L’audience de Facebook ne baisse pas en France

Le 25 novembre 2019, le cabinet d’études marketing eMarketer, entreprise américaine qui appartient au Groupe Axel Springer depuis 2016, a publié une nouvelle étude annonçant que “les utilisateurs de Facebook en France et en Allemagne quittent la plateforme encore plus rapidement que prévu”. Le cabinet d’études ajoutait qu’en France, en 2019, Facebook connaîtra pour la première fois une baisse de son nombre d’utilisateurs mensuels : “La base d’utilisateurs diminuera de 1,3 %, à 27,6 millions” et “cette baisse devrait se poursuivre”, avec “d’ici 2022, moins de 50 % des internautes en France qui utiliseront Facebook.” Le chiffre est d’environ 53 % actuellement selon Médiamétrie.

Cela fait plusieurs années que cette analyse est avancée et reprise, à la fois par la presse et une partie des professionnels de la publicité, au motif selon lequel les jeunes internautes quitteraient Facebook pour lui préférer Snapchat, Instagram ou TikTok. Qu’en est-il réellement ? Et d’où viennent les chiffres avancés concernant Facebook dans l’Hexagone par eMarketer ?

Interrogé sur ce point par mind Media, le cabinet américain reste flou, renvoyant à sa méthodologie globale : “Les prévisions et estimations d’eMarketer sont basées sur une analyse des données quantitatives et qualitatives de sociétés d’études, des agences officielles, de médias et des entreprises publiques, ainsi que des entretiens avec des cadres supérieurs parmi les éditeurs, des annonceurs et des agences.”

eMarketer s’appuie donc essentiellement sur l’analyse d’études de marché publiées localement et éventuellement sur des entretiens avec des acteurs du marché. Interrogé par mind Media, le bureau français de Facebook a repondu ne pas souhaiter commenter ce type d’étude, ni polémiquer – notamment pour ne pas leur donner trop d’importance -, ajoutant cependant ne pas constater de baisse de ses audiences et renvoyant vers ses communications financières. Dans ses resultats financiers du troisième trimestre 2019 – un type de communication réglementée et contrôlée par les autorités boursières – l’entreprise revendiquait 36 millions d’utilisateurs chaque mois en France et 27 millions chaque jour, en progression d’un million en un an – une évolution comparable au niveau européen.

Si Facebook communique sur des utilisateurs qui se sont connectés à un compte, l’institut Médiamétrie mesure lui un métrique plus large, celui des visiteurs uniques ayant été sur une page Facebook (sans nécessairement avoir été connecté). Il permet néanmoins de bénéficier d’une tendance à partir de données objectives et indépendantes. : ses chiffres sur la mesure d’audience Internet Global, qui repose sur un panel de plus de 25 000 individus de deux ans et plus, dont 4 500 internautes équipés de deux ou trois écrans, font foi parmi les marques médias et les acheteurs publicitaires, et permettent aux supports de s’étalonner sur les mêmes critières, en dépit des critiques entendues régulièrement.

Nous avons réuni et compiler les résultats d’audiences mensuelles de Facebook en France (la marque Facebook + Messenger, les deux produits étant très imbriqués) tout au long de ces deux dernières années, entre janvier 2018 et décembre 2019, publiés par Médiamétrie. Les classements pour le mois de décembre ont été publiés mi-février.  Il apparait que le volume d’utilisateurs, s’il était en baisse au premier semestre 2018 avec un plus bas à 44 millions d’utilsateurs par mois (août 2018), a depuis progressé de façon régulière pour atteintre 47 millions de VU mensuels en décembre, soit 1,7 million de plus qu’il y a deux ans. 

Le volume d’audience mensuelle de Facebook en France ne semble donc pas à la baisse, contrairement à ce qu’indique eMarketer. Concernant l’audience quotidienne de la plateforme – un bon indicateur pour juger de l’engagement des internautes et de leur fidélité à un support média – la tendance est similaire. Selon la mesure de Médiamétrie, le nombre de visiteurs uniques quotidiens sur Facebook dans l’Hexagone a certes diminué au premier semestre 2018, passant de 27 millions à un peu plus de 25, il est depuis remonté à 28 millions, soit un niveau identique à celui atteint début 2018.

Nous ne constatons pas non plus de baisse du temps passé sur Facebook. Le temps moyen passé sur la plateforme a été de 15 minutes en moyenne par jour au troisième trimestre 2019, selon Médiamétrie, dont 80 % depuis un mobile. Le chiffre est stable sur l’année. Si les jeunes optent effectivement pour de nouvelles plateformes sociales (Instagram, Snapchat, TikTok..), l’audience globale de Facebook ne semble pas en patir.

En dépit des scandales sur la gestion et la fuite de données personnelles de ses utilisateurs et des critiques sur la propagation des fake news ou sur la qualité des contenus postés, la plateforme Facebook ne souffre donc pas de désafection : son nombre d’utilisateurs ne baisse pas en France et elle génère une audience extrêmement puissante. On sait en revanche qu’au sein du Groupe Facebook, c’est Instagram, dont l’audience a nettement progressé ces dernières années, qui constitue désormais le principal relai de croissance de ses revenus.