Accueil > Médias & Audiovisuel > RGPD (4/5) : l’intérêt légitime est de moins en moins choisi comme base légale RGPD (4/5) : l’intérêt légitime est de moins en moins choisi comme base légale Parfois jugée trop risquée, la base légale de l’intérêt légitime, déjà moins choisie ces dernières années que le consentement, continue de perdre du terrain. Quelques acteurs continuent néanmoins de la privilégier. Ceci est le quatrième volet de notre dossier consacré à l’analyse de la Global Vendor List. Par Sara Chaouki et Aymeric Marolleau avec Paul Roy. Publié le 31 mars 2021 à 22h44 - Mis à jour le 02 juin 2023 à 17h10 Ressources Série Cet article est le premier d’un dossier en plusieurs parties consacré à l’analyse des données de la Global Vendor List (GVL) du Transparency and Consent Framework (TCF) de l’IAB Europe. 1 – Les données collectées par les 637 acteurs de la publicité en ligne en 2021 2 – SSP, DSP et DMP : comparaison des données collectées par activité 3 – Analyse des choix des 67 acteurs français de la publicité en ligne 4 – Consentement ou intérêt légitime : les bases légales déclarées par les acteurs présents dans la Global Vendor List 5 – Cookies : Quels prestataires les stockent et pendant combien de temps ? Les prestataires doivent se prononcer, dans la Global Vendor List (GVL), quant à la base légale sur laquelle ils s’appuient pour neuf des 10 finalités : toutes sauf le dépôt d’un cookie, pour lequel le consentement est obligatoire. Sur le site de l’IAB France, il est en effet précisé que “la finalité 1 permet de répondre aux obligations relatives à la mise en œuvre de la Directive ePrivacy transposée. L’unique base légale possible pour les traceurs non exemptés est le consentement.” L’intérêt légitime est la seule base légale possible pour les finalités spéciales. Les fonctionnalités et les fonctionnalités spéciales ne sont quant à elles pas sujettes à des bases légales. Le prestataire est toutefois tenu de les mentionner dans sa politique de confidentialité, et de recueillir un “opt-in” pour les deux fonctionnalités spéciales, c’est-à-dire un consentement actif de l’utilisateur, appelé à cocher une case non cochée par défaut. La liste des choix de tous les prestataires dans la Global Vendor List Notre analyse des choix des sociétés membres de la liste montre que la base légale de l’intérêt légitime, déjà minoritaire ces dernières années, perd encore du terrain sur celle du consentement. L’intérêt légitime rarement invoqué pour la personnalisation Les quatre finalités ayant trait à la personnalisation, aussi bien de la publicité que du contenu, sont celles pour lesquelles les prestataires invoquent le moins souvent leur intérêt légitime. Ce n’est par exemple le cas que de 38 des prestataires qui se sont positionnés sur la “sélection de publicités personnalisées” – généralement de façon flexible -, dont l’adnetwork mobile Tapjoy, le SSP vidéo Beachfront Media, ou encore la société spécialisée dans la distribution de vidéos web et mobiles Digiteka. Dans un document qu’elle a transmis à mind Media, cette dernière justifie son recours à l’intérêt légitime pour cette finalité en trois points : “Premièrement, l’intérêt poursuivi est légitime parce que la législation applicable n’interdit pas la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel aux fins de sélectionner des publicités personnalisées et parce que l’intérêt du traitement est déterminé de façon claire et précise : il permet de sélectionner les messages publicitaires en fonction du profil de publicité personnalisée et en fonction des critères de ciblage liés au profil des personnes concernées. Deuxièmement, le traitement est nécessaire puisque la collecte des données de navigation (sites visités, emplacement géographique et intérêts) associée aux informations relatives au profil publicitaire de la personne concernée sont nécessaires pour sélectionner des publicités personnalisées. Troisièmement, le traitement ne heurte pas les droits et intérêts des personnes concernées, compte tenu de leurs attentes légitimes. Digiteka ne collecte à aucun moment des données sensibles, ou qui concerne des personnes vulnérables. Les données ainsi collectées permettent uniquement de sélectionner des publicités personnalisées et ainsi d’éviter de proposer des publicités qui ne soient pas en accord avec les centres d’intérêt de la personne concernée.” La mesure de la performance des publicités et la mesure de la performance du contenu comptent les pourcentages d’intérêt légitime les plus élevés avec, respectivement, 37 % et 34,5 % des prestataires qui se sont positionnés sur ces finalités. ZBO Media fait partie de ceux qui ont choisi l’intérêt légitime pour la mesure de la performance des publicités. “Le modèle de facturation des clients étant fondé sur les impressions ou les clics, nous devons comptabiliser chacun d’eux. C’est un simple comptage qui ne se fait pas sur la base des profils utilisateurs” explique son directeur