Accueil > Marques & Agences > Achat média > Gautier Picquet (Publicis Media France) : “Il n’est pas normal que les médias français soient soumis à des règles plus contraignantes que les plateformes” Gautier Picquet (Publicis Media France) : “Il n’est pas normal que les médias français soient soumis à des règles plus contraignantes que les plateformes” Gautier Picquet a été promu CEO de Publicis Media France en juillet 2016, dans le cadre de la réorganisation du groupe. Dans une interview à mind Media, il dresse un premier bilan de l’activité en 2016 ainsi que de la réorganisation, et annonce de nombreux gains de budgets. Celui qui est également président de l’ACPM et du GIE Club de Recherche Tous Médias (CRTM) prend aussi position pour des audits et des contrôles indépendants concernant la mesure des campagnes au sein des plateformes comme Facebook et Google. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 13 janvier 2017 à 17h45 - Mis à jour le 12 février 2021 à 17h57 Ressources 2016 a été marquée par la réorganisation importante de Publicis Media. Quel était son esprit et est-elle achevée ? Presque. Rappelons déjà son origine : cette réorganisation a été impulsée par Maurice Lévy en 2015, pour faire tomber les silos et offrir une meilleure lisibilité de nos services à nos clients. Fin septembre 2015, 300 cadres du groupe ont été réunis à San Francisco pour réfléchir à une nouvelle stratégie et une nouvelle organisation, avec pour ligne de conduite : “no silo, no solo, no bozo”. De cette réflexion est née une nouvelle organisation autour de quatre activités : Publicis.Sapient (conseil en transformation et technologies numériques, ndlr), Publicis Communications (agences créatives, ndlr), Publicis Healthcare (communication santé, ndlr) et Publicis Media, destiné à regrouper tous les réseaux médias du groupe, eux aussi réorganisés. Publicis Media (900 personnes) a été lancé en France en mars 2016 – j’ai été nommé CEO en juillet –, dans une organisation matricielle et transversale organisée et portée par cinq marques : Performics, Zenith, Starcom, Blue 449 et d’ici le printemps Mediavest Spark, auxquelles s’ajoutent sept practices transversales, très axées sur le numérique : le trading, la performance, les contenus (avec en appui l’offre de Relaxnews, acquise il y a 18 mois), la data-technologie-innovation et les analytics & insights. S’y ajoutent deux autres transversales : communication et développement et business transformation, pour conseiller nos clients sur leur transformation. Ces deux pôles sont pilotés par Jérôme Batout, recruté en septembre 2016 comme directeur général de Publicis Media, en charge de la transformation, du développement et de la communication. Et puis l’année a également été marquée par notre déménagement dans le 11e arrondissement de Paris, dans un campus qui matérialise totalement l’ambition du “Power of one”, le projet stratégique du Groupe Publicis. Plus de 1 500 collaborateurs (Digitas, Publicis 133, Prodigious, Marcel, etc) regroupés dans un seul lieu destiné à héberger tous les types de talents, créatifs et médias, talents des agences et talents de nos clients. Cette réorganisation a-t-elle porté ses fruits ? Quels sont les résultats de Publicis Media France en 2016 ? Oui, clairement. 2016 a été la plus belle année de croissance depuis longtemps avec beaucoup de budgets remportés ou renouvelés : Ebro, Campofrio, Nomad Foods, Merial, Clarins, Ralph Lauren, Bouygues Telecom, FCA, Monoprix, Merck, Electronics Arts, Air France (SEA), Michelin (SEO), Louvre Hotels (SEO), Bouygues Immobilier (digital), Coty (avec gains des Parfums P&G), Metropolitan, Randstadt, Fourchette, Day Use, Regions Job, SCHOLL, et d’autres. C’est le résultat d’un travail collectif basé sur les talents et la confiance des équipes et du leadership des quatre présidents d’agence (Anne-Sophie Cruque, Pascale Miguet, Pascal Crifo, Nicolas Schmitz) et des 7 leaders des practises. A travers ses agences, Publicis Media accompagne la transformation de 300 clients en France pour un volume d’achats médias d’1,4 milliard d’euros. Quelles seront vos priorités en 2017 ? 2016 a été une de transition. 