Accueil > Investissement > Comment l’écosystème crypto français s’empare du régime PSAN Comment l’écosystème crypto français s’empare du régime PSAN Au 22 août 2022, 46 prestataires de services sur actifs numériques sont enregistrés auprès de l’AMF. Alors que le régulateur imaginait que le nombre de demandes d’enregistrement diminuerait après la première vague des acteurs déjà en activité avant la réglementation, le flux ne se tarit pas. En revanche, l’agrément optionnel, plus compliqué à obtenir, ne connaît pas le même succès. Par Caroline Soutarson avec Aymeric Marolleau. Publié le 18 mai 2022 à 16h23 - Mis à jour le 24 août 2022 à 19h46 Ressources [Cet article a initialement été publié le 16 mai 2022. Les chiffres – et le texte à la marge – ont été mis à jour à l’occasion d’un numéro hors-série de notre lettre hebdomadaire parue le 25 août.] Introduit avec la loi Pacte en mai 2019, le cadre réglementaire pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) fête ses trois ans d’existence. Supervisé par l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui est responsable de l’honorabilité et de la compétence des dirigeants et bénéficiaires, et l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR), en charge de la conformité à la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT), le régime PSAN a été promulgué afin de répondre à un double objectif de protection des investisseurs en cryptoactifs et d’accompagnement du secteur. Les entreprises enregistrées mentionnent plusieurs avantages : la possibilité d’exercer et de promouvoir leurs activités auprès du marché français, mais aussi, indirectement, de donner confiance aux investisseurs étrangers et aux clients institutionnels, soulignent François-Julien Alcazar, président du robo-advisor Cryptosimple, et Jean-Baptiste Graftieaux, CEO de l’exchange Bitstamp, qui n’est pas encore enregistré. Concernant les particuliers, l’étude La crypto en France : structuration du secteur et adoption par le grand public présentée à Bercy par l’Association pour le développement des actifs numériques (Adan) le 16 février 2022, en partenariat avec KPMG, estime toutefois que ces derniers sont peu regardants sur l’enregistrement des plateformes auxquelles “ils confient la conservation de leurs actifs”. Un cadre réglementaire inédit La réglementation liée aux PSAN est souvent qualifiée d’innovante car composée de deux volets : un enregistrement obligatoire afin de proposer, en France, des services de : conservation d’actifs numériques, achat et de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal, échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques, exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques, un agrément optionnel qui “autorise une plus grande agressivité dans la manière de s’adresser à la clientèle et de nouer des partenariats commerciaux avec d’autres acteurs”, rappelle Matthieu Lucchesi, spécialiste en matière de stratégie juridique et réglementaire dans le domaine de l’innovation et des fintech au sein du cabinet Gide. Les services sur actifs numériques ne se résument pas aux quatre associés à la réglementation. Le Code monétaire et financier en liste six autres (article L54-10-2) : réception et transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers, gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers, conseil aux souscripteurs d’actifs numériques, prise ferme d’actifs numériques, placement garanti d’actifs numériques, placement non garanti d’actifs numériques. Pour l’execice de ces services-là, il n’y a donc pas de procédure à entamer. Au 22 août 2022, l’AMF recense 46 entreprises enregistrées en tant que PSAN. 7 l’ont été en 2020, 21 en 2021 et 18 en 2022 (à la mi-août). “Un certain nombre de candidats étaient déjà actifs avant la loi Pacte. Nous aurions pu penser qu’une fois ces entités enregistrées, l’intérêt se tasserait. Cela n’a pas été le cas et nous avons vu