Accueil > Investissement > Vincent Gaudel (LexisNexis Risk Solutions) : “Les banques doivent être capables de détecter des flux de monnaies fiat qui vont vers des opérateurs crypto” Vincent Gaudel (LexisNexis Risk Solutions) : “Les banques doivent être capables de détecter des flux de monnaies fiat qui vont vers des opérateurs crypto” Les régulateurs mondiaux tentent progressivement d’appliquer aux prestataires de services sur actifs numériques des législations jusque-là associées aux intermédiaires financiers classiques. Vincent Gaudel, expert en conformité de la criminalité financière chez LexisNexis Risk Solutions, évoque les nuances visibles dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Par Caroline Soutarson. Publié le 24 août 2022 à 17h25 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h50 Ressources Depuis quand LexisNexis Risk Solutions, qui édite des outils de lutte contre la fraude, s’intéresse au secteur des cryptoactifs ? La problématique crypto s’est imposée à nous à partir de 2018, lorsque le GAFI (Groupe d’action financière), qui émet des standards au niveau mondial, a intégré les actifs numériques dans ses 40 Recommandations dans le domaine de l’anti-blanchiment et en a proposé une définition, ainsi que celle de prestataire de services sur actifs numériques (VASP, virtual asset service provider). [Les définitions sont disponibles dans un encadré à la fin de l’entretien, Ndlr]. Les standards du GAFI, qui s’adressent aux États, s’appuient sur des entités assujetties, comme les VASP, qui doivent mettre en place des mesures préventives telles que leur enregistrement, l’évaluation des risques (origine des fonds), l’identification des clients (KYC), la surveillance des transactions ou encore la déclaration d’opérations suspicieuses à la cellule de renseignement financier… Pour respecter ces évolutions réglementaires, les intermédiaires doivent donc se doter d’outils de screening pour l’entrée en relation. C’est dans ce cadre qu’intervient LexisNexis Risk Solutions. Quelles sont les nuances de KYC dans l’environnement crypto par rapport à la finance traditionnelle ? La blockchain et les crypto sont des technologies de rupture. Mais le public va tout de même devoir passer par des intermédiaires pour y accéder, ce qui permet de répliquer les cadres législatifs déjà existants de la lutte anti-blanchiment et du financement terrorisme (LCB-FT). La principale différence se situe au niveau des transactions. Comme pour un KYC bancaire, le prestataire doit s’assurer que les flux ne sont pas en provenance ou à destination de criminels. Du côté de la finance traditionnelle, il y a des conditions restrictives pour être connecté au réseau SWIFT par exemple, les processus sont rodés pour les banques… Nos outils sont interfacés pour les paiements fiat. En revanche, concernant le secteur crypto, les transactions sur les blockchain sont désintermédiées et la surveillance des flux fiat ne trouve pas à s’appliquer dans l’écosystème existant. Les infrastructures de paiement, fiat et crypto, sont distinctes. Il n’y a pas de flux unique qui part d’un point en dollars et arrive à destination en bitcoin. Ce sont en fait deux flux : un en dollars entre les comptes fiat de l’acheteur et du vendeur, et un en bitcoin en sens inverse, entre les adresses concernées. Les prestataires qui “voient” les adresses Bitcoin sont ceux qui processent les flux crypto. Les banques ne savent pas ce que leurs clients font avec les dollars qu’ils envoient à un VASP. Comment agir sur la transparence des transactions crypto ? La recommandation numéro 16 du GAFI concerne les informations à propos du payeur et du bénéficiaire d’une transaction [nom, numéro de compte, adresse du payeur, Ndlr]. S’agissant du protocole Bitcoin, pour lequel une transaction s’effectue à partir d’une adresse d’envoi, une de réception, ainsi que le montant transféré seulement, rien n’a été spécifié. Il y a des initiatives pour créer des infrastructures d’échange d’information entre intermédiaires crypto, notamment en ce qui concerne les noms des parties prenantes aux transactions. Mais plusieurs problèmes se posent : la transaction est-elle bien en provenance ou à destination d’un VASP ? Est-il dûment régulé dans une juridiction qui lutte contre la blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ? Comment ? La création de réseaux comme TRISA visent à répondre à cette question. Qu’est-ce que TRISA ? TRISA [pour Travel Rule Information Sharing Architecture, Ndlr] est une solution technique qui a été bâtie autour de la problématique de la “travel rule” pour les transferts en cryptoactifs. Développées en dehors de cette contrainte réglementaire, les transactions en crypto peuvent avoir lieu sans les informations requises au titre de la “travel rule”. TRISA est une infrastructure dédiée qui gère la surcouche d’informations nécessaires. Par contraste, les systèmes de paiement internationaux tels que SWIFT ont été bâtis dès l’origine autour d’un ensemble d’intermédiaires participant au réseau, qui échangeaient les informations requises. Votre cœur de clientèle est le secteur financier traditionnel. En quoi pouvez-vous lui être utile sur le segment des actifs numériques ? Les banques souhaitent mesurer leur exposition aux opérations en cryptoactifs de leurs clients. Même si elles ne veulent pas offrir d’actifs numériques, elles doivent être capables de détecter des flux de monnaies fiat qui vont vers des opérateurs crypto et des messages de paiement classiques qui contiennent des adresses crypto. Depuis fin 2018, certains régulateurs incluent dans le profil des personnes sanctionnées les adresses crypto associées (dont les avoirs sont gelés). Il y a actuellement 200 à 250 adresses crypto de recensées sur la liste de l’OFAC. Les régulateurs britannique et de l’Union européenne (UE) commencent ou devraient commencer à inclure des adresses cryptographiques dans leurs listes. L’UE a par ailleurs publié, en juin 2022, un accord provisoire sur l’extension formelle des exigences des règles de voyage aux transactions cryptographiques. Comment définir un actif numérique et un fournisseur de services sur actifs numériques ? “Un actif virtuel est une représentation numérique d’une valeur qui peut être numériquement échangée, ou transférée, et qui peut être utilisée à des fins de paiement ou d’investissement. Les actifs virtuels n’incluent pas les représentations digitales des monnaies fiat, titres et autres actifs financiers qui sont déjà couverts ailleurs dans les Recommandations du GAFI.” “Un fournisseur de services sur actifs numériques concerne toute personne morale ou physique qui n’est pas couvert ailleurs par les Recommandations, et qui conduit des activités dans l’un ou plusieurs des domaines suivants ou des opérations pour ou grâce à une personne morale ou physique qui : échange des actifs numériques et des monnaies fiat ; échange un ou plusieurs actifs numériques ; transfert des actifs numériques ; conserve et/ou gère des actifs numériques ou des instruments qui impliquent le contrôle d’actifs numériques ; et la participation et la provision de services financiers reliés à l’offre et/ou la vente d’actifs numériques d’un émetteur.” Source : Le GAFI (dernière mise à jour en mars 2022) Caroline Soutarson cryptoactifKYClutte anti-blanchimentrégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Cryptoactifs : l'AMF et l'ARPP ciblent les influenceurs Un accord politique provisoire a été scellé pour le règlement européen MiCA Le régulateur financier new-yorkais resserre l'encadrement des stablecoins collatéralisés Cryptoactifs : l’AMF se prépare aux différentes échéances réglementaires européennes