Xavier Niel va céder les 26 % détenus dans le groupe Le Monde à un fonds de dotation

Le directoire du Groupe Le Monde, composé de Louis Dreyfus et Jérôme Fenoglio, respectivement président du directoire et directeur du Monde, a annoncé jeudi 15 avril la création d’un fonds de dotation, baptisé Fonds pour l’indépendance de la presse. Il détiendra les parts majoritaires détenues par Xavier Niel dans les médias (NJJ Presse), cédées pour un euro symbolique : celles dans Le Monde Libre (la structure de contrôle du groupe Le Monde et de l’Obs), équivalentes 26,6 % du capital, mais aussi L’Obs, France-Antilles, Nice-Matin et Paris Turf. Xavier Niel conservera une action de NJJ Presse pour renflouer la structure si nécessaire.

Les actions au sein du Monde Libre (Groupe Le Monde, L’Obs) détenues par ce fonds de dotation seront “statutairement incessibles et une modification de cette disposition statutaire ne pourra intervenir sans un vote favorable du représentant du Pôle d’indépendance”, indique le directoire.

Des discussions avec Matthieu Pigasse

Le fonds de dotation va donc détenir 26,6 % du capital du Groupe Le Monde auxquels s’ajoutent les 25,5 % détenus par le Pôle d’indépendance (les salariés), soit 52 % des parts “sécurisées”. Il a vocation à accueillir les parts des autres actionnaires directs et indirects du Groupe Le Monde, Matthieu Pigasse (26,6 %), mais aussi Prisa (20 %) et éventuellement Daniel Kretinsky, propriétaire de CMI France, qui est associé à Matthieu Pigasse et détient des droits sur ses parts.

Des discussions financières et juridiques ont toujours lieu entre les deux hommes, ainsi qu’avec Xavier Niel et le Pôle d’indépendance. Matthieu Pigasse avait indiqué ne pas vouloir perdre l’argent investi au sein du groupe.

Cette annonce intervient après 18 mois de discussions, parfois vives, et de soupçons sur les intentions réelles sur l’arrivée au capital de Daniel Kretinsky et le rôle de Matthieu Pigasse.

Créé à l’initiative de Xavier Niel, ce fonds de dotation sera doté d’un conseil d’administration constitué de deux personnalités qualifiées (Nicole Notat, ancienne déléguée nationale de la CFDT, et Alain Frachon, ancien journaliste du Monde) et deux personnes nommées par Xavier Niel (Roxanne Varza, directrice de l’incubateur Station F, et Jules Niel, l’un de ses fils). Signe que le dialogue se poursuit avec Matthieu Pigasse, celui-ci a pu nommer une personnalité (Anne Le Lorier, ancienne sous-gouverneur de la Banque de France). Le Pôle d’indépendance du groupe le Monde a également un représentant (Olivier Millot, salarié de Télérama)

Des résultats économiques positifs

Cette évolution juridique s’inscrit dans une tendance de marché pour tendre vers la pérennité de l’indépendance capitalistique des médias. Le groupe Le Monde rejoindra ainsi Mediapart et Libération qui ont déjà mis en place des fonds de dotation – avec des organisations différentes

La mise en place de cette nouvelle structure juridique se fait dans un contexte positif pour le Groupe Le Monde – qui rassemble, outre Le Monde, Télérama, Courrier International et HuffPost France, notamment : il a limité la baisse de ses revenus en 2020 à 5 % pour atteindre 287 millions d’euros, en dégageant un bénéfice net de 13,7 millions d’euros. Le montant était de 14,6 millions d’euros en 2018, puis environ 2,6 millions en 2019, d’après ses résultats.

Dans un entretien publié mi-février dans mind Media, le PDG du groupe, Louis Dreyfus, nous indiquait que le chiffre d’affaires 2020 devrait approcher la stabilité, autour de 300 millions d’euros, et que “toutes nos publications afficheront en 2020 des résultats bénéficiaires”.