arriver des entreprises françaises qui voulaient développer de nouvelles activités et d’autres, étrangères, qui souhaitaient entamer une démarche promotionnelle sur le marché français”, observe Stéphane Pontoizeau, directeur de la supervision des intermédiaires et infrastructures de marchés à l’AMF. Encore aujourd’hui, “nous avons une quarantaine de dossiers d’enregistrement en cours d’instruction”, confiait-il à mind Fintech en mai 2022. Liste des PSAN enregistrés par l’AMF Quels services offrent les PSAN ? Parmi les 46 PSAN autorisés à exercer une activité en France, 38 (soit 83 %) d’entre eux sont enregistrés pour la conservation d’actifs numériques, service qui remporte la plus grande adhésion. Deuxième sur le podium, l’achat et la vente d’actifs numériques contre monnaie ayant cours légal (78 %), devant l’échange entre actifs numériques (63 %). Seuls 5 PSAN (11 %) sont autorisés à exploiter une plateforme de négociation d’actifs numériques. Il s’agit du dark pool chiffré pour le trading institutionnel de cryptoactifs SheeldMarket, de la plateforme d’échange crypto Zebitex, du conseiller en investissement en indices crypto pour les institutionnels Trakx, de la plateforme de financement Kriptown et de l’exchange Binance. Par ailleurs, trois d’entre eux cumulent des autorisations dans les quatre services : Trakx, Binance et SheeldMarket. À l’inverse, huit PSAN ne proposent qu’un seul service, l’achat et la vente d’actifs numériques pour la moitié d’entre eux. Deux ont opté pour la conservation d’actifs : la filiale de Coinhouse, Coinhouse Custody, qui offre une solution de conservation de cryptoactifs adaptée aux besoins des institutionnels, grands comptes et fonds d’investissement, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations. “La conservation d’actifs fait partie de notre métier traditionnel. Nous avons vu se développer des besoins auprès des institutionnels et nous avons donc, dans une logique d’anticipation, demandé notre enregistrement au printemps 2021”, commente l’institution. Les PSAN adressent à la fois les marchés BtoC et BtoB La diversité des combinaisons de services adoptées se retrouve dans les publics adressés par les PSAN enregistrés, puisque 35 acteurs proposent au moins une offre dédiée au BtoC (76 %) et 28 au BtoB (61 %). Trois acteurs ont des offres en BtoBtoC. Il s’agit de Binance, Bitpanda, qui a sorti une solution en marque blanche l’an dernier – dont l’application financière Lydia est cliente – et Ledgity, une solution d’épargne et de conseil patrimonial axée sur les cryptoactifs. D’après notre analyse, la norme semble toutefois être à la conjugaison des clientèles : 22 PSAN (soit 48 %) adressent à la fois les particuliers et les entreprises (que ce soit en BtoB et/ou en BtoBtoC), tandis que 13 se concentrent sur le BtoC (28 %) et 8 sur le BtoB (17 %) (pour trois acteurs, nous n’avons pas pu identifier cette information). La stratégie à deux, voire trois publics, indique certains enseignements qu’ont pu tirer les PSAN des fintech, avec une vitrine BtoC et un modèle économique davantage axé sur le BtoB. 87 % des sociétés enregistrées sont françaises S’il y a une certaine variété de services proposés par les PSAN, la plupart ont une chose en commun : leur nationalité. Sur 46 acteurs enregistrés, quatre ne sont pas immatriculés en France et trois ont des sociétés-mères étrangères. La réglementation impose aux sociétés candidates à l’enregistrement d’être établies en France, dans l’Union européenne (UE) ou dans l’Espace économique européen (EEE), que ce soit le siège de la société, une succursale ou une filiale (article L. 54-10-3). La plateforme autrichienne de trading multiactif Bitpanda, “qui provient de l’univers crypto”, rappelle Lukas Enzersdorfer-Konrad, son CPO, n’a pas hésité à se lancer tôt dans le processus d’enregistrement. “Nous avions déjà fait la démarche en Autriche afin d’obtenir l’équivalent de l’enregistrement