Accueil > Financement > Julien Clausse (AssetFoundry) : “Nous travaillons sur la tokenisation des financements sur le marché obligataire non coté” Julien Clausse (AssetFoundry) : “Nous travaillons sur la tokenisation des financements sur le marché obligataire non coté” BNP Paribas CIB, via son entité de tokenisation d'actifs AssetFoundry, s’intéresse aux financements de moins de 20 millions d’euros, qui ne sont habituellement pas couverts par la banque de financement et d’investissement, et aux enjeux de transparence pour les investisseurs à travers la blockchain. Julien Clausse, responsable d’AssetFoundry, revient pour mind Fintech sur les objectifs de la filiale et sur une expérimentation menée avec EDF dans ce cadre en 2022. Par Caroline Soutarson. Publié le 15 mars 2023 à 16h00 - Mis à jour le 06 mai 2025 à 13h10 Ressources Début 2020, vous avez pris la tête de 021 Exploration Engineering, avant de commencer à diriger AssetFoundry en septembre 2022. Quelles activités se cachent derrière ces entités de BNP Paribas Corporate & Investment Bank (CIB) ? 021 Exploration Engineering est une cellule d’intrapreneuriat qui a été créée il y a trois ans pour explorer de nouveaux sujets, définir des besoins et tester des solutions rapidement, à la manière d’une start-up. Nous nous sommes notamment intéressés à la blockchain et aux actifs numériques, ainsi qu’aux façons de résoudre des problèmes métiers existants grâce à ces technologies, pour les prêts aux grandes entreprises par exemple. AssetFoundry est en quelque sorte une émanation de 021 Exploration Engineering qui fait suite à la découverte du service sur lequel nous souhaitions travailler, à savoir la tokenisation des financements sur le marché obligataire non coté. À quels besoins AssetFoundry envisage-t-il de répondre ? Après avoir parlé à nos clients émetteurs [les grandes entreprises faisant appel aux marchés financiers, Ndlr], nous avons compris qu’ils avaient besoin de trouver des relais de financement pour les petits projets, au lieu de les réaliser sur leur bilan. Il y a des cas dans l’immobilier, les énergies renouvelables, la dette d’entreprise… Quant aux investisseurs (gestionnaires d’actifs, fonds, acheteurs qualifiés, etc. qui investissent 100 000 euros minimum), l’impact est devenu un enjeu pour eux. Ils ont besoin de savoir dans quoi ils investissent. Avec AssetFoundry, nous souhaitons répondre à ces deux problèmes. Nous avons l’ambition de traiter des projets de financement que nous ne pouvions pas considérer jusque-là, car inférieurs à 20 millions d’euros, et donc trop petits pour la banque d’investissement. C’est également l’opportunité, pour certains émetteurs, d’accéder à de l’obligataire. Pour démocratiser ces besoins de financement, nous avons opté pour de la titrisation dynamique, qui consiste à traiter le financement des petits projets en flux plutôt qu’attendre d’atteindre un montant élevé, via une opération structurée avec des jetons qui contiennent toute la donnée nécessaire pour prendre la décision d’investissement : les conditions du contrat de l’obligation et des données sur l’origination des investissements accessibles pour l’investisseur. Le jeton, qui est un objet infalsifiable, répondrait ainsi aux enjeux de granularité et de transparence, et constitue l’obligation de manière nativement digitale en droit français. En juillet 2022, vous avez communiqué sur un premier test. Dans quel contexte s’est-il inscrit ? Pour ce test, nous avons travaillé avec EDF [et plus particulièrement sa filiale dédiée aux solutions photovoltaïques EDF ENR, Ndlr], l’entité de gestion d’actifs de BNP Paribas [et BNP Paribas Securities Services qui a pris en charge les aspects liés à la conservation, Ndlr]. Nous avons émis l’obligation sur la Blockchain Ethereum pour de la dette à 20 ans. Avec ce premier échange, l’idée était de vérifier si nos hypothèses étaient justes et si le projet était possible techniquement et légalement. Autrement dit, est-ce possible d’intégrer les investissements dans les comptes de la banque ? Car finalement, peu importe la façon dont BNP