Finance embarquée : Enfuce cible des cas d’usage dans la mobilité

Au salon Money20/20 Europe, qui s’est déroulé du 4 au 6 juin à Amsterdam, un stand n’est pas passé inaperçu. Avec leur musique tonitruante, leur canon à neige artificielle, leur bar à glaces et leurs tee-shirts d’un blanc éclatant, les équipes d’Enfuce ont voulu montrer qu’ils fallaient désormais compter sur eux sur la scène fintech européenne. Relativement discrète jusqu’à présent, la plateforme d’émission de cartes et de processing des paiements vient d’ailleurs de frapper un grand coup dans l’Hexagone en raflant Swile à Treezor. 

Enfuce a été cofondée en 2016 en Finlande par deux expertes du secteur des paiements : Monika Liikamaa (Aktia Bank, Crosskey, S-Bank…) et Denise Johansson (Crosskey). “Quand nous nous sommes lancées, nous avons réfléchi à la meilleure manière de bâtir une infrastructure qui soit moderne et scalable. Il n’y avait qu’une seule option, et pour la première fois au monde, un régulateur financier [en l’occurrence, la Finanssivalvonta finlandaise, Ndlr] a autorisé le processing de paiements dans le cloud public”, raconte à mind Fintech Monika Liikamaa, co-CEO d’Enfuce. 

Première intégration d’Apple Pay en Finlande

Le premier projet a consisté à créer un programme de cartes de crédit renouvelable et de cartes carburant pour St1, un énergéticien finlandais qui détient la marque Shell dans les pays scandinaves. “En moins de six mois, nous avons branché l’infrastructure au réseau Mastercard, puis nous avons mis la solution en production en avril 2017. Et quatre mois plus tard, Apple Pay était disponible – une première en Finlande [avec Nordea, Ndlr] -, alors que ce type d’intégration nécessitait au moins 11 mois de développement à l’époque”, souligne Monika Liikamaa. “Le fait de démarrer avec un projet impliquant trois pays et trois devises différentes sur deux fuseaux horaires a été une chance, car nous avons dû tout de suite nous plonger dans la complexité”, estime la dirigeante. 

Près de huit ans après sa création, Enfuce couvre aujourd’hui un large éventail de besoins : émission de cartes de paiement (crédit, débit, prépayées…), contrôle des dépenses, BIN sponsorship, prévention de la fraude, gestion des litiges, multi-devise, gestion et analyse de programme carte, etc. L’entreprise collabore avec une série de partenaires, notamment des acteurs du core banking (Mambu, Skaleet, SaaScada) et de la conformité (Fourthline, Featurespace). 

Des agréments dans l’UE et au Royaume-Uni

De 2020 à 2022, Enfuce a détenu une licence d’établissement de paiement. Depuis deux ans, la société possède un agrément d’établissement de monnaie électronique en Finlande, qu’elle passeporte dans 29 pays européens, ainsi que les autorisations DSP2. Elle a obtenu auprès de la FCA un agrément similaire au Royaume-Uni en février 2024. Cette couverture réglementaire lui permet de se différencier d’autres acteurs technologiques de l’émission de cartes comme Marqeta ou Paymentology, par exemple. “Nous nous concentrons sur l’Union européenne et le Royaume-Uni, en particulier sur des solutions clés en main pour le segment de la mobilité, avec tous les enjeux qui y sont liés : avantages salariés, gestion des dépenses, etc.”, confirme Monika Liikamaa. 

En 2022, Enfuce a été retenue par Memo Bank comme fournisseur de services d’émission de cartes. L’objectif affiché à l’époque consiste à proposer des cartes à débit différé Visa Corporate afin d’élargir la cible du challenger au segment des PME. Plus récemment, la néobanque verte Helios a également fait appel à ses services à l’occasion de la refonte de son architecture bancaire, au profit d’Okali et de Skaleet.

La signature d’un contrat avec Swile marque un nouveau jalon dans le développement de la start-up dans l’Hexagone, trois ans après son arrivée. “Les équipes de Swile savaient exactement ce qu’elles voulaient, ce qui nous a permis d’avancer rapidement. Je suis très fier du travail réalisé, car nous avons réussi à intégrer différentes applications [titres restaurant, titres cadeaux, chèques culture, mobilité, etc., Ndlr] au sein d’une seule carte physique”, se félicite Monika Liikamaa. La migration de quelque 3 millions de cartes fait suite à un pilote de plusieurs mois sur plus de 60 000 cartes existantes, avec Enfuce agissant en tant que nouveau BIN sponsor. 

40 clients en production

Pour Monika Liikamaa, la finance embarquée passe aujourd’hui par des cas d’usage spécifiques, autour du voyage et de la mobilité. “Quand on parle de mobilité, cela couvre les flottes, le carburant ou encore les véhicules électriques. Aujourd’hui, nous travaillons étroitement avec les constructeurs automobiles sur des enjeux de paiement embarqué, de transition vers la mobilité électrique et d’évolution dans les usages des véhicules”. L’irrigation du paiement dans la société touche également les domaines de la ville intelligente et des politiques publiques. “En Finlande, nous émettons pour le compte du gouvernement des cartes pour les aides sociales, les réfugiés, les militaires, etc. Au Royaume-Uni, nous accompagnons allpay pour les paiements dans le secteur public et en France, nous émettons des cartes pour la start-up Welcome Account qui s’adresse aux collaborateurs internationaux”, détaille la responsable. Pour le premier opérateur télécoms islandais Síminn, Enfuce vient d’annoncer un nouveau programme d’émission de cartes virtuelles d’entreprise comprenant le calcul de l’empreinte carbone des transactions grâce à la solution Deedster.

Enfuce compte plus de 150 collaborateurs dans ses bureaux d’Espoo, Mariehamn et Londres, et revendique 40 clients en production, dont Pleo, Qred, Funding Circle ou encore Alisa Bank. Dans ses derniers comptes publiés, la société mentionnait plus de 17 millions d’utilisateurs finaux et près de 230 millions de transactions annuelles. En 2023, Enfuce a dégagé un chiffre d’affaires de 16,4 millions d’euros (+35 % par rapport à 2022). Sa perte opérationnelle (Ebitda) a atteint 11,4 millions d’euros (-6 % en glissement annuel). 

L’entreprise se donnait comme objectif pour 2024 de doubler ses revenus récurrents. Elle vise un Ebitda positif pour fin 2024, début 2025. Depuis sa création, Enfuce a levé un total de 70,5 millions d’euros. Sa dernière opération en 2023 a fait entrer Visa au capital. La fintech compte aussi des investisseurs tels que Vitruvian Partners (Marqeta, Raisin, Moonfare…), Tencent (Lydia) ou encore Maki.vc (Zevoy, Membrane Finance…).