PSAN là-bas. Et la France était notre premier pays étranger lancé, en mai 2020”, précise Giulia Mazzolini, directrice de l’expansion européenne de la plateforme. De manière générale, Bitpanda a l’ambition de mettre ses activités en conformité avec les règles de chaque pays. Fin mai, la fintech autrichienne a obtenu son enregistrement en Italie, quelques semaines avant l’Espagne. Elle est également régulée au Royaume-Uni depuis son rachat du fournisseur britannique de portefeuilles de conservation de crypto Trustology, depuis renommé Bitpanda Custody. La plateforme de courtage néerlandaise Litebit et le gestionnaire de patrimoine en cryptoactifs suisse Swissborg ont également jugé nécessaire de s’enregistrer pour adresser le marché français. Enfin, trois acteurs non européens ont décroché l’enregistrement : le courtier crypto étatsunien Voyager via sa filiale européenne, la plateforme de de trading social israélienne eToro (via une filiale à Chypre), ainsi que le plus grand exchange mondial actuel, Binance – qui ne communique pas sur un pays d’affiliation en particulier –, via sa filiale française. L’avocat fondateur et associé du cabinet ORWL William O’Rorke confie à mind Fintech que d’autres sociétés étrangères ont des procédures d’enregistrement en cours (comme Bitstamp dont nous avons interviewé le CEO en mai 2022 ou encore Coinbase) qui peuvent prendre plus de temps. Pour Binance, un délai de plus de 16 mois a été nécessaire entre le début de la procédure et son aboutissement. Pour Bitpanda, le délai était proche de celui des entreprises nationales : 7 mois, selon Giulia Mazzolini. Binance, la bête noire des PSAN… et des régulateurs ? Enregistré en mai 2022, le PSAN Binance a été sujet à bien des critiques avant son enregistrement. Les entreprises françaises du secteur, obligées de se contraindre au régime PSAN (à la différence des sociétés étrangères), ont mal vécu la stratégie de relations publiques effectuée par l’exchange et son traitement, que ce soit par les régulateurs ou l’État français. Plusieurs des sociétés interrogées par mind Fintech abordent en particulier la conférence organisée au ministère de l’Economie et des Finances en novembre 2021 où Cédric O, secrétaire d’État au Numérique, échangeait avec Changpeng Zhao, le CEO de Binance. “On lui a déroulé le tapis rouge alors que Binance n’était pas régulé en France”, “Binance n’a pas le droit de faire de la publicité en France. C’est l’État qui se charge de la faire pour lui”, s’expriment, déçus, certains PSAN enregistrés. Six mois plus tard et quelques semaines avant l’obtention de son enregistrement, à l’occasion du Paris Blockchain Week Summit, Binance fait également les choses en grand et installe de grandes bannières sur le Palais Brongniart (voir photo). Changpeng Zhao crée l’évènement en annonçant que la France abritera le hub européen de Binance. Source : Binance Finalement, trois semaines plus tard, et après plus de 16 mois de procédure (Binance a envoyé son dossier le 17 décembre 2020, la veille de la date à laquelle les acteurs en exercice adressant le marché français devaient être en règle), l’acteur a été enregistré par l’AMF. Et ce, même si son homologue britannique, la FCA, avait renoncé à essayer de superviser l’exchange en août 2021. Le régulateur outre-Manche évoquait notamment un manque d’informations concernant la réglementation LCB-FT. Le régulateur français au contraire émet un signal fort sur le marché en introduisant dans sa réglementation l’exchange crypto le plus populaire au monde. Concernant Binance, l’Italie et l’Espagne se sont rangées du côté de l’AMF quelques semaines après sa décision tandis que les Pays-Bas sont plus nuancés. Mi-juillet, la Banque nationale batave a annoncé une amende de 3 millions d’euros à l’encontre de l’exchange pour avoir proposé des services aux Pays-Bas sans avoir obtenu la licence requise. L’entreprise est également en procédure