2017 sera une année d’accélération du projet de transformation autour des enjeux digitaux au service de nos clients. Désormais, une nouvelle étape s’ouvre autour de trois éléments clés, avec la volonté de nous appuyer à nouveau sur nos services et nos marques-agences. Le premier pilier concerne le produit – notre offre – adressé aux clients. Si les habitudes et consommations médias évoluent vite, nous devons transformer notre offre à la même vitesse. Et la simplifier et la personnaliser pour répondre à la problématique business de chaque client. Pour cela, il faut passer d’une logique d’achat média à une culture du conseil pour devenir de vrais business partners. Deuxième enjeu : être le partenaire de confiance de nos clients et des médias. Dans un monde de plus en plus complexe, nous souhaitons être l’acteur de référence du marché français, animé par un esprit de responsabilité aussi bien vis-à-vis de l’économie des médias que des consommateurs citoyens que naturellement des marques. Troisième enjeu : mettre à disposition de nos clients les meilleurs talents pour les accompagner dans ces mutations. Nos collaborateurs sont la valeur fondamentale de Publicis Media et les raisons de son succès. Ils se développent autour d’un système de valeurs stable, fort et engageant : la bienveillance, la transparence, le respect, la solidarité, le respect du travail, le fait de favoriser la bonne collaboration, etc. Que ce soit en interne ou en externe avec nos clients, nos partenaires et nos concurrents. Le marché a beaucoup changé et nous devons travailler avec d’autres acteurs : des cabinets, des sociétés technologiques, voire nos concurrents. Le plus compliqué n’est pas de gagner des comptes mais de construire et déve‑ lopper une culture pour accompagner nos collaborateurs. Je veux donc développer un système de valeurs saines et équitables pour que les équipes s’épanouissent et créent in fine de la valeur. Pourriez-vous réaliser des acquisitions rapidement ? Sans hésitation. Nous devons rester à l’écoute de toutes les opportunités pour apporter la meilleure offre de services à nos clients. Mais une acquisition doit répondre à deux conditions : trouver le projet et l’équipe qui se fonderaient le mieux dans notre culture ; et trouver un projet créateur de valeur. Est-il raisonnable que les agences médias possèdent leur trading desk ? Ne sont-elles pas juges et parties ? C’est sain uniquement si cette pratique est transparente et cohérente avec la stratégie et les objectifs du client. C’est ce que nous proposons : nous avons un trading desk, AOD, mais on veut travailler sur la qualité du conseil, la transparence du dispositif et l’efficacité de la campagne : nous sommes 100% agnostiques sur le trading desk utilisé ; nos clients peuvent travailler avec tous les trading desks. Beaucoup d’annonceurs ont d’ailleurs assimilé cette nécessité sur le marché et le réclament. C’est notre volonté de travailler dans cet esprit. Selon les associations d’annonceurs, en France et dans le monde, seuls 30 à 40 % des budgets médias en ligne parviennent à la régie média finale. Comment avoir plus de transparence ? Il faut que la chaîne publicitaire soit plus claire : que l’on sache qui fait quoi, qui prend de la valeur, combien, ce que touche le support média à la fin, etc. Les annonceurs ont raison d’être exigeants et l’UDA fait un gros travail. D’ailleurs, l’Udecam partage aussi ce souhait et se montre très active. Nous travaillons ensemble car nous avons tout à gagner à rendre le marché plus transparent. Je rappelle que les agences sont très régulièrement auditées. Mais attention à garder en tête que la transparence, ce n’est pas seulement l’aspect monétaire, c’est aussi la qualité du média, la sécurité des campagnes, leur visibilité, etc. Cela nécessite aussi des objectifs clairs, l’utilisation de technologies et des budgets en adéquation. Que va changer le nouveau décret d’application de la Loi Sapin attendu ces prochains mois dans votre métier très concrètement ? La France est déjà très en avance sur les pratiques de l’achat média grâce à la Loi Sapin. L’Udecam et l’UDA ont travaillé main dans la main sur ce nouveau texte pour préciser son application dans le digital et réclament sa publication. Cela permettra de clarifier les rôles, de rassurer certains acteurs et de mieux travailler ensemble, mais il n’y a pas, à mon sens, de grande révolution à attendre. J’ai quand même deux craintes : j’espère qu’il nous permettra de faire plus et mieux, et qu’il n’aura pas pour effet de limiter les investissements dans l’industrie de la communication, et ensuite qu’il mette tous les acteurs sur un pied d’égalité : les acteurs locaux doivent bénéficier des mêmes règles que les acteurs internationaux. Que représente le programmatique dans votre activité ? De plus en plus d’acteurs internalisent leur achat programmatique. