Platform-as-a-Bank vs. Bank-as-a-Platform : ce que les plateformes nous enseignent en matière d’analyse stratégique

Image à la une de l'article Platform-as-a-Bank vs. Bank-as-a-Platform : ce que les plateformes nous enseignent en matière d’analyse stratégique
Le phénomène de plateformisation des activités bancaires renouvelle une partie de l’analyse stratégique en distinguant deux approches complémentaires et différenciées, écrit Matilde Guilhon, doctorante en management à l’ESCP et chercheuse au Square Research Center.
Cet article vous est proposé gratuitement par la rédaction.
Lancez votre essai gratuit de 15 jours pour découvrir l’ensemble de nos contenus

Fin juin 2021, Facebook a annoncé le lancement imminent d’un portefeuille numérique baptisé « Novi » permettant de stocker « Diem », la cryptomonnaie de Facebook anciennement nommée Libra. Fin août, Mark Zuckerberg a déclaré la mise sur le marché d’une offre de crédit à destination de petites et moyennes entreprises indiennes. Ces nouvelles annonces ont relancé les débats concernant la croissance des GAFAs dans le secteur financier et ont par la même occasion ravivé les inquiétudes des banques dites « traditionnelles » – les « incumbents« -, pour les distinguer des banques en ligne, arrivées sur le marché plus tardivement et dont l’offre est complètement dématérialisée. Les GAFAs sont considérées comme une menace grandissante pour les acteurs bancaires traditionnels. Et pour cause : ces entreprises disposent d’importantes bases de clients et d’atouts considérables en matière de collecte, d’analyse et d’exploitation des données et bénéficient d’effets de réseau. La combinaison de ces forces fait craindre une domination du marché dans une logique de winner-takes-all et de verrouillage du secteur.

Il est vrai que le secteur bancaire connaît de très importantes mutations : dans un contexte combinant aussi les législations européennes DSP2, les évolutions technologiques et les nouvelles attentes des consommateurs. Globalement, ces évolutions ouvrent la voie à un nouveau modèle bancaire, désigné généralement sous le terme d’Open Banking : il s’agit d’un modèle dans lequel les données bancaires sont partagées entre plusieurs parties non affiliées afin de fournir de meilleures capacités au marché et des solutions améliorées et personnalisées pour le client. Ainsi, de nouveaux entrants offrant de nouvelles propositions de valeur bouleversent les standards et les structures concurrentielles. A l’ère de l’Open Banking, les banques traditionnelles opèrent une transformation de leur modèle d’affaires vers un modèle appelé « Bank-as-a-Platform« . Ce modèle consiste à intégrer des propositions de valeur d’acteurs externes afin de proposer à leurs clients un point d’accès unique à une variété d’offres allant au-delà des solutions que les banques ont l’habitude de proposer.

Approche écosystémique

Analyser ces transformations invite aussi à s’intéresser au renouvellement des approches et des grilles d’analyse utilisées en management stratégique. En effet, le phénomène de plateformisation des activités renouvelle une partie de l’analyse stratégique en distinguant deux approches complémentaires et différenciées. La première approche s’inscrit dans le prolongement des modèles d’analyse stratégique existants et est particulièrement adaptée à une conception verticalement intégrée de la chaîne de valeur. Elle se concentre sur les clients et cherche à identifier les canaux les plus pertinents pour les atteindre et les partenaires à intégrer aux projets pour les servir. Or, une plateforme est par définition composée d’un acteur central et d’une périphérie d’acteurs complémentaires : dès lors, le phénomène de plateformisation mériterait d’être analysé selon une seconde approche de type « écosystémique ». Empruntée à l’écologie et transposée par James Moore aux sciences de gestion, cette approche repose sur l’identification des capacités qui confèrent un avantage comparatif à la firme, les écosystèmes susceptibles de bénéficier de ces capacités et les relations permettant d’intégrer ces écosystèmes. Concrètement, les acteurs cherchent à co-créer des activités avec des partenaires qui présentent des complémentarités. Par exemple, en lançant son programme de prêts sans garantie aux PME indiennes avec Indifi, Facebook bénéficie de l’expertise de son partenaire en matière de micro-crédit, tandis que la plateforme offre des opportunités commerciales aux PME (par le biais de la publicité et de la vente via le réseau social), ce qui facilite le remboursement des crédits. 