Paribas pourrait proposer ce service, le client final ne veut pas voir la différence. Qu’avez-vous conclu de cette expérimentation ? Premièrement, que le mécanisme fonctionne. La tokenisation obligataire avait déjà été réalisée mais, jusque-là, elle restait sous la forme d’une obligation traditionnelle – dans notre cas, c’est une obligation de financement de projet, plus complexe. Nous avons réussi à inscrire la partie contractualisation de l’obligation et à embarquer la donnée ESG sur le jeton [les coordonnées GPS des panneaux solaires financés y sont par exemple renseignés, Ndlr]. La blockchain transporte les données publiques, permettant ainsi à l’émetteur et aux investisseurs de valoriser ce qu’ils font. Pour y parvenir, nous avons revu 123 points de contrôle pour la due diligence. Pourquoi avoir choisi la Blockchain Ethereum ? Nous étions agnostiques à la blockchain. Nous avons regardé d’autres options telles que Tezos, Algorand ou encore Polygon. Nous avons finalement misé sur Ethereum car, d’une part, elle pouvait supporter des titres financiers au standard ERC-1400, et car elle est la blockchain la plus importante et la plus active aujourd’hui. Quelles mesures avez-vous mises en place pour protéger les investisseurs et émetteurs dans le cas de la disparition d’Ethereum d’ici la fin du terme de l’obligation ? Dans le cadre du plan de continuité, les technologies évoluant rapidement, en plus de la résilience fournie par un réseau comme Ethereum avec plus de 300 000 copies du registre à travers le monde, nous disposons d’une base de données de sauvegarde. Si les nœuds disparaissaient, nous serions ainsi capables de les répliquer sur une autre chaîne. En plus de la réplicabilité, nous avons également pensé à la réversibilité qui permettrait, si besoin, de re-basculer sur le format traditionnel. En revanche, nous perdrions la granularité et la transparence des données apportées par les jetons. Cette possibilité de retour au schéma traditionnel rassure les investisseurs. En effet, bien que beaucoup souhaitent tester cette nouvelle solution, il y a une crainte chez les investisseurs liée au caractère naissant de la technologie. La technologie blockchain s’est initialement développée pour mettre un terme aux intermédiaires financiers. Comment expliquez-vous le rôle de la banque si la blockchain devient le garant du financement ? La blockchain, en tant que moteur de confiance, ne désintermédie pas puisqu’elle ne garantit pas que la donnée est valide. Les intermédiaires, comme les banques, doivent structurer et valider les données de l’instrument financier pour être inscrite dans ce registre distribué immuable. Quel avenir voyez-vous pour la solution que vous avez mise en place ? Nous sommes encore au début d’une possible révolution dans la gestion et la distribution de la valeur financière grâce à cette technologie. De nombreuses évolutions sont attendues, comme la gestion du cash sur la blockchain avec les monnaies numériques de banques centrales (MNBC), ou encore l’harmonisation des réglementations dans le monde. L’Essentiel : Une monnaie numérique de banque centrale, pour quoi faire ? Quelles sont les grandes étapes pour aller vers l’adoption concrète de cette solution ? La confidentialité des positions des acteurs est un enjeu sur lequel nous travaillons. L’émission primaire sur du coté est également un chantier qui doit encore être abordé car nous ne pouvons pas tokeniser une obligation cotée. Ce sera par contre l’objet du régime pilote qui sera mis en œuvre le 23 mars. Il accélérera probablement le développement des MNBC de gros, notamment dans un usage de règlement-livraison sur la blockchain, faisant notamment un règlement quasi instantané. Caroline Soutarson blockchainfinancement des entreprisesinnovationnon cotétokenisation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Notes de synthèse gratuit Comprendre les crypto-actifs Société Générale déploie un pont avec la DeFi Comment Cryptio aide les entreprises du Web3 dans leur comptabilité Entretien S. Cerveny et S. 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