Accueil > Assurance > Comment la MAIF déploie un plan d’actions sur l’IA générative co-construit par des salariés Comment la MAIF déploie un plan d’actions sur l’IA générative co-construit par des salariés L'assureur MAIF a dévoilé en février 2025 une série de mesures sur l’IA générative. Elles reprennent les propositions issues d’un processus original, sous forme de convention réunissant des collaborateurs tirés au sort et des experts. Couvrant de nombreuses thématiques d’éthique, de gouvernance et de formation, elles ont été quasiment reprises dans leur intégralité. Évelyne Llauro-Barrès et Nicolas Siegler, directeurs généraux adjoints en charge des richesses humaines et des systèmes d’information, dévoilent à mind RH les enjeux pour l’entreprise mutualiste d’assurance. Par Antoine Piel. Publié le 10 juin 2025 à 13h58 - Mis à jour le 18 juin 2025 à 18h08 Ressources Les points clés La MAIF engage une démarche structurée autour de l’IA générative en s’appuyant sur une convention participative inédite. Trente salariés tirés au sort ont formulé des propositions concrètes, reprises dans un plan d’actions piloté par la direction. Des formations, des référents IA et un comité d’éthique accompagnent le déploiement, avec l’engagement fort de préserver l’emploi. L’IA est perçue comme un levier d’efficacité, à condition d’en garantir un usage éthique et de sécuriser une supervision humaine. L’accent est mis sur l’acculturation des équipes, l’adaptation des compétences et l’accompagnement au changement. Des modules spécifiques sont en cours de création, notamment pour les métiers de la data, avec des formations déployées d’ici 2026. L’intelligence artificielle générative ne faisait pas partie du dernier plan stratégique quadriennal annoncé par la MAIF (8 000 salariés) au début de 2023. Deux ans plus tard, le 3 février 2025, le groupe d’assurance a néanmoins publié un document (“Réponses de la direction générale aux propositions des salariés”) qui esquisse un tournant pour l’entreprise avec une série d’actions planifiées sur deux ans. Elles couvriront les modes de travail, le dialogue social, la communication ou encore les relations clients. “Depuis la fin de l’année 2023, ou le début de 2024, nous avons commencé à regarder ce que cette technologie permettait en termes d’usages, ainsi que son impact sur les métiers, c’est-à-dire la nature des fonctions qui pourraient être touchées par cette application-là. Nous avons réalisé cette démarche de manière assez systématique dans l’entreprise”, retrace Nicolas Siegler, directeur général adjoint en charge des systèmes d’information. Des usages préexistants de l’IA générative L’IA générative avait jusque-là seulement été utilisée de manière expérimentale au sein du groupe. “Il y a un certain nombre d’usages et d’outils que nous avons identifiés assez vite. Nous travaillons avec Microsoft, et donc nous avons accès à Copilot, qui est une application équivalente de ChatGPT. Nous l’avons ouverte à tous nos collaborateurs dans un environnement sécurisé, pour qu’ils puissent la tester”, détaille Nicolas Siegler, qui estime de l’ordre de 10 % la proportion de salariés qui ont utilisé ChatGPT sans en avertir leur hiérarchie. L’entreprise mutualiste l’expérimente également sur son site de Toulouse pour donner, en quelques secondes, aux conseillers la réponse sur la couverture des garanties d’assurance dans le cas d’un sinistre.“Nous testons à la fois l’appétence de nos utilisateurs, mais aussi la pertinence de la solution technique”, explique le DGA. Par ailleurs, un outil “sur étagère” est testé pour les synthèses de jurisprudence et les développeurs bénéficient de licences GitHub Copilot pour les aider à coder et à documenter leur code. En novembre, les salariés ont enfin commencé à suivre une formation en ligne sur l’IA générative. “Elle permet de présenter les notions fondamentales de l’intelligence artificielle générative, ce qu’est un prompt et comment bien le rédiger, ce qui est extrêmement important pour obtenir une réponse qualitative, dévoile Évelyne Llauro-Barrès, directrice générale adjointe et DRH. Nous avons ensuite reçu beaucoup de demandes d’accompagnement notamment sur notre outil Copilot pour justement aller utiliser cette première brique de l’intelligence artificielle générative.” Jusqu’ici, 3 700 collaborateurs ont suivi la formation. Une convention de quatre jours La MAIF a tiré au sort trente salariés, réunis pendant quatre jours en novembre 2024, pour répondre à la question : “À quelles conditions, et selon quelles modalités, la MAIF pourrait-elle intégrer avec succès l’IA générative dans l’exercice des métiers ?”. Ces derniers ont pu interroger des responsables de l’entreprise et des experts, dont le dirigeant d’une entreprise d’IA, ainsi que des chercheurs. Il n’y avait “aucun filtre” autre que la réponse à la question dans la rédaction des propositions selon la DRH Évelyne Llauro-Barrès. “Les salariés devaient répondre à une question générique. Il était important, pour eux comme pour nous, de rédiger des propositions concrètes nous permettant de nous positionner clairement en tant que comité de direction.” Si la direction a largement repris les propositions (le débat a porté sur moins d’une dizaine d’entre elles) c’est elle qui les a complétées et qui a décidé du calendrier de mise en œuvre. “Éclairés par l’expérience de la Convention citoyenne pour le climat [lancée en 2019 par le gouvernement français pour formuler des