L’analyse stratégique à la lumière de l’approche écosystémique montre qu’il existe d’autres stratégies que celles prises par les banques traditionnelles ces dernières années : ces banques qui définissent les orientations de leur stratégie de plateformisation avant même d’y associer les partenaires. En effet, les banques semblent donner la priorité à une approche centrée sur les clients et leurs besoins, avant d’y intégrer les partenaires. Par exemple, le Crédit du Nord a imaginé 23 univers serviciels (e.g. quotidien, immobilier, activité à l’international) regroupant des offres extra-bancaires qui correspondaient aux attentes de leurs clients. Puis, la banque a choisi de déployer huit univers pour lesquels ils ont sélectionné des partenaires. Si cette initiative manifeste l’existence d’une réflexion stratégique ayant abouti à une initiative concrète, et si la démarche adoptée permet de répondre aux besoins actuels des clients, elle ne favorise pas nécessairement les synergies durables offertes par les dynamiques écosystémiques. Or, l’évolution vers un modèle d’affaire plateformisé implique la mise en place d’une culture de croissance fondée sur la collaboration et la co-innovation avec les partenaires. 

En somme, si l’analyse stratégique classique envisage la plateformisation bancaire avant tout comme l’identification de nouvelles activités et comme un moyen de faciliter le go-to-market, elle ne permet pas d’apprécier et d’exploiter et toutes les ressources et les capacités dont la banque dispose et qu’elle pourrait valoriser. Dès lors, l’intégration de la grille écosystémique à un cadre d’analyse stratégique peut s’avérer particulièrement intéressante pour pouvoir faire de la plateforme un levier de performance et de création de valeur davantage maîtrisé.

_____

Par Matilde Guilhon, doctorante en management à l’ESCP et chercheuse au Square Research Center

Vous avez une information à nous partager ?
Article à retrouver dans La lettre mind Fintech n°219
Chaque mois, retrouvez l'essentiel de nos articles
Jeudi 21 octobre 2021
Nos autres services
Research
La réalisation d'études sur-mesure : benchmark, panorama, newsletter personnalisée, contenus en marque blanche.
En savoir plus
Formations
Nos formations & masterclass : des formats courts pour le management, le coaching de dirigeants, la montée en compétence de profils junior.
En savoir plus
Events
Des conférences d'une demie journée dédiées aux problématiques du secteur et ouvertes à l'ensemble de l'écosystème.
En savoir plus
Ce que vous devez absolument lire cette semaine
Les contenus essentiels de la semaine sélectionnés par la rédaction.
Voir tout
Caption obtient un agrément de PSI
Le spécialiste de l’investissement sur le non coté Caption a annoncé le 4 novembre avoir obtenu un agrément d’entreprise d’investissement...
4 novembre 2025
Spendesk étend son offre aux voyages d’affaires
À la manière de Ramp aux États-Unis, les solutions de gestion des dépenses d’entreprise s’orientent vers un modèle de plateforme tout-en-un en...
4 novembre 2025
EPI redoute que l’euro numérique crée une concurrence inégale
Dans une lettre adressée à “divers responsables exécutifs et législatifs européens”, et partagée par Daniel Baal, président du groupe...
4 novembre 2025
Comment évolue l’adoption de l’Instant Payment en France et en Europe ?
Le virement instantané (Instant Payment ou IP) a été lancé en France en 2018. La révision de la tarification intervenue en janvier 2025, suivie de l'entrée en vigueur, le 9 octobre 2025, de la...
4 novembre 2025
Les articles les plus consultés du mois sur mind Fintech
Ce sur quoi les lecteurs cliquent le plus le mois dernier.
Ce sur quoi les lecteurs cliquent le plus le mois dernier.
1
EPI redoute que l’euro numérique crée une concurrence inégale
Dans une lettre adressée à “divers responsables exécutifs et législatifs européens”, et partagée par Daniel Baal, président du groupe...
4 novembre 2025
2
Vivid lance des comptes-titres pour les entreprises
La néobanque Vivid poursuit le développement de son offre de placement de trésorerie pour les petites entreprises. La société déploie des comptes-titres pour investir en actions, ETF, fonds...
3 novembre 2025
3
Pennylane confie sa filiale allemande à un ex-SumUp
Alors que la comptatech Pennylane s’active en vue de la réforme de la facturation électronique en France, la société prépare en parallèle son lancement en Allemagne. La start-up vient d’y recruter...
29 octobre 2025
4
Banques et GenAI : du foisonnement d’idées à la recherche de valeur
Les banques françaises ont engagé des démarches différenciées pour intégrer l’IA générative. Sélection des cas d’usage, création de centres d’expertise, gouvernance et industrialisation : les...
30 octobre 2025
5
Comment évolue l’adoption de l’Instant Payment en France et en Europe ?
Le virement instantané (Instant Payment ou IP) a été lancé en France en 2018. La révision de la tarification intervenue en janvier 2025, suivie de l'entrée en vigueur, le 9 octobre 2025, de la...
4 novembre 2025
6
Euro numérique : pourquoi le projet suscite la controverse
La Banque centrale européenne planche sur une monnaie numérique de banque centrale de détail, l’euro numérique, espérant qu’elle verra le jour en 2029. En parallèle, les colégislateurs de l’UE...
15 octobre 2025