Accueil > Financement > Fatou Diagne (Bootstrap Europe) : “Nous levons 350 millions d’euros pour notre quatrième fonds” Fatou Diagne (Bootstrap Europe) : “Nous levons 350 millions d’euros pour notre quatrième fonds” Depuis la mi-2022, les conditions de financement en capital-risque se dégradent pour les start-up, et notamment sur le segment fintech. Les acteurs du venture debt sont l’une des alternatives pour continuer à lever des fonds durant cette période, mais ceux-ci sont aussi devenus plus exigeants. mind Fintech fait le point avec Fatou Diagne, cofondatrice et managing partner de Bootstrap Europe. Par Caroline Soutarson. Publié le 03 avril 2024 à 15h14 - Mis à jour le 27 janvier 2025 à 17h50 Ressources Vous avez cofondé Bootstrap Europe en 2015 avec Stephanie Heller. Quel était l’objectif ? Le venture debt existe aux États-Unis depuis les années 1980. Mais c’est un type d’investissement encore peu développé en Europe, et notamment en France. Il a pourtant un avantage par rapport à l’equity : il n’engendre pas de dilution du capital. C’est pourquoi nous avons eu l’idée de fonder Bootstrap Europe [en 2015, le volume des opérations en venture debt représentait 10 % du marché du capital-risque en Europe selon Houlihan Lokey. Voir graphique ci-dessous, Ndlr]. Source : Houlihan Lokey (2024) Pourquoi la France ne s’est pas encore emparée du venture debt ? De manière générale, la France est une géographie où les prêteurs n’aiment pas venir à cause du système de faillite des entreprises qui contient beaucoup de clauses. La SVB (Silicon Valley Bank, Ndlr), dont nous avons racheté le portefeuille [d’engagements de prêts, Ndlr] allemand, n’y investissait pas, par exemple. Combien de fonds avez-vous lancés et pour quels montants ? Nous avons lancé trois fonds depuis notre création en 2015 : le premier en 2016, le deuxième entre 2018 et 2019 et le troisième en 2022. Pour ce dernier, nous avons levé 130 millions d’euros. Au total, nous comptabilisons 250 millions d’euros d’actifs sous gestion. En 2024, nous levons 350 millions d’euros pour notre quatrième fonds. Quel est votre TRI ? Nous ne communiquons pas dessus. Mais de toute évidence, suffisamment intéressant pour que nous levions à chaque levée plus de fonds que pour la précédente. [D’après nos recherches, les taux d’intérêt en venture debt peuvent varier de 6 % à 15 %. Des bons de souscription d’action (BSA) sont aussi négociés, Ndlr] Qui sont vos LP ? Au début, nos investisseurs étaient surtout des family offices. Par la suite, British Business Investments (BBI), le fonds européen d’investissement (EIF) et des gestionnaires d’actifs nous ont rejoint [Visa Foundation a aussi mis 7 millions d’euros dans le troisième fonds, Ndlr]. Nous souhaiterions accueillir Bpifrance parmi eux, puisque nous réalisons une opération en France par mois. Quel est l’effectif de Bootstrap Europe ? Et quelles géographies couvrez-vous ? Nous sommes une dizaine de collaborateurs, une moitié dédiée à l’investissement et l’autre aux fonctions supports. La plupart sont basés à Londres, je suis personnellement à Zurich – où sont présents la majorité de nos investisseurs – et je viens en France toutes les quatre à six semaines. Nous sommes aussi présents en Allemagne. Ce sont les géographies dans lesquelles nous concentrons nos opérations. Nous regardons mais couvrons moins la Suisse, la Finlande et les Pays-Bas. Notre fonds est par ailleurs enregistré au Luxembourg. Dans notre prochain fonds, 10 % du montant sera alloué aux États-Unis, que ce soit pour accompagner des entreprises européennes qui veulent s’y lancer ou bien des entrepreneurs européens installés là-bas. Nous commençons aussi à regarder l’Europe de l’Est, notamment la Pologne. L’exode ukrainien va être à l’origine de start-up qui répondront à de nouveaux besoins. Ouvrir une nouvelle géographie nous prend environ un an. Par quels canaux passez-vous pour participer au financement de start-up ? Souvent, les VC nous contactent lorsqu’il y a une problématique de dilution dans un cycle de financement. C’est intéressant pour nous, car la présence d’autres fonds est souvent le signe d’un bon investissement. Deux tiers de notre deal flow provient de ce canal, 20 % de recommandations d’entrepreneurs et pour le reste [soit environ 15%, Ndlr], c’est nous qui ciblons. Nous avons une liste de plus de 500 sociétés que nous aimerions financer. Quels sont vos pré-requis pour financer une entreprise ? Tout d’abord, les entreprises doivent présenter des “unit economics” solides, avec des ambitions de croissance élevées pour rembourser la dette et payer les intérêts. Par conséquent, nous ne prêtons que lorsque la société a trouvé son product market fit, à partir de la Série A généralement, où notre investissement varie entre 20 % et 30 % du montant total annoncé. Nous pouvons investir deux à trois fois dans une même entreprise. Nous ciblons des sociétés de tous les secteurs qui travaillent en BtoB, avec un produit SaaS et/ou à fort contenu technologique. Elles ont généralement un cash flow