Accueil > Services bancaires > Paiements > Comment Grab veut devenir un géant des services financiers sud-asiatique Comment Grab veut devenir un géant des services financiers sud-asiatique Grab, société de VTC créée en Malaisie en 2012, s’est déployée en quelques années dans tout l’Asie du Sud-Est et s’est progressivement diversifiée dans les services financiers. La plateforme propose désormais des solutions de paiement en magasin, de financement, d’assurance, d’investissement et de cashback. Retour sur la mise en œuvre d’une super-app dans laquelle les services financiers jouent un rôle croissant. Par Aude Fredouelle. Publié le 13 octobre 2021 à 15h15 - Mis à jour le 13 octobre 2021 à 16h45 Ressources En 2012, Grab lançait en Malaisie une application de VTC similaire à celle d’Uber outre-Atlantique. Neuf ans plus tard, la société opère dans huit pays en Asie du sud-est et s’est diversifiée dans les services financiers. Au second trimestre 2021, le groupe a enregistré un chiffre d’affaires de 180 millions de dollars, en hausse de 132 % sur un an, et un Ebitda [excédent brut d’exploitation, ndlr] négatif de 214 millions de dollars. Si la livraison de repas et la mobilité représentent l’écrasante majorité du chiffre d’affaires, le segment des services financiers croît régulièrement. Ce dernier a atteint un nouveau record au second trimestre, avec 2,9 milliards de dollars de transactions gérées (en hausse de 66 % sur un an), et un chiffre d’affaires en hausse de 156 %, à 6 millions de dollars. “Les services financiers restent encore anecdotiques dans l’activité, mais le pôle connaît une forte croissance”, souligne Pierre Lahbabi, CEO du cabinet Galitt, spécialisé dans le paiement. Grab Financial Services a octroyé un volume record de financements au second trimestre 2021, 4,1 fois supérieur à la période comparable de 2020. Sa solution de BNPL Grab PayLater “continue de gagner en momentum, spécialement avec les marchands e-commerce”, précise le groupe, tandis que l’offre d’assurance “continue d’enregistrer une forte hausse, puisque les primes émises ont plus que quadruplé par rapport à l’année précédente”. Enfin, le nombre de marchands enregistrés auprès de GrabPay a presque triplé par rapport au deuxième trimestre 2020. Internationalisation et diversification rapides Pour parvenir à ces résultats, Grab a en fait imité la stratégie des super-app chinoises, qui se sont quant à elles cantonnées à leur marché domestique, en répliquant le modèle en Asie du Sud-Est. “Tencent a commencé par les jeux vidéo, Alibaba par l’e-commerce, et Grab par la mise en relation entre chauffeurs et passagers. Le point commun : ces acteurs ont d’abord commencé par connecter des personnes et des entreprises et par construire une base clients”, commente Julien Maldonato, associé industrie financière chez Deloitte. La société a d’abord misé sur une internationalisation rapide. Après le lancement de GrabTaxi en 2012 en Malaisie, la société se déploie rapidement aux Philippines, à Singapour et en Thaïlande en 2013, avant d’enchaîner par le Vietnam et l’Indonésie en 2014. La Birmanie et le Cambodge suivront en 2017. “Grab s’est engagée dans une course de vitesse avec Uber”, raconte Pierre Lahbabi. En parallèle, elle entame la diversification de ses services. “Grab a profité d’un vide, décrit Julien Maldonato : un territoire en voie de développement, très peu couvert en termes de services de mobilité, avec une population peu bancarisée… La société a suivi l’escalier naturel de l’ajout de services : après la mobilité, le transport de repas, puis la financiarisation avec le paiement. Une fois le paiement proposé, devenir prêteur est naturel avec le fractionnement, le crédit conso, puis enfin l’assurance.“ Après GrabTaxi, Grab lance GrabBike (service de mototaxi) et fournit des assurances aux passagers et conducteurs, puis GrabExpress (service de coursier et de livraison du dernier kilomètre). En octobre 2016, l’application se dote d’une messagerie intégrée, GrabChat, pour faciliter les discussions entre chauffeurs et passagers. Fin 2016 naît GrabRewards, programme de récompenses et cashback. En mars 2018, la fusion avec les activités sud-asiatiques d’Uber, dont Uber Eats, marque l’entrée de Grab dans la livraison de repas. L’incursion de Grab dans les services financiers débute quant à elle en 2017. En avril, la société rachète la start-up indonésienne Kudo, spécialisée dans le paiement. Progressivement, Grab noue des partenariats avec des établissements financiers comme Citi, Maybank, Credit Saison, Kasikornbank, UOB ou encore l’assureur Chubb, afin de distribuer leurs produits. En novembre, Grab lance GrabPay, service de paiement intégré à son application. En 2018, la filiale Grab Financial, dont le but est de proposer des services de paiement, d’assurance et de crédit, voit le jour. La même année, le groupe investit dans Ovo, plateforme indonésienne de paiement. En décembre 2020, Grab a obtenu une licence de banque en ligne à Singapour, en s’alliant avec