminaux utilisables par compte abonné. Ce qui permet d’ailleurs aussi d’identifier de nouveaux prospects et de leur proposer des offres d’abonnements. Les données au centre de l’entreprise Au-delà des projets opérationnels, l’enjeu pour les médias est aussi de sensibiliser l’ensemble des équipes de l’entreprise, notamment les rédactions, à l’importance des données pour mieux comprendre les attentes des lecteurs et abonnés et aider à la prise de décision. Le pôle data des Echos – Le Parisien, propose donc des études clients et des tableaux sur les profils et les usages aux équipes produits, audience et à la rédaction, sur un rythme quotidien, hebdomadaire ou mensuel. “Un exemple avec la cible femmes : ont-elles des comportements de lecture différents ? Est-ce qu’il y a des thématiques auxquelles elles sont plus sensibles, comment mieux les toucher via une distribution spécifique ?” Etre capable de fournir des réponses constitue un outil supplémentaire pour prendre des décisions”, estime Violette Chomier. Pour incarner l’importance de la data dans l’activité de l’entreprise, celle-ci a d’ailleurs été nommée en avril au comité exécutif par Pierre Louette, le PDG des Echos et du Parisien. Car le bon usage de la data tient aussi à sa gouvernance, à sa place et à l’état d’esprit impulsé au sein de l’entreprise. Les Echos retrouve l’équilibre financier, Le Parisien l’espère en 2025 Parmi les enjeux désormais liés à l’exploitation des données, aux Echos-Le Parisien comme chez les autres médias en ligne : déterminer l’opportunité de personnaliser davantage certains contenus et newsletters, créer et exploiter un identifiant unique commun aux marques médias et activités du groupe, et développer des offres commerciales cross-sell. Des travaux sont en cours. In fine, l’usage des données doit contribuer à tirer les revenus du groupe. Le chiffre d’affaire consolidé des deux entités a atteint 380 millions d’euros en 2021, contre 350 millions en 2020 (+ 8 % environ). Jean-Michel De Marchi Abonnements numériquesAdtechDonnées personnellesOrganisationPublicité programmatiqueSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les Echos retrouve l'équilibre financier, Le Parisien l'espère en 2025 Le groupe Les Echos - Le Parisien va acquérir WanSquare Les éditeurs de presse tentent de mieux valoriser les données issues de leurs environnements Entretiens Renaud Grand-Clément (Le Point) : "Nous sommes redevenus légèrement bénéficiaires en 2021" Les Echos-Le Parisien Médias, MEDIA.figaro et MPublicité déploient une calculette carbone commune Le groupe L'Équipe enregistre un résultat net de 4 millions d’euros en 2021 Analyses Dossiers Abonnements numériques (2/2) : pour conquérir de nouveaux abonnés, des offres de plus en plus segmentées Analyses Dossiers Abonnements numériques (1/2) : la croissance des médias d'information en ligne payants se stabilise en 2021 Entretiens Stephen Dunbar-Johnson (The New York Times) : "Notre stratégie repose sur la qualité de notre journalisme, la fluidité de notre technologie et la connaissance de nos clients" Mouvements Les Echos recrute Violaine Degas comme directrice du numérique L'idée de quotas publicitaires imposés aux annonceurs de nouveau évoquée Tribunes gratuit "Les Français s’informent peu sur internet" Entretiens Vicente Ruiz Gomez (El Mundo) : "La monétisation des podcasts est encore une réelle difficulté" Abonnement : Sud Ouest dresse un bilan positif de son jeu concours permettant de gagner une voiture Entretiens Christian Röpke (Die Zeit) : "Faire payer un euro la période d'essai de l'abonnement numérique est plus efficace que de la rendre gratuite" Entretiens Le New York Times franchit la barre des 8 millions d’abonnés numériques en 2021 : tous les chiffres sur son modèle essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction ENQUÊTE - La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % INFO MIND MEDIA - Le CESP va lancer sa certification Retail Data Trust Agence79 officialise la consolidation du budget média numérique de Carrefour Publicis et Omnicom, champions de la croissance au premier semestre 2024 INFO MIND MEDIA - Une levée de fonds d’environ 750 000 euros en vue pour le nouveau média The Big Whale Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir 24 lobbys enjoignent Bruxelles d’harmoniser le RGPD Outbrain acquiert Teads sur une valorisation d’1 milliard de dollars : les détails de l’opération Fin des cookies tiers : derrière l’annonce de Google, la méfiance du marché INFO MIND MEDIA - Marketing des abonnements : TBS Group rachète OwnPage data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ? Panorama des offres AVOD alternatives Le détail des aides à la presse, année par année Ads.txt : la liste des relations établies entre les éditeurs français et les vendeurs et revendeurs programmatiques Les indicateurs financiers des grands groupes de communication Les levées de fonds des start-up des médias, du marketing et de la culture en France Les principales solutions de paywall dynamique