Accueil > Médias & Audiovisuel > mind Media Day : comment recréer du lien et de la valeur dans les médias et la publicité mind Media Day : comment recréer du lien et de la valeur dans les médias et la publicité La confiance dans les médias et la publicité était au cœur de la troisième édition du mind Media day, organisé par mind Media le 20 mars au théâtre de la Madeleine, à Paris, et qui a réuni plus de 300 personnes. Une troisième édition particulière, puisqu’elle s’est inscrite dans le cadre des États généraux de l’information. Lancés par Emmanuel Macron en octobre 2023 et pilotés par un comité indépendant, ils visent à "protéger l’information libre face aux ingérences " et "pérenniser le financement de l’information libre indépendante ". Par Clémence de Ligny, Raphaële Karayan et Jean-Michel De Marchi. Publié le 22 mars 2024 à 16h45 - Mis à jour le 05 avril 2024 à 16h32 Ressources Avec l’accélération de la circulation de l’information et l’essor des réseaux sociaux, la question de la confiance dans les médias et la publicité est devenue centrale pour les acteurs du secteur. Et pourtant, cette confiance s’érode. Selon le baromètre 2023 sur la confiance des Français dans les médias, réalisé par Kantar Public – onepoint pour La Croix et pour ne citer qu’un chiffre, 57 % des Français considèrent qu’il faut se méfier de ce que dit la presse sur les grands sujets d’actualité. Soit trois points de plus par rapport à janvier 2023. Crise de la confiance : le rôle des médias et les fondamentaux du journalisme Les causes sont multiples, interconnectées, accrues par “la fragmentation des publics et la polarisation des débats par des plateformes qui privilégient l’engagement émotionnel à la nuance et au temps de la vérification “, pour reprendre les termes d’Estelle Cognacq, directrice adjointe de France Info. “Les plateformes sont aujourd’hui un vecteur massif de diffusion de nos médias”, regrette Laurent Mauriac, président de Briefme et co-président du Spiil, syndicat de la presse indépendante d’information en ligne. “Or, le rapport est déséquilibré. Nous sommes sous l’emprise d’algorithmes opaques qui favorisent les contenus clivants et mettent à mal le débat démocratique”. À cela s’ajoute l’émergence de l’IA et les risques de création et de diffusion de fake news et de deepfakes. Standardisation de l’information, reprise des médias sans vérification, course à la rapidité, manque de transparence… Tous deux reconnaissent toutefois la responsabilité des journalistes dans cette crise de confiance et défendent la nécessité de réduire la distance perçue entre la presse en “revenant aux fondamentaux”, comme la transparence des méthodes de travail, la vérification des faits, l’investigation ou le reportage de terrain. Quoi qu’il en soit, c’est un défi majeur qui incombe au secteur, “car la confiance en l’information est une des clés de voûte d’une société démocratique”, conclut Estelle Cognacq. Certifier pour valoriser Pour pallier ce manque de confiance, Reporters sans frontières (RSF) a conçu en 2018 la certification Journalism Trust Initiative (JTI), “un label qui deviendra prochainement une normeISO et qui vise à certifier des méthodes que les organismes de presse utilisent déjà normalement”, explique Benjamin Sabbah, directeur de la Journalism Trust Initiative. “Concrètement, il s’agit d’un questionnaire sur le niveau de transparence, l’existence d’une charte éditoriale ou encore la nature des processus internes.” L’idée derrière cette certification : “Défendre le droit des citoyens à être informés de façon fiable et flécher les investissements vers les médias de confiance”, a-t-il expliqué. Les premiers médias français certifiés – France Télévisions, France Médias Monde, TF1 et le groupe EBRA – seront peut-être bientôt rejoints par le groupe Le Parisien-Les Échos. Comme l’a annoncé Bérénice Lajouanie, directrice générale du pôle Les Echos/Thématiques et présidente de la commission publicité de l’Alliance de la Presse d’Information Générale (APIG), celui-ci va engager le processus. Pour Olivier Baconnet, chief investment officer de GroupM France, cette initiative est complémentaire aux listes