négatif et/ou un portefeuille de brevets. C’est notamment le cas des secteurs de l’intelligence artificielle, de la deeptech ou encore de l’énergie. La santé, la logistique et la blockchain nous intéressent aussi. Qu’en est-il du segment fintech ? C’est un secteur dans lequel nous avons investi – sauf dans les activités de crédit. Nous avons notamment réalisé plusieurs opérations avec TransferGo [une plateforme de transfert d’argent qui exerce à la fois en BtoC et en BtoB, Ndlr]. Nous avons participé à leur Série A [en 2016, Ndlr], à un moment où l’entreprise voulait ouvrir 30 nouveaux corridors. Puis nous avons augmenté nos engagements avant sa Série B [en 2018, avant de remettre une nouvelle fois au pot en 2020. Créée en 2012, TransferGo n’est pas encore rentable, Ndlr]. Nous avons aussi investi dans Meniga, qui exerce elle en BtoB et vend des solutions technologiques aux acteurs bancaires pour les mettre au niveau des néobanques en termes de front-end et de middle-office. Sur cette opération, Bootstrap Europe a été appelé par l’investisseur Frumtak Ventures. [Meniga n’est aujourd’hui plus dans le portefeuille de Bootstrap Europe, la fintech ayant remboursé le fonds de venture debt en 2022, Ndlr] Notre financement devait aider Meniga à contracter avec les banques. Ces dernières peuvent mettre du temps à concrétiser des partenariats avec les fintech. C’est moins le cas côté assurance. Les assureurs ont développé une aptitude à intégrer les start-up, généralement sur le segment du courtage. Peu d’insurtech ont réussi à transformer en profondeur grâce à la technologie les processus métier des assureurs (modélisation, souscription, gestion de sinistre…)… Akur8 l’a fait et nous avons essayé d’investir dedans, sans résultat. Comment BPCE utilise Meniga pour analyser les données bancaires de ses clients Vous avez aussi investi dans Habito, une plateforme qui offre des services autour de l’achat immobilier, également en BtoC, malgré votre volonté affichée de financer des entreprises BtoB. Le BtoC peut nous intéresser en fintech, ainsi qu’en santé numérique. Nous aurions par exemple bien aimé investir dans [la néobanque pour mineurs britannique, Ndlr] goHenry à une époque [mais la fintech a depuis été rachetée par l’application d’épargne et d’investissement américaine Acorns en 2023, Ndlr] ou encore dans Lydia. Notre histoire avec Habito est particulière. La société, qui facilite le processus d’investissement immobilier pour les particuliers au Royaume-Uni (inspection du logement, accompagnement juridique et financier via des partenariats avec des banques, etc.), a subi de plein fouet la crise de 2022. Nous avons donc restructuré les prêts de la plateforme et nous avons pris une participation au capital. Eliott Saba [un partner de Bootstrap Europe, Ndlr] est aussi entré au conseil de direction d’Habito. Cela vous arrive-t-il souvent d’investir en equity ? Non. Nous nous sommes positionnés avec Habito car nous pensons qu’il existe une valeur résiduelle technologique dans la société et qu’elle peut atteindre la rentabilité avec son nouveau CEO [Ying Tan, cofondateur et ex-dirigeant du courtier hypothécaire britannique Dynamo, Ndlr]. C’est pourquoi nous siégeons au comité de direction durant une phase transitionnelle seulement. Nous en repartirons probablement lors de la prochaine levée de fonds. Par ailleurs, en ligne avec le modèle de la venture debt, nos financements incluent toujours des BSA (bons de souscription d’actions) pour nous aligner avec les actionnaires. Bootstrap Europe ne fait jamais de prêt sans cette clause d’equity. Cette part représente entre 10 % et 12 % du montant du prêt. Nous exerçons bien entendu ces BSA lorsqu’ils sont “in the money”, en cas de sortie ou de cotation en Bourse. Financez-vous parfois des sociétés aux côtés d’acteurs du revenue based financing (RBF) ? Des start-up ont pu avoir recours à du RBF et viennent ensuite nous voir pour refinancer leur prêt. Mais nous n’acceptons pas. En revanche, certaines ont pu y avoir recours après. Nous ne sommes pas directement en concurrence puisque les acteurs du RBF proposent des financements de court terme et par conséquent plus coûteux. Le Revenue Based Financing pour les sociétés SaaS émerge en France À l’été 2023, vous avez racheté pour 64 millions de dollars le portefeuille allemand d’engagements de prêts d’une valeur de 169 millions de dollars de SVB auprès de la FDIC, l’agence américaine de garantie des dépôts. Pourquoi Bootstrap Europe s’est placé sur ce dossier ? Le rachat d’un portefeuille de venture debt de SVB nous ouvre plus d’accès. Par ailleurs, la banque investissait exactement dans les mêmes types de start-up que nous – à la différence que SVB n’avait soutenu aucune fintech avec ce type de financement. Quels segments allez-vous privilégier dans les 12 prochains mois ? En 2024, la deeptech et l’IA auront notre préférence. Caroline Soutarson financement des entreprisesfonds d'investissement Besoin d’informations complémentaires ? 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