d’enregistrement en Suisse, Suède, Pays-Bas, Portugal et Autriche. Et pour mener à bien ces demandes, la plateforme de négociation n’hésite pas à recruter à la source, chez les régulateurs directement, pour bâtir son équipe juridique. Au printemps 2022, Binance a ainsi débauché Steven McWhirter, responsable au sein de la division données, technologie et innovation de la FCA, pour en faire son responsable réglementaire au niveau mondial, et Stéphanie Cabossioras, directrice adjointe des affaires juridiques de l’AMF, qui a participé à l’élaboration du régime des PSAN. Au total, ce sont donc 87 % des sociétés enregistrées qui sont françaises. Ce résultat fait écho aux plaintes des entreprises françaises exerçant dans le secteur crypto qui estiment que la réglementation est un frein à l’innovation et surtout, une aubaine pour les entreprises étrangères, notamment celles qui ont une notoriété internationale et qui peuvent donc attirer le public français sans publicité. Aucun acteur agréé auprès de l’AMF Cette critique explique en partie que seule la partie obligatoire du régime ait attiré des acteurs. Si l’écosystème crypto français se targue d’avoir un régime innovant de par sa constitution à la fois obligatoire et optionnelle, aucun acteur n’est à ce jour agréé auprès de l’AMF. “Nous avons eu peu de demandes pour l’agrément PSAN, admet Stéphane Pontoizeau. Les sociétés se mettent en conformité avec les exigences de l’enregistrement obligatoire plutôt que de chercher l’agrément optionnel qui implique des exigences en termes de fonds propres [ou son alternative, une assurance de responsabilité civile professionnelle, ndlr], de sécurité des systèmes d’information et de protection des investisseurs qui ne sont pas dans le régime d’enregistrement.” Le manque de maturité du secteur joue dans le ratio. Côté fonds propres, les seuils ne sont pas encore atteints. Quant à la responsabilité civile, “il n’y a pas, aujourd’hui, de produit d’assurance adapté” aux activités liées aux cryptoactifs, déclare Faustine Fleuret, présidente de l’Adan qui rassemble 173 membres de l’environnement crypto français et européen. “L’offre limitée est liée à la relative jeunesse du secteur”, selon Stéphane Pontoizeau. Pour la présidente de l’Adan, le frein aux demandes n’est pas seulement réglementaire. En plus du fait que “la contrepartie de l’agrément, à savoir le démarchage, ne soit que peu attractive” en proportion des efforts demandés, “les entreprises ont fait l’expérience de l’enregistrement et ont observé que les contreparties attendues n’étaient pas obtenues.” Faustine Fleuret fait notamment référence au droit au compte bancaire. Sur le sujet, l’étude de l’Adan et KPMG, conclut : “l’écosystème a de plus en plus l’impression d’une promesse non tenue, et d’une relation de confiance brisée, dans la mesure où la justification de la loi Pacte était de pouvoir permettre aux banques de se projeter dans un cadre qui les sécuriserait, et leur permettrait de travailler avec les entreprises crypto”. Le compte bancaire : un casse-tête pour les nouveaux entrants Au contraire, des sociétés comme Bitcoin Avenue, qui ont observé un bond de leur activité à la suite de leur enregistrement, ont alors vu leur compte bancaire fermé. Constat similaire pour les nouveaux arrivants dans le secteur qui doivent candidater à l’enregistrement avant de lancer leur activité. François-Julien Alcazar, président de Cryptosimple créé en 2021, estime avoir toqué à la porte “de 50 banques, dont une vingtaine sur Marseille” avant de contacter directement “les head of blockchain de Société Générale, LCL, HSBC…”. Face à une multitude de réponses négatives, la start-up s’est tournée vers l’étranger. “Nous passons par un partenaire en Irlande et un autre en Lituanie”. Coinhouse peut néanmoins redonner de l’espoir aux PSAN. L’ex-Maison du Bitcoin dispose d’un compte chez Société Générale, “obtenu après l’enregistrement