général, Antoine Saglier. Les contraintes de l’intérêt légitime Plusieurs raisons expliquent que beaucoup de prestataires préfèrent le consentement à l’intérêt légitime comme base légale. “Il faut en général un consentement pour des traceurs, et l’intérêt légitime est bien plus contraignant à mettre en œuvre que le consentement car il peut impliquer des mesures de protection additionnelles et un droit d’opposition renforcé. Le consentement est plus simple à gérer sans modifier en profondeur ses flux de données, explique Benoît Oberlé, fondateur du data provider Sirdata et vice-président du TCF Steering Group de l’IAB Europe. En outre, compte tenu des quantités de données brassées et du nombre de destinataires dans une bid request, le programmatique tel qu’il fonctionne aujourd’hui laisse peu de place à l’intérêt légitime comme base légale pour la publicité ciblée”. De fait, certains éditeurs montrent une préférence marquée pour le consentement. “Dans le cadre de nos exploitations publicitaires, nous nous basons uniquement sur le consentement, dans le respect des recommandations de la CNIL. Nous incitons donc activement les prestataires membres du TCF à s’appuyer également sur cette base légale pour tous leurs traitements, ou a minima à nous laisser le choix via l’option “flexible””, indique à mind Media la directrice programmatique, data et partenariats de la régie M6 Publicité, Elise Guyard. Une centaine de sociétés seulement (environ 16 %) ont opté pour l’intérêt légitime pour toutes les finalités pour lesquelles ils avaient le choix avec le consentement. Cela signifie même les neuf finalités pour une douzaine d’entre elles, dont l’adnetwork vidéo français Digiteka, les DMP 1plusX et Acxiom (Interpublic Group), l’acteur de la recommandation de contenus Revcontent ou encore l’éditeur de contenus interactifs Playbuzz. “Nous recommandons l’intérêt légitime comme base légale à nos éditeurs, bien qu’in fine nous leur laissons le dernier mot grâce au choix flexible, indique le CTO de Digiteka Christophe Rosko. Afin de justifier le recours à l’intérêt légitime pour fonder légalement le traitement de données à caractère personnel, nous avons réalisé un examen attentif entre l’intérêt de Digiteka et les intérêts et droits fondamentaux des personnes concernées afin de s’assurer qu’il n’existait aucun déséquilibre significatif en sa faveur.” À l’inverse, près de 400 acteurs (environ 60 %) n’ont choisi que le consentement. C’est par exemple le cas des sociétés spécialisées dans le CRM onboarding LiveRamp et Temelio (Ermes), des DMP Eulerian Technologies, Cxense et Mediarithmics, etc. Méthodologie Début décembre 2020, nous avons récupéré la version 66 de la Global Vendor List déployée dans le cadre de la deuxième version du Transparency & Consent Framework. Ses “policies” se trouvent ici. Elle comprenait 637 prestataires, qui avaient renseigné plus d’une vingtaine d’informations (finalités, fonctionnalités, bases légales, durée de conservation des cookies…), dont la plupart sont analysées dans les différentes parties de notre dossier. Certains biais méritent d’être précisés. Les informations renseignées par chaque acteur ne sont pas contrôlées par l’IAB et sont susceptibles de changer. Certains ont pu faire des erreurs au moment de remplir le questionnaire de l’IAB. Par ailleurs, les prestataires indiquent dans la GVL les traitements pour lesquels ils agissent en tant que “responsables de traitement”. Cela signifie qu’ils peuvent faire d’autres types de traitements, sous le statut de “sous-traitants” pour le compte de leurs clients, sans que ceux-ci apparaissent dans la GVL. Pour affiner cette analyse, nous avons qualifié la nationalité et le positionnement principal d’environ 250 prestataires. Évidemment, certains acteurs ont plus d’un positionnement. Nous avons retenu celui ou ceux qui ressortent le plus dans leur communication ces dernières années. Pour plus de clarté, nous avons également simplifié l’appellation des finalités et des fonctionnalités. Par exemple, la finalité 1, qui permet aux prestataires d’indiquer s’ils utilisent des cookies, des identifiants publicitaires mobiles ou d’autres méthodes de stockage local, a été résumée par “Cookies” dans nos graphiques. Nous avons aussi parfois classé ces finalités et fonctionnalités par catégories (publicité, contenu, mesure, fingerprinting). La définition exacte de chacune d’elles se trouve dans un encadré dédié. Pour toutes questions ou remarques, n’hésitez pas à nous contacter : datalab@mind.eu.com Sara Chaouki et Aymeric Marolleau avec Paul Roy AdtechDonnées personnellesIABRGPD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dossiers RGPD (1/5): quelles données les acteurs de la publicité en ligne collectent-ils en 2021 ? Dossiers RGPD (2/5) : quelles données les SSP, DSP et DMP collectent-elles ? RGPD (3/5): quelles données les 67 acteurs français de la publicité en ligne récoltent-ils ? 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