Emmanuelle Saudeau (AG2R La Mondiale Matmut) : “L’open innovation est un levier d’accélération”

Comment AG2R La Mondiale* organise-t-il sa transformation digitale ?

J’ai une mission d’animation et de pilotage de la transformation digitale du groupe, soutenue par des attentes fortes en la matière de la part du directeur général, André Renaudin, et du comité exécutif. L’objectif consiste à anticiper les ruptures et à créer des partenariats. Nous avons pour cela engagé toute l’entreprise dans une logique de réseau, portée par des personnes ambassadrices de chaque métier, qui nous transmettent leur feuille de route digitale.

Plus de 800 personnes (communautés internes, reverse mentoring, centres d’expertise, équipes informatiques, etc.) sont impliquées dans cette dynamique de transformation, orchestrée dans le cadre du plan stratégique à 2020. Le but consiste à aboutir à des réalisations concrètes et à développer des solutions innovantes pour nos clients comme pour nos collaborateurs (signature électronique, usages collaboratifs pour travailler en transversalité, meilleure gestion des données…). Environ 200 personnes sont dédiées à la mise en oeuvre des solutions. Cela représente au final une cinquantaine de projets et environ 25 millions d’euros d’investissements en 2018.

Près de deux ans après votre arrivée, quels sont les principaux chantiers que vous avez engagés ?

Concernant l’expérience client, nous avons intensifié la relation digitale avec nos clients (DRH, chefs d’entreprises, partenaires…) : environ un million d’entre eux nous contactent régulièrement via le canal digital, soit un tiers de plus qu’en 2017. Et nous réfléchissons à la manière d’enrichir la relation directe avec le client.

Nous avons en outre développé l’omnicanalité pour que les canaux de vente soient davantage complémentaires, les échanges plus fluides et les possibilités de personnalisation plus aisées. Plus de 50% des contrats sont souscrits de manière dématérialisée via les canaux de vente physiques. Par ailleurs, nos process internes ont été revus, simplifiés et automatisés pour gagner en efficacité. Ce, pour dégager du temps utile à nos conseillers et leur permettre de délivrer un conseil de meilleure qualité.

Vous venez de créer un fonds d’investissement dédié à l’innovation. Quels sont ses objectifs et quels types de start-up visez-vous ?

Nous considérons que l’open innovation est un levier d’accélération. C’est pourquoi nous disposons tout d’abord d’une plateforme ouverte à tous les collaborateurs basée sur le logiciel d’innovation participative Yoomap. Plus de 400 start-up y sont référencées et chacun peut identifier des opportunités de coopération. De cette manière, nous avons déjà menée 35 expérimentations sur différents sujets : prise de rendez-vous en ligne, intelligence artificielle, lutte anti-blanchiment, téléconsultation… Notre objectif est là d’anticiper l’industrialisation des solutions des start-up.

Notre fonds d’investissement, lancé en octobre dernier, participe de la même logique : nous souhaitons ainsi soutenir des partenaires avec lesquels nous avons co-construit des solutions, qui ont fait leurs preuves et qui ont un défi de croissance. Nous sommes dans une logique très partenariale. Baptisé ALM innovation, il est doté de 10 millions d’euros et nous avons trois dossiers à l’étude. Nous nous engagerons sur des prises de participation minoritaires concernant des séries A ou B.

Vous avez investi en direct dans les start-up SeniorAdom (téléassistance) et Younited Credit (prêts personnels) : où en êtes-vous aujourd’hui ?

Nos investissements antérieurs se sont en effet réalisés en direct et ne comportaient pas forcément d’enjeux partenariaux forts. Aujourd’hui, Younited continue à se développer et nous sommes en train de réfléchir à la manière dont nous pourrions aller au-delà d’une simple prise de participation. Il s’agirait de voir comment nous pouvons intervenir au titre des prêts qu’ils délivrent à leurs partenaires.

Quel rôle jouez-vous en tant que partenaire du Swave et qu’en attendez-vous ?

Le Swave est l’incubateur de fintech et d’assurtech de Paris&Co. Nous en sommes l’un des partenaires fondateurs et nous y avons lancé deux appels à projets. Y travailler en multi-corporate est particulièrement enrichissant.

Nous avons également lancé fin 2017 un nouvel accélérateur également multi-entreprises à Toulouse avec Viasanté et l’IoT Valley. Il cible les start-ups de l’e-santé et de l’internet des objets. Dans le cadre des accélérateurs, notre objectif consiste à nous positionner plus en amont et à être davantage prescripteur par rapport à nos besoins. S’appuyer sur un écosystème est aussi un gage de réussite des partenariats avec des start-ups.

Quel bilan tirez-vous de votre fonds dédié à l’innovation sociale?

AG2R La Mondiale assume une fonction bien spécifique en termes d’engagement social et sociétal, qui est liée à la gestion de régimes de retraite complémentaire et de l’Agirc-Arrco. Ce fonds fonctionne de manière autonome et dispose d’une feuille de route quant à son impact sociétal. Ses thématiques actuelles concernent entre autres l’emploi, la lutte contre l’exclusion, l’aide aux aidants ou encore la qualité de vie à domicile. Depuis 2010, 32 millions d’euros ont été investis et 27 associations accompagnées.

Comment votre expérience passée dans d’autres secteurs d’activité vous sert-elle aujourd’hui ?

J’ai auparavant évolué à la fois dans une logique de service et de transformation en profondeur, en particulier dans des secteurs chahutés comme ceux des telcos et du tourisme. J’y ai appris à placer le client au coeur des réflexions stratégiques et à donner le pouvoir aux utilisateurs. C’est également ce qu’il faut garder en tête dans le secteur financier. Je retiens aussi de mes expériences passées la notion de vitesse : il faut s’adapter à des cycles de consommation plus rapides. Enfin, l’ouverture à d’autres secteurs d’activités et le fait de se structurer en écosystèmes me semblent incontournables pour développer l’activité d’une entreprise.

* L’entretien a été réalisé avant la création du groupe AG2R La Mondiale Matmut, intervenue le 1er janvier 2019.