et de multiples négociations”, précise Sandrine Lebeau, directrice de la conformité et des risques de la société au moment de l’interview, depuis passée chez Luno, qui propose un wallet et une plateforme de trading crypto, à un poste similaire. “De mémoire, à part Coinhouse, aucun PSAN n’a de banque française”, ajoute-t-elle. En plus d’être l’un des acteurs crypto les plus visibles en France, Coinhouse a également participé au projet du stablecoin Lugh du groupe Casino, dans lequel Société Générale est partie prenante en tant que teneur de compte. À ce jour, Coinhouse semble donc plutôt être l’exception qu’un pas vers la généralisation de la pratique. Comprendre les crypto-actifs Un acteur pourrait toutefois changer la mise : la Banque Delubac & Cie. Enregistrée en mars 2022, l’entité est la première banque française à proposer des services “d’achat, de vente et de conservation de crypto-actifs à destination des institutionnels, entreprises et particuliers”, selon un communiqué paru début avril. Convaincue que les risques transactionnels en cryptoactifs sont moindres que dans les transactions classiques grâce à la technologie blockchain, la banque pourrait être une solution de repli pour les PSAN. À condition que les acteurs soient enclins à payer un prix plus élevé que dans une banque classique, du fait du standing caractéristique de l’établissement. “Nous ouvrons les PSAN à condition qu’ils respectent quelques règles fondamentales. Mais pas de refus de principe”, assure Joël-Alexis Bialkiewicz, associé gérant de l’établissement de crédit. Bitpanda s’intéresse à l’agrément Malgré les déceptions évoquées par les acteurs français, le néocourtier autrichien Bitpanda envisage de demander l’agrément, glisse Giulia Mazzolini. “Aujourd’hui, l’enregistrement nous permet de communiquer sur des médias en ligne, dans la rue, à la radio, à la télévision, de payer des influenceurs ou de sponsoriser certaines activités. Mais nous ne pouvons pas parrainer des équipes ou des tournois sportifs, par exemple.” Ce type d’investissement marketing connaît quelques cas d’usage dans le monde, comme la plateforme FTX, qui a signé un accord de cinq ans avec la Major League de Baseball américaine ou comme l’exchange Crypto.com, qui sponsorise l’équipe de basket de Philadelphie, la prochaine coupe du monde de football au Qatar et… le Paris Saint-Germain. Ni agréé ni enregistré, basé à Hong Kong, Crypto.com revendique ne pas s’adresser au marché français et mettre des moyens technologiques en œuvre pour que les téléspectateurs des diffuseurs français ne voient pas son logo. “En attendant que notre application PSAN soit approuvée par l’AMF, notre logo en bord de terrain est visible uniquement lors des diffusions faites en dehors de France”, assure Eric Anziani, le COO à Capital. Comme pour Binance, les sanctions se font rares, déplore Faustine Fleuret. Alors que le Code monétaire et financier prévoit des sanctions pécuniaires et d’emprisonnement, les promotions illégales sont pour l’instant passées sous silence. Face à ces critiques, Stéphane Pontoizeau justifie que l’AMF n’a pas la compétence pénale pour exiger des amendes. Les acteurs qui exercent sans autorisation peuvent être mis sur la liste noire du régulateur qui émet aussi des alertes pour avertir le public. Les yeux tournés vers MiCA En dehors de Bitpanda, les PSAN que nous avons interrogés regardent peu l’agrément français mais s’orientent vers l’étape suivante : l’agrément européen. La future réglementation européenne Markets in cryptoassets (MiCA) “s’inspire de l’agrément PSAN français combiné à la directive MIF. Comme dans la réglementation française, MiCA comprend un cadre sur l’offre au public de cryptoactifs et une autre sur les services sur actifs numériques, même si MiCA couvre aussi des thèmes qui ne sont pas visés spécifiquement par le droit français, comme les stablecoins”, décrivait Matthieu Lucchesi, du cabinet