propositions sur le climat, Ndlr], à l’origine de beaucoup d’espoir puis d’une profonde déception, nous n’avons jamais laissé croire que la convention allait déterminer la stratégie de l’entreprise en matière d’IA. La convention apporte une contribution importante avec une traduction concrète, mais c’est bien la direction qui, in fine, hiérarchise, tranche et fixe le cap”, nuançait le directeur général de l’entreprise Pascal Demurger, dans L’Express, juste avant le Sommet sur l’IA de Paris, en février 2025. Le choix de cette modalité originale correspond à la culture de l’entreprise, selon la DRH. “C’est quelque chose que nous avons l’habitude de faire depuis plusieurs années, notamment sur des sujets qui ont un impact fort sur le travail et la qualité de vie au travail des salariés. Je pense à un exemple assez emblématique : notre accord “Oser” sur l’organisation du temps de travail [signé pour la troisième fois en juillet 2024, Ndlr], qui n’était pas sous forme de convention, mais où plus de 800 salariés avaient été impliqués à travers des focus groupes en 2017 pour faire émerger à la fois les besoins de l’entreprise et les aspirations des salariés. Nous avions défini notre cadre de discussion et négocié notre accord sur cette base”, détaille Évelyne Llauro-Barrès. Le format de la convention impliquant des experts reste toutefois une première pour l’entreprise. “Il y avait, dès le départ, un sujet d’acculturation pour que tout le monde comprenne de quoi on parle avec l’IA générative, témoigne la DRH. Et c’est quelque chose qui a été fortement apprécié dans l’organisation de la convention, parce que c’est un sujet qui pouvait potentiellement être un peu inhibant pour certains salariés.” Acceptabilité et acculturation Les salariés tirés au sort ont souhaité faire l’équilibre entre le “maintien de la qualité de la relation humaine” et l’adoption de l’IA générative pour “des raisons concurrentielles” et “d’amélioration de l’efficacité opérationnelle”, mais aussi de “qualité de vie au travail”. Ils voient la technologie comme vectrice de “simplification des tâches”. La première ambition du plan d’actions est, en conséquence, d’acculturer l’ensemble des salariés à l’IA, par la communication interne et le suivi obligatoire de la formation en ligne déployée en novembre 2024. Par ailleurs, des référents IA vont être nommés pour accompagner leurs collègues et faire remonter les besoins. Déjà mis en place en février 2025, le comité de surveillance numérique éthique “travaille sur les éléments clés de l’acceptabilité de certaines expérimentations et de leur généralisation”, précise Nicolas Siegler. “Il sert à piloter de façon plus rapprochée les demandes d’expérimentations, à les qualifier et à accompagner celles qui sont sélectionnées, les suivre et permettre un retour d’expérience qui soit utile à tout le monde”, détaille-t-il. Il remplace un comité sur le cloud et la data qui avait déjà fixé des règles éthiques appliquées aux premières expérimentations, notamment sur la sécurité des données. Celles-ci, ainsi que le déploiement, seront contrôlés au regard des réglementations, telles que l’IA act européen, et de leur impact environnemental. La MAIF garantit la “supervision humaine” dans les “réponses complexes” apportées aux clients. Enfin, la démarche sur l’IA générative a fait l’objet d’une présentation en CSE, quelques mois après un séminaire de sensibilisation des représentants du personnel. “Nous nous sommes engagés à présenter les expérimentations tous les quatre mois, et la décision de déploiement fera l’objet d’une négociation, soit dans le cadre d’un accord ad hoc, soit dans celui de la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP)”, dévoile Évelyne Llauro-Barrès. Évolution des métiers Cette approche générale s’accompagne d’actions au niveau des métiers du groupe. La commission de suivi de l’accord GEPP sera le lieu de discussions sur les actions nécessaires en termes de compétences, de mobilité et de recrutement. L’entreprise prend l’engagement ferme de ne pas licencier du fait du déploiement de l’IA générative. “Nous avons voulu tuer cette angoisse existentielle et, en même temps, sensibiliser sur le fait que les métiers allaient changer plus ou moins en profondeur. Certains peuvent disparaître, mais d’autres vont émerger”, insiste la DRH. La MAIF s’attèle à définir les besoins de formation avec ses différentes directions depuis le début de l’année. “Par ailleurs, soit en lien avec les expérimentations, soit en réponse à des besoins spécifiques, certaines directions expriment des demandes d’accompagnement que nous sommes en train d’étudier avec l’équipe de l’université d’entreprise, pour pouvoir proposer des formations spécifiques”, développe Mme Llauro-Barrès. C’est le cas des fonctions data, pour lesquelles un module ad hoc est en train d’être créé. Les formations techniques seront déployées d’ici la fin de l’année 2026. Ce contenu a été réalisé par la rédaction de Planet Labor (une publication du groupe mind), service d’information professionnelle consacré aux pratiques RH, droit du travail, relations professionnelles, problématiques RSE… Antoine Piel IA générative Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La Banque Postale hiérarchise ses usages de l’IA générative Comment BNP Paribas accélère sur l’IA dans le retail : stratégie, déploiement et défis de l’industrialisation En GenAI, Qonto mise sur les collaborateurs avant d’élargir vers les clients