blanches de sites de confiance, à l’instar de Back to News, celle qui a été mise en place par GroupM France au printemps 2023 pour permettre aux marques de “soutenir un journalisme de qualité en s’appuyant sur l’expertise et la crédibilité d’un partenaire spécialisé, Internews, qui constitue des listes à partir de critères journalistiques”. Le premier bilan de l’initiative est mitigé, avec une activation du dispositif demandé par quelques annonceurs, “mais c’est une première étape et un signal envoyé aux annonceurs. Il faut concevoir cette offre comme une brique parmi d’autres qui sont proposées aux clients pour diriger leurs investissements ailleurs que sur les plateformes”, a souligné Olivier Baconnet. GroupM constitue en France une liste blanche de 240 sites d’informations IA, droits voisins : le rôle déstabilisateur des plateformes Baisse du lectorat papier et des abonnements numériques, hausse du coût du papier, menaces de l’IA, échec de la loi sur les droits voisins… L’économie des médias est difficile.. Claire Léost, présidente de Prisma Media et vice-présidente du SEPM, le Syndicat des Éditeurs de la Presse Magazine, regrette l’instabilité du cadre réglementaire et législatif. “La loi sur les droits voisins n’est pas toujours appliquée et les rares sanctions infligées, comme celle de 250 millions d’euros à Google, sont pour l’État, pas pour nous.” Même menace côté intelligence artificielle… “Les systèmes d’IA viennent prendre nos contenus pour alimenter leurs moteurs. Il y a un vrai sujet de non-droit.” Google demande une clarification de la loi sur les droits voisins Pour Laurent Mauriac, le vrai problème concerne surtout le manque d’unité des acteurs, qu’il s’agisse de l’IA ou des droits voisins. “C’est l’éclatement complet. Un exemple : l’accord passé entre Le Monde et OpenAI à l’insu du reste du secteur. On ne peut pas créer de rapport de force avec les plateformes si on fait cavalier seul !” Le Monde fait cavalier seul en signant un accord avec OpenAI Parmi les solutions proposées, rapprocher les médias entre eux sur les sujets structurants, comme l’IA et les plateformes, et redistribuer les montants des amendes prononcées. “Les 250 millions d’euros de Google représentent deux années d’aides à la presse”, illustre Pierre Louette, président du Groupe Les Echos-Le Parisien et vice-président de l’APIG. “Cette question des financements a le potentiel de tous nous réunir, car elle appelle à considérer le secteur à la fois comme étant d’une importance démocratique vitale et comme ayant des besoins économiques.” Il a également souligné le besoin de financement important des médias pour pouvoir se développer, et donc l’intérêt de s’appuyer sur des industriels ou des grandes fortunes. Les médias en ligne grand public indépendants peinent à se développer Joëlle Toledano : “Ne répétons pas les erreurs des droits voisins” Les erreurs en question, selon la professeure d’économie et membre du Conseil National du Numérique : un partage inégal de la valeur entre les plateformes et les créateurs de contenu, dû à une asymétrie d’informations et à la domination des acteurs du web dans la définition des métriques de valorisation. “On a laissé les clés de l’ensemble du système aux GAFAM”, résume-t-elle. Aujourd’hui, les rémunérations en matière de droit voisin, bien qu’opaques, sont estimées “à 2 à 3 % du chiffre d’affaires de Google dans le pays dans lequel il se trouve”. Le grand gagnant, selon Joëlle Toledano : le Trésor public, avec l’aide de l’Autorité de la concurrence, qui récolte le montant des amendes. AI Act : pourquoi la question des droits d’auteur a empoisonné les négociations Pour éviter cette captation de valeur dans le contexte de l’IA générative, l’économiste suggère la création d’une “plateforme de confiance”, sorte de “proto-régulateur” pour définir des métriques, évaluer la contribution des informations à la création de valeur et assurer une rémunération équitable. Autrement, le risque est de laisser le champ libre aux acteurs les plus puissants, techniquement et financièrement. “Il est urgent que l’ensemble de la presse française et européenne travaille ensemble à ces