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ? Le programmatique représente 35 % de nos investissements en ligne hors search. Il progresse sans cesse car il permet un meilleur ciblage et génère de la valeur. Je suis partagé sur l’intégration de l’achat programmatique par les annonceurs. Il faut tester pour mesurer les résultats et l’efficacité sur la durée. Même avec des clients qui ont internalisé le procédé, les agences médias ont un rôle de conseil à jouer afin d’optimiser les stratégies. Le programmatique reste difficile à maîtriser et demande beaucoup d’investissements technologiques et humains. Je crois plutôt à des organisations hybrides, qui passent par des collaborations nouvelles entre l’agence et son client ; comme la mise en place de régies et structures “in house”, où des collaborateurs partagent leurs temps entre l’annonceur et l’agence. Il s’agit de faire monter l’annonceur en compétences et de lui apporter du conseil : on casse les silos, on gagne en proximité et en efficacité. Utilisez-vous le procédé de “régie” ? De plus en plus. Pour certains de nos clients, nous avançons sur des modèles de “régies”, avec des collaborateurs internalisés au sein d’une de nos agences, et inversement, certains de nos collaborateurs qui sont basés chez le client. Ces expériences produisent une forte performance et un niveau de confiance inégalé entre le client et son agence. Nous avons aussi mis en place un système hybride d’intégration de nos clients au sein de nos agences, par exemple pour Ferrero avec Blue 449. Chaque semaine, une partie de l’équipe marketing et média de Ferrero, basée à Rouen, vient dans nos bureaux où elle dispose d’un espace dédié et accède à nos collaborateurs et à nos salles de réunion. Ces offres ne sont pas facturées en plus ; elles s’intègrent dans nos missions et dans notre rôle de conseil. Notre campus de Bastille se révèle un avantage concurrentiel pour ce genre de modèles hybrides. La rémunération des agences constitue-t-elle vraiment un enjeu avec les annonceurs ? Les initiatives de l’UDA qui publie des études sur le sujet sont une très bonne chose. Je ne suis pas aussi critique que d’autres sur le niveau de rémunération, il y a eu des efforts, même s’il reste à faire. Sur le modèle à appliquer aussi, il y a eu des progrès. Mon sentiment est assez simple : il faut être rémunéré pour la valeur que l’on crée. A nous, agences, de valoriser nos métiers et d’expliquer aux annonceurs pourquoi il est important de maintenir une rémunération adaptée et juste. Il faut cesser avec les rémunérations qui reposent sur les commissions sur l’achat média : c’est rétrograde, inefficace et ce n’est pas sain pour le marché. Je crois en des modèles plus transparents, basés sur des honoraires en fonction du temps passé, la taille de l’équipe et des profils mis à disposition. Nous devons être plus fortement incentivés sur l’intelligence que nous produisons et la performance que nous co-créons. Nous avons tout à gagner d’un système qui récompense l’intelligence et la créativité. Les annonceurs le comprennent de plus en plus : 75% des dernières compétitions auxquelles nous avons participé comportent une large proportion de la rémunération au temps passé. Les grands annonceurs l’ont assimilé ; ils ont d’ailleurs besoin d’investir sur la qualité de leurs dispositifs. Les annonceurs dont le budget média est plus réduit sont moins enclins à ce procédé, souvent non par méconnaissance, mais parce qu’ils manquent de visibilité et de certitude sur le niveau de leurs investissements médias. Autre point qui me paraît essentiel : les annonceurs ne doivent pas multiplier les appels d’offres et les agences mises en concurrence, mais au contraire laisser à leur partenaire le temps de construire son dispositif et d’installer sa stratégie. De plus en plus de contraintes pèsent sur les régies éditeurs. De son côté, Facebook a reconnu des erreurs dans ses auto-mesures. Pourquoi agences et annonceurs ne sont-ils pas plus exigeants avec les plateformes ? Je suis clairement opposé à un monde publicitaire dicté par les plateformes. Nous avons besoin des acteurs mondiaux types GAFA : ils fournissent de bons services, possèdent une rélle richesse technologique et data et nous travaillons avec eux. Mais le problème de ces plateformes est qu’elles n’éditent rien. Or, les annonceurs ont besoin d’éditeurs forts, de marques médias qui puissent nourrir leurs propres marques et d’environnements premium, au risque de dévaloriser leurs marques. Il faut prendre conscience de l’immense valeur des médias français pour les marques et chacun doit trouver à sa place. Chaque acteur doit être soumis aux mêmes règles, au même niveau de transparence, à la même impartialité et au même système de mesures. Il n’est pas normal que les médias français soient soumis à des règles plus contraignantes que les plateformes globales. Publicis Media considère qu’il est de sa responsabilité de convaincre qu’un modèle d’équité et de transparence est le seul modèle durable possible : il sera bénéfique et aux marques, aux medias et aux citoyens. Gautier Picquet 2016 CEO Publicis Media France 2013 COO ZenithOptimedia France 2010 directeur général de Zenith (Publicis) 2008 directeur général adjoint de ZenithOptimedia (Publicis) Jean-Michel De Marchi GAFAMStratégies annonceursTransparenceUdecam Besoin d’informations complémentaires ? 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