Gide, en janvier 2022. Aujourd’hui sujet d’un accord provisoire entre la présidence du Conseil et le Parlement européen, le cadre législatif à venir est étudié aussi bien par les acteurs bien implantés comme Coinhouse que la plateforme Kriptown, enregistrée PSAN depuis quelques mois, malgré une échéance estimée à 2024, voire 2025. “Le règlement MiCA constituera une marche à gravir pour les entreprises enregistrées, notamment en matière de protection des investisseurs, et elles doivent s’y préparer. Certains acteurs, sans demander l’agrément optionnel, ont déjà introduit des questionnaires clients et des informations sur les services fournis, allant au-delà des exigences prévues par la loi Pacte pour l’enregistrement obligatoire. Ces initiatives vont dans le bon sens mais ces dispositifs mis en œuvre sur une base volontaire ne sont pas revus par l’AMF”, analyse Stéphane Pontoizeau. Un accompagnement juridique nécessaire et coûteux Les régulateurs ne sont pas les seuls acteurs de l’écosystème crypto à avoir dû s’adapter à cette nouvelle industrie. Les cabinets d’avocats sont également de la partie. Plusieurs d’entre eux entendent couvrir les innovations technologiques liées aux cryptoactifs, NFT, DeFi, Web3… Mais seuls quelques-uns règnent sur l’enregistrement des PSAN. “Nous sommes le principal cabinet sur le sujet”, assurait en mai 2022 William O’Rorke, avocat fondateur et associé du cabinet ORWL, qui revendiquait alors avoir aidé 60 % des 46 PSAN enregistrés (de StackinSat en 2020 à Bitstack fin 2021, en passant par Cryptosimple ou bien Paymium). Parmi ses concurrents figurent notamment Kramer Levin (pour SheeldMarket et Bitpanda notamment) ou encore Gide. Kriptown a fait pour sa part appel au cabinet CMS Francis Lefebvre. D’après nos recherches, le recours à un cabinet d’avocat est monnaie courante. Les entités qui ont pu s’en passer disposaient de ressources en interne, ce qui implique d’avoir une certaine taille (ce fut le cas pour Coinhouse). C’est d’ailleurs un point critiqué par François-Julien Alcazar de Cryptosimple. “Toutes les entreprises créées après la réglementation doivent être enregistrées pour sortir leur(s) produit(s). Le process étant lourd et coûteux (les frais d’avocat principalement), c’est un réel frein au développement et à l’innovation”, estime-t-il. Les acteurs interrogés par mind Fintech considèrent que le recours à des avocats externes pour la procédure se chiffre en dizaines de milliers d’euros. François-Julien Alcazar, dont l’entreprise a levé 140 000 euros en juillet 2021, estime que “plus de 50 % de notre budget est passé dans le légal, soit plus que ce que nous avons mis dans l’ingénierie”. Pour la Banque Delubac & Cie, qui vient de la finance traditionnelle, la procédure n’a rien d’exceptionnel. “L’enregistrement est simple à mettre en œuvre, assez classique d’un point de vue bancaire, mais n’est pas forcément évident pour les acteurs qui ne sont pas habitués au monde des superviseurs”, constate Joël-Alexis Bialkiewicz. À ce titre, “la banque a accompagné certains acteurs du secteur pour leur enregistrement”, poursuit l’associé-gérant. “En banque, le fait que nous devions nous interroger sur la finalité économique d’une transaction, c’est une évidence. Pour d’autres, cela relève de la vie privée. Il y a un ajustement culturel à faire.” Caroline Soutarson avec Aymeric Marolleau cryptoactifPSANrégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La liste des PSAN agréés et enregistrés auprès de l'AMF Binance obtient l'enregistrement PSAN Entretien Jean-Baptiste Graftieaux (Bitstamp) : “Nous souhaitons déployer le paiement en un clic pour faciliter l’accès aux cryptoactifs” 8 % des Français ont déjà investi en cryptoactifs Entretien M. Lucchesi et F. Guiader (Gide 255) : “Il faut trouver un équilibre entre attractivité et réglementation des activités liées aux cryptoactifs” Crypto-actifs : 23 PSAN enregistrés auprès de l’AMF