questions”, ajoute Joëlle Toledano, qui considère que la seule démarche juridique ne sera pas suffisante pour parvenir à une rémunération équitable. Redéfinir les notions de performance et de publicité responsable “Aujourd’hui, publicité et responsabilité sont un oxymore pour le commun des mortels”, estime Corinne Mrejen, présidente du SRI. “Pourtant, la majorité d’entre nous a la conviction que la publicité doit être un vecteur de la transition environnementale et sociale.” Pour François Lienart, directeur data & insight de CoSpirit Groupe, l’un des défis majeurs est de simplifier les indicateurs de performance, trop nombreux à ce jour, et de les considérer “comme des critères d’optimisation des campagnes, non comme des contraintes”. Une idée que rejoint Corinne Mrejen. “Le funnel historique est mort. La fonction de la publicité aujourd’hui est de rendre désirable un monde bas-carbone, de changer les comportements.” Ce que propose la présidente du SRI ? Repenser le ROI et pourquoi pas y ajouter un coût sur l’environnement ou sur la société. “Si on n’a pas à terme un indicateur agrégateur scalable et applicable par tous, on n’y arrivera pas”. “Challenger” les indicateurs et offrir des outils d’arbitrage pour “permettre aux annonceurs et aux agences de valoriser des investissements de manière efficace et pertinente”, c’est justement ce que le SRI propose avec le Sustainable Digital Ad Trust, un outil en 15 indicateurs et trois rubriques que sont l’environnement de diffusion, la chaîne de valeur technologique et les indicateurs RSE. Lancé en septembre 2023, les premiers résultats viennent de tomber. “La moyenne globale des indicateurs des 18 régies adhérentes au SRI qui ont participé à ce premier cycle atteignait les 67 %”. D’autres outils existent. DoubleVerify propose par exemple des solutions de brand suitability qui permettent de “scanner toutes les pages du web, sur tous les environnements grâce à l’IA”, explique Laetitia Zinetti, RVP regional vice president Southern Europe de l’entreprise. Ou encore des solutions de “video filtering” qui permettent de renvoyer et de remonétiser les impressions qui ne sont pas dans le bon contexte de diffusion, à d’autres annonceurs, au lieu d’afficher une page blanche. Quoi qu’il en soit, la question de l’utilité est centrale pour Corinne Mrejen. “Quand on dit ‘responsable’, la première question associée est celle de la raison d’être”. Une stratégie payante à en croire Laurent Capion, chief strategist officer de Publicis Media. “J’ai de plus en plus d’exemples de marques qui obtiennent de très bons résultats image et business à travers des campagnes RSE.” Médias et publicité : plus de proximité pour plus de confiance ? La huitième édition du baromètre Media Rating 2024 réalisé par 366 et Kantar, dont l’objectif est d’évaluer le rapport des Français aux médias, la relation entretenue et l’intégration de la publicité, montre que les médias de proximité sont un vecteur de confiance dans l’information. À la question “quels médias offrent l’information la plus crédible”, la presse quotidienne régionale a été citée en premier. “L’information de proximité se passe près de chez vous, on connaît les journalistes, donc on a confiance”, analyse Thibaud Chevalier, directeur du digital de 366. Cette confiance pose des conditions favorables à l’intégration de la publicité, pour les régies comme pour les annonceurs. 34 % des interrogés affirment que la publicité dans la presse régionale leur apporte des informations intéressantes. Un chiffre confirmé côté annonceurs. “Dès qu’un annonceur met une référence locale dans sa création publicitaire, on obtient de meilleures performances”, conclut Thibaud Chevalier. Connaissance des audiences, confiance éditoriale, contribution à l’économie locale… La publicité locale présente de nombreux avantages, y compris face aux GAFAM. “On maîtrise totalement la ligne éditoriale et le contexte du lieu, choses que l’on perd avec les réseaux sociaux”, observe Alexis Goujon, directeur général de l’association Les Relocalisateurs. Comment la PQR accélère sa transformation numérique “On n’a rien à envier aux GAFAM. Notre force par rapport