Singtel. Progressivement, Grab veut sortir de son propre écosystème de mobilité et de livraison avec les services financiers. “Au départ, la société proposait ses produits financiers aux chauffeurs et passagers, décrit Pierre Lahbabi. Mais dans le domaine du financement et de l’investissement, la société parvient à étendre son activité en dehors du contexte VTC et à proposer ses produits à tous les e-commerçants.” Grab tourne ses investissements vers les services financiers Pour peser dans les services financiers, Grab dispose d’une force de frappe importante. En février 2020, le groupe annonce une levée de 850 millions de dollars auprès de Mitsubishi UFJ Financial Group et TIS, pour une valorisation de 14 milliards de dollars. La levée a pour objectif de permettre à la société “de se tourner vers les services financiers”. Et en janvier 2021, la filiale Grab Financial Group est parvenue à boucler une levée de 300 millions de dollars, en discussion depuis mi-2020, pour une valorisation de 3 milliards de dollars. L’opération a été menée par Hanwha Asset Management avec la participation de GGV et Flourish Ventures. Enfin, en avril dernier, le groupe a révélé sa fusion imminente avec le SPAC (special-purpose acquisition company) américain Altimeter Growth Corp. L’opération devrait valoriser l’entité près de 40 milliards de dollars et être finalisée au dernier trimestre 2021. Pourquoi les Spacs agitent l’écosystème fintech Une super-app européenne ? L’Europe verra-t-elle naître une super-app comme en Chine ou en Asie du Sud-Est ? Rien n’est moins sûr. “La marché est déjà ultra-équipé, explique Julien Maldonato. Uber, par exemple, fait face à bien plus de concurrence sur ses activités historiques de mobilité et de livraison de repas. Et dans les services financiers, Lydia, par exemple, qui propose une super-app, se confronte aux acteurs traditionnels et à de nombreux nouveaux acteurs. Sans compter la présence des GAFAM.” Pierre Lahbabi acquiesce : “en Europe, il y a plus de concurrence sur les services financiers, donc moins de besoin d’agréger des offres sur une super-app, et pas d’acteurs de taille suffisante.” Seule l’application Tinkoff, en Russie, est pour l’instant parvenue à populariser sa super-app, tandis que la banque Sberbank tente de suivre le même chemin. Contrairement à Grab ou Tencent, positionnés initialement sur la mobilité ou l’e-commerce, Sberbank part de la banque et se diversifie dans l’e-commerce et le streaming – dont le groupe espère qu’ils représenteront 60 % de ses ventes d’ici 2030. En proposant des produits financiers de partenaires, les GAFAM pourraient aussi prendre la place des super-app en Europe. “Peut-être pas de manière aussi intégrée qu’en Asie, car le marché est plus fragmenté et les offres bancaires mieux établies, tempère toutefois Pierre Lahbabi. Les plus gros succès de création de réseaux de paiement, comme PayPal, Alipay ou Grab, ont fonctionné, car la solution a été introduite dans un écosystème déjà existant. Et c’est ce que font les GAFAM.” Pour les acteurs européens, seule peut-être une initiative commune pourrait peser, souligne Julien Maldonato. Comme EPI, l’initiative de banques européennes visant à faire émerger une solution de paiement unifiée ? “EPI pourrait en effet proposer une super-app, mais il faudra que les membres parviennent à se mettre d’accord sur ses modalités, investissent de gros moyens et que cela soit soutenu par les pouvoirs publics et l’industrie marchande, ajoute l’associé. Cela pourrait alors ne pas se résumer à une initiative bancaire, mais à une tentative de reprendre le pouvoir sur l’économie marchande et les GAFAM, en y intégrant une marketplace e-commerce, comme Tinkoff et son magasin en ligne. C’est un sujet de place et de souveraineté européenne.” Singapour 🇸🇬Malaisie 🇲🇾Indonésie 🇮🇩Thaïlande 🇹🇭Vietnam 🇻🇳Philippines 🇵🇭Myanmar 🇲🇲Cambodge 🇰🇭GrabPay (e-wallet)Produit : GrabPay Card Partenaires : Stripe, Adyen, MastercardOui Partenaires : Adyen, StripeProduit : OVOOuiProduit : MocaOuiNonNonGrabInsureProduits : assurance voyage, assurance passager VTC, assurance chauffeur VTC Partenaires : Chubb, NTUC Income, ZA TechProduits : assurance voyage, assurance passager VTC, assurance accidents de la vie Partenaire : ChubbProduits : assurance hospitalisation, assurance passager VTC, assurance santé Partenaire : PT PFI Mega Life Insurance, PT Asuransi Simas Jiwa, ChubbNonNonNonNonNonGrabRewards (fidélité)OuiOuiOuiOuiOuiOuiOuiOuiGrabFinanceProduits : crédit conso, BNPL, crédit pour les marchands partenairesNonNonProduits : crédit conso, BNPL, crédit pour les marchands partenairesNonNonNonNonGrabHealthNonNonServices : téléconsultation, achats dans des pharmacies en ligne, prise de RDV dans des hôpitaux et cliniques Partenaire : Good DoctorNonNonNonNonNonGrabInvestProduit : AutoInvest Partenaires : Fullerton Fund Management, UOB Asset ManagementNonNonNonNonNonNonNon Aude Fredouelle banking-as-a-platformBATX Besoin d’informations complémentaires ? 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