Accueil > Services bancaires > Neeraj Baid (Atlantic Money) : “Nous allons nous lancer au Canada, en Australie et aux États-Unis” Neeraj Baid (Atlantic Money) : “Nous allons nous lancer au Canada, en Australie et aux États-Unis” Le nouvel entrant britannique sur le marché du transfert d’argent Atlantic Money a obtenu les autorisations réglementaires nécessaires pour se lancer outre-Atlantique et en Australie. Ce concurrent de Wise mise sur des frais fixes pour s’établir sur un segment déjà bien bousculé par les fintech. Son cofondateur et CEO Neeraj Baid partage sa vision avec mind Fintech. Par Caroline Soutarson. Publié le 06 février 2024 à 7h00 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources Les premières fintech spécialistes du transfert d’argent sont apparues au début des années 2010. Durant cette décennie, de nouveaux acteurs sont arrivés pour rendre ce service plus simple, moins cher, plus rapide… Qu’avez-vous souhaité changer en cofondant Atlantic Money en 2020 ? Nous [Neeraj Baid et son cofondateur Patrick Kavanagh, deux anciens de Robinhood, Ndlr] avons voulu aider les personnes pour qui le transfert d’argent est important en mettant au point un produit de transfert d’argent à frais fixes [de trois euros ou livres jusqu’à 1 million d’euros transférés, Ndlr]. Nous visons des personnes qui envoient régulièrement de l’argent et qui souhaitent optimiser leur expérience en la matière. En général, nous constatons que ce sont des clients qui effectuent des transactions relativement importantes, de l’ordre de quelques milliers d’euros. [La société estime que le montant médian transféré via la plateforme est de 3 000 euros, Ndlr] La mise en place de frais forfaitaires implique mécaniquement un seuil à partir duquel il devient plus intéressant de passer par Atlantic Money que par l’un de ses concurrents, à taux de change égal. Cela veut dire que vous visez une clientèle aisée, plus encore que Wise qui s’adresse pourtant aux CSP+, n’est-ce pas ? Pour des frais de transfert basiques [sans option pour un paiement instantané notamment, Ndlr], ce seuil se situe entre 500 et 700 euros, en fonction des monnaies échangées. Mais il n’est pas nécessaire d’être extrêmement riche pour devoir transférer ce genre de montant. Comment avez-vous établi cette commission fixe de trois livres ? Gagnez-vous de l’argent sur chaque transaction avec, peu importe son montant ? Trois livres est le prix qui garantit à Atlantic Money d’être rentable sur chaque transfert. Cela montre à quel point le change est bon marché et que certains taux pratiqués sont injustifiés. En outre, il était important pour nous d’avoir une croissance durable. C’est important durant la phase de croissance de l’entreprise, et encore plus sur le long terme, pour devenir rentable. La croissance d’Atlantic Money, de par son segment d’activité, passe notamment par l’international. Vous annoncez le 6 février avoir obtenu des autorisations d’exercer sur de nouveaux marchés. Quels sont-ils ? Notre activité est réglementée et nous avons par conséquent besoin d’une autorisation pour opérer sur un marché donné. Nous avons donc passé beaucoup de temps l’année dernière à obtenir des autorisations en Australie, au Canada et aux États-Unis. Aux États-Unis, nous passerons dans un premier temps via une banque américaine dont nous ne communiquons pas le nom. Contrairement à l’Europe, les États-Unis ne proposent pas de passeport de licence comme nous avons pu le faire en Belgique [avec un agrément d’établissement de paiement, Ndlr]. Nous avons donc opté pour cette stratégie, plutôt commune pour les nouveaux entrants sur le marché, de travailler avec un acteur historique en place pour obtenir une couverture réglementaire rapidement. Puis, dans un second temps, nous migrerons avec nos propres licences. C’est un souhait que partagent généralement ce genre de partenaires : à partir d’une certaine échelle, il devient préférable de gérer ses propres relations réglementaires. Vous avez lancé Atlantic Money en juillet 2022 au Royaume-Uni, puis dans l’UE progressivement (en décembre 2022 en France). Un an et demi plus tard, quel bilan tirez-vous de ce déploiement ? Si je jette un œil 18 mois en arrière, j’ai l’impression que nous avons accompli beaucoup de choses, avec ces premiers lancements et ceux à venir au Canada, en Australie et aux États-Unis. Les volumes atteints sont éloquents. Nous avons trouvé les clients que nous cherchions et ils ont transféré plus d’argent sur notre plateforme que chez n’importe lequel de nos concurrents durant leur première année de lancement. Entre 100 et 200 millions de livres ont transité par notre service la première année, et plus de 300 millions de livres au total depuis notre lancement, soit plus de 350 millions d’euros transférés par 10 000 clients. Parmi ces clients, vous servez aussi les entreprises. Quelle est la répartition de votre chiffre d’affaires entre vos segments BtoC et BtoB ? Je ne peux pas vous donner un pourcentage exact. L’activité aux entreprises est encore nouvelle, nous l’avons lancée il y a six mois, après avoir obtenu les autorisations nécessaires. Développer ce segment BtoB est donc au programme de 2024, en plus des nouveaux marchés que vous lancez ? En effet. Nous comptons sortir plus de fonctionnalités pour les entreprises afin que notre produit soit mieux taillé pour elles. Les entreprises paient aussi des frais énormes. Elles représentent par conséquent un grand marché pour nous. Qu’en est-il des particuliers ? Des services additionnels sont-ils en cours de développement pour 2024 ? Non, pour l’instant nous souhaitons juste être un “tuyau” côté particuliers. Beaucoup de fintech tentent d’être une néobanque, un compte multi-devise ou une super app en proposant plein de services. Ces approches ne nous intéressent pas, car je n’ai pas l’impression qu’elles résolvent des problèmes pour les clients. Si nos utilisateurs souhaitent un compte multi-devise, il y a d’autres applications où en trouver. À moyen terme, nous développerons un produit qui aura du sens pour les clients. Mais nous ne voulons pas le remplir de fonctionnalités aléatoires dont personne ne veut. Comment les fintech spécialistes du transfert d’argent fidélisent leurs clients Rendre la totalité des transferts instantanés gratuits, comme souhaite le faire Wise, n’est donc pas sur la feuille de route à l’heure actuelle ? (Atlantic Money prélève un euro de frais pour rendre le transfert instantané) Je pense que l’opposition entre payant et gratuit est relative sur cette question. Chez Wise, tous les clients paient une commission qui englobe ce service de transfert instantané, qu’ils le veuillent ou non. Chez nous, nos clients qui le souhaitent peuvent demander un transfert accéléré, moyennant des frais supplémentaires, car transférer de l’argent rapidement est coûteux. La question est donc de savoir si les clients préfèrent payer plus tout le temps, comme chez Wise, ou payer que lorsqu’ils en ont besoin. La plupart de nos clients ne se soucient pas de quelques jours de transfert. Nos transactions réalisées en instantané à la demande de nos clients sont vraiment minoritaires. Quel est le délai de transfert moyen dans ce cas ? Le délai est réparti en deux phases : l’échange des devises et le transfert à proprement parler. La conversion s’effectue sur les marchés de devises spot mondiaux. Sur ces derniers, les règlements s’effectuent sous deux jours ouvrables. Ensuite, le délai de transfert dépend de la devise. Les euros peuvent être transférés instantanément, mais ce n’est pas le cas de toutes les monnaies. Si votre but actuel n’est pas d’étoffer l’offre de services pour les particuliers, cela veut dire que vous mettez la priorité sur l’ouverture de nouveaux marchés et de nouveaux corridors ? Oui, nous voulons agrandir notre réseau. Tel que nous l’avons élaboré, notre réseau est conçu pour que nous y branchions facilement d’autres composants. Aujourd’hui, il est encore limité, avec une dizaine de devises qui y sont rattachées. Il résout déjà beaucoup de problèmes pour les utilisateurs mais dispose aussi d’un potentiel d’évolution