à eux, c’est le offline”, estime Thibaud Chevalier. Dans un contexte où beaucoup d’interactions et de communications se font en ligne, les médias locaux ont l’avantage de pouvoir toucher les consommateurs dans leur quotidien à travers des canaux physiques, tels que l’affichage publicitaire. À cela s’ajoute l’opportunité de toucher des segments spécifiques de la population peut-être moins accessibles sur les plateformes numériques, un point essentiel pour proposer des offres au plus près des besoins des clients, selon Luc Vignon, DGA contenus et monétisation de Additi (Groupe Ouest-France). “On ne vend pas le contenu de nos journalistes, mais l’audience associée au contenu.” Restent les questions de prix, du manque d’inventaire et d’outils adtech. Trois éléments essentiels pour retrouver de la souveraineté. L’adtech au service de la proximité : l’exemple de NRJ Global Pour faire face à ces questions et simplifier l’accès aux médias locaux pour les annonceurs, NRJ Global travaille sur la mise en place d’une plateforme qui permettra d’acheter de manière automatisée l’ensemble des inventaires du groupe à la radio, à la télévision et sur le site. Un projet annoncé pour la première fois sur la scène du mind Media Day. “On est très heureux de pouvoir offrir ce service supplémentaire au marché et de simplifier les modes de commercialisation”, se réjouit Cécile Chambaudrie, présidente de NRJ Global. Télévision : “La puissance n’est pas incompatible avec la proximité ” “La proximité a toujours fait partie de l’ADN du groupe M6”, tant dans les contenus avec des programmes qui s’inscrivent dans le quotidien du grand public et qui sont incarnés par des personnalités, que dans la publicité avec une volonté de proposer de nouvelles offres locales, par exemple. C’est ce qu’a démontré Hortense Thomine-Desmazures, directrice générale adjointe en charge du digital, du marketing et de l’innovation de M6 Publicité. M6 a annoncé un partenariat avec Free pour intégrer la publicité TV segmentée, déployé en février, devenant ainsi le premier broadcaster présent sur tous les opérateurs. Le bilan publicitaire sur ce nouveau levier TV est positif. “On a presque doublé nos revenus”, se félicite la directrice. Aujourd’hui, le groupe souhaite aller plus loin en nouant notamment des partenariats avec des acteurs locaux, comme Sud-Ouest et Ouest-France, avec lesquels des discussions très avancées sont en cours, a annoncé la dirigeante de M6 Publicité. L’objectif est de s’appuyer sur le maillage commercial des groupes médias régionaux au niveau local, pour la commercialisation publicitaire de ses offres de publicité TV segmentée auprès d’annonceurs qu’ils connaissent mieux. Mais pour Marc Freschi, directeur général adjoint d’Arena Media (groupe Havas Media), de nombreux défis subsistent. L’hyper-fragmentation du marché et la complexité de la publicité télé segmentée créent des difficultés de mesure et d’organisation pour les agences. “Je vais avoir des problématiques de messages, de création, de frais de production et de déclinaison sur plusieurs territoires et plusieurs plateformes.” Maxime Cerda, CEO de Stamp, confirme mais voit des solutions à ces problématiques. D’une part, la nécessité de simplifier l’accès aux inventaires publicitaires, d’autre part, la nécessité d’optimiser la création publicitaire avec l’aide de l’IA. Quant à la mesure, “tant qu’on aura des indicateurs et des outils de mesure différents, il va falloir aider Médiamétrie dans ses travaux”, conclut le CEO. Quoi qu’il en soit, Hortense Thomine-Desmazures reste optimiste. “Ce qu’on fait en TV segmentée montre bien qu’on peut aller toucher des cibles plus précises avec des contenus fédérateurs et puissants. C’est ça la force de la télévision et elle est seule à proposer ça aujourd’hui.” Clémence de Ligny, Raphaële Karayan et Jean-Michel De Marchi AdtechAgencesCiblage publicitaireDroits voisinsEtats Généraux de l’informationGAFAMIA générativeInformation localeMesure carboneMesure médiaPublicité localePublicité TV segmentéeRelations agences-annonceursRSESRI Besoin d’informations complémentaires ? 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