énorme. L’ajout de nouvelles devises et de nouveaux pays nous intéresse par conséquent beaucoup, notamment car il permettra d’augmenter le nombre d’utilisateurs. Comment construisez-vous votre réseau ? Nous construisons un réseau efficace afin, je le répète, que chaque transfert soit rentable individuellement. Cela signifie que notre réseau doit être simple. Nous réduisons les coûts d’exploitation en supprimant des intermédiaires, ce qui nous permet aussi d’obtenir des prix intéressants. La conversion des devises de nos clients s’effectue au même endroit que celle des grandes institutions mondiales (bureaux de change, fonds alternatifs, etc.). La simplicité de notre réseau nous donne aussi une bonne prévisibilité. Ainsi, les clients obtiennent ce qu’ils attendent et nous posent peu de questions, ce qui nous permet d’économiser sur le poste de support client. Bien sûr, nous avons des comptes bancaires et des partenaires dans le monde entier, c’est fondamental pour toute entreprise de transfert d’argent. Mais ce qui nous différencie vraiment, c’est l’efficacité avec laquelle nous exploitons notre réseau. Combien comptez-vous de salariés chez Atlantic Money ? Nous sommes une petite équipe, avec 10 employés. Grâce à un réseau simple et prévisible, nous n’avons pas besoin de beaucoup de personnes pour que notre service fonctionne. Si vous élargissez suffisamment votre nombre de corridors, Wise décidera peut-être que vous êtes une entité suffisamment légitime pour regagner son outil de comparaison public (en janvier 2023, Wise a décidé de ne plus lister Atlantic Money sur son comparateur maison). Qu’en pensez-vous ? Peut-être, ce n’est pas moi qui décide. Je ne sais pas sur quoi se base leur décision de ne pas nous inscrire mais j’imagine qu’il y a une raison si le nom d’Atlantic Money a figuré sur la liste puis a été retiré. Cela ressemble à une validation de leur part du fait que nous avons un réel pouvoir de perturbation sur ce marché. Et que nous en ayons suffisamment pour pousser une entreprise en place, qui pèse plusieurs milliards de dollars [Wise est coté sur le London Stock Exchange depuis 2021, Ndlr], à agir, est révélateur de notre potentiel. [En réponse à cet acte, Atlantic Money a construit son propre outil qui compare Atlantic Money à Wise, Ndlr] En pratique, savez-vous si vous avez attiré des clients initialement convaincus par Wise ? Nous voyons des clients transférer de l’argent à travers notre plateforme en provenance ou à destination de néobanques, que ce soit Wise ou bien Revolut par exemple. C’est intéressant car, théoriquement, ils pourraient le faire avec ces applications, en appuyant sur un bouton. Mais ils choisissent de ne pas le faire, bien qu’ils doivent faire un effort plus grand [en changeant d’application, Ndlr], car ils savent que nos services proposent un meilleur prix. D’après notre benchmark, en moyenne, nos clients particuliers économisent jusqu’à 10 fois leurs coûts en passant par Atlantic Money plutôt que par notre plus grand concurrent en termes de prix – la plupart du temps Wise. Les entreprises quant à elles peuvent économiser jusqu’à 15 fois leurs coûts. À combien estimez-vous votre nombre de clients qui dispose d’un compte Revolut ou Wise ? Je n’ai pas de chiffres précis, mais j’estime cette proportion à au moins 10 %. L’ex-CEO et cofondateur de l’entreprise Patrick Kavanagh a décidé de quitter l’entreprise dès 2023, moins d’un an après le lancement de l’application, d’où votre passage de CPO à CEO. Quelle est la raison de ce départ précoce ? Patrick a en effet quitté l’entreprise il y a approximativement un an pour des raisons personnelles. Je peux vous assurer que son départ n’avait rien à voir avec les performances de l’entreprise. Caroline Soutarson instant paymentpaiements internationauxtransfert d'argent Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dossier Comment les fintech spécialistes du transfert d’argent fidélisent leurs clients Wise revendique plus de 6 millions de clients actifs Atlantic Money s'invite sur le marché français du transfert d'argent