Accueil > Financement > Matt Cooper (Crowdcube) : “La France est notre second marché après le Royaume-Uni” Matt Cooper (Crowdcube) : “La France est notre second marché après le Royaume-Uni” Lancée en France il y a près de deux ans, après l’obtention de son agrément européen de PSFP, la plateforme britannique de crowdequity Crowdcube y compte 75 projets de financement d’entreprises et près de 100 000 investisseurs. mind Fintech fait le point sur le développement de Crowdcube avec son co-CEO Matt Cooper. Par Caroline Soutarson. Publié le 30 octobre 2024 à 9h00 - Mis à jour le 27 janvier 2025 à 17h50 Ressources Avec un pied au Royaume-Uni et en Espagne depuis plus d’une décennie, le spécialiste britannique du crowdequity Crowdcube avait annoncé sa volonté d’attaquer plus largement le reste de l’Europe fin 2021, grâce à la mise en place de l’agrément européen de prestataire de services de financement participatif (PSFP). Comment se porte l’expansion ? Jusque-là, l’expansion en Europe se passe très bien. Nous opérons dans toute la zone et sommes particulièrement présents en France, qui est un grand marché pour nous. Nous commençons aussi à trouver des entreprises intéressantes en Belgique, comme le fournisseur de vélos électriques connectés Cowboy, aux Pays-Bas, ainsi que dans les pays nordiques. Nous sommes aussi en Espagne, où Crowdcube est supervisé par le régulateur financier et où nous avons une petite équipe. Au total, plus de 220 sociétés européennes [hors Royaume-Uni, Ndlr] ont levé plus de 120 millions d’euros sur la plateforme, dont près de 50 entreprises et 16 millions d’euros sur les trois premiers trimestres de 2024. Comment les acteurs français du crowdfunding se préparent à la nouvelle donne réglementaire Pour préparer votre lancement dans l’Hexagone, vous aviez recruté une general manager France en la personne de Pauline Pham (ex-Astorya.vc, Five by Five, Deloitte) à l’été 2021, partie en août 2022. Comment développez-vous ce marché plus particulièrement ? Deux ans après notre arrivée, la France est notre marché numéro un en dehors du Royaume-Uni. C’est le marché étranger où nous avons concentré le plus de collaborateurs, une douzaine, qui peuvent aussi opérer sur d’autres pays. Nous venons d’y tenir un événement pour célébrer les 75 premières campagnes de levées de fonds réalisées par des sociétés françaises sur la plateforme [comme celles des fintech Qonto (4,7 millions d’euros), Finary (2,2 millions d’euros), Green-Got (1,9 million d’euros), Goodvest (549 000 euros) ou encore Utocat (200 000 euros). Avant de fermer ses portes, la solution d’épargne Yeeld avait aussi tenté sa chance sur la plateforme, sans succès, Ndlr]. Lorsque nous ouvrons un nouveau pays, nous sommes toujours à la recherche d’entreprises, et non d’investisseurs. On acquiert ces derniers dans un second temps, lorsque les sociétés lèvent des fonds [et font par conséquent appel à leur communauté, Ndlr]. En France, nous en avons ainsi accueillis près de 100 000 en 18 mois. Qu’est-ce qui explique votre succès en France ? Notre croissance rapide en France repose essentiellement sur deux facteurs. Tout d’abord, c’est un marché très innovant, avec des sociétés qui sont encore en début d’activité et qui, par conséquent, ont besoin d’investissements en early-stage. Par ailleurs, le marché français bénéficie d’un cadre réglementaire favorable. Une initiative fiscale portée par le député Paul Midy permet désormais aux contribuables français de bénéficier d’avantages fiscaux attractifs en investissant dans des jeunes entreprises privées, notamment sur Crowdcube [initiative remise en cause dans le dernier projet de loi de finances, Ndlr]. Cette réforme est calquée sur un régime fiscal [SEI/SEIS, Ndlr] que nous avons au Royaume-Uni depuis 30 ans maintenant [voir le résumé du dispositif français effectué par l’ex-association des professionnels du crowdfunding Financement Participatif France, depuis intégrée à France Fintech, Ndlr]. Crowdcube ne s’intéresse pas à l’Allemagne, plus grand marché européen en termes de population ? Nous avons accompagné plusieurs sociétés allemandes dans leur projet de levée de fonds, et nous allons continuer sur cette voie, mais ce n’est clairement pas un marché aussi intéressant pour nous que la France à l’heure actuelle. Le régulateur allemand a été plutôt lent dans l’adoption du règlement européen sur le crowdfunding. En outre, la législation allemande n’est pas aussi favorable à notre activité par rapport à ce que l’on peut observer en France ou en Espagne. Le lien de Crowdcube avec la France s’est aussi consolidé fin 2023, avec l’acquisition de la plateforme de liquidité secondaire pour les fondateurs et les employés Semper, pour un montant de 3,1 millions d’euros réalisée en titres, selon des documents consultés par mind Fintech. L’intégration de l’entreprise est-elle finalisée ? L’acquisition s’est déroulée sans heurt et la solution est désormais pleinement intégrée. Semper avait une bonne technologie et beaucoup d’expertise, et son rachat répondait à deux enjeux internes. D’une part, le fait que nous avons plus de 1 000 entreprises en portefeuille à présent, avec parfois des positions conséquentes. En effet, les entreprises dans lesquelles nous avons investi en 2014-2015 atteignent désormais un stade de maturité qui leur permet d’offrir des opportunités de transactions en secondaire pour les investisseurs de Crowdcube. Notre position chez Revolut s’élève par exemple à un demi-milliard d’euros [le challenger s’est valorisé à 45 milliards de dollars à l’occasion d’une opération secondaire à l’été 2024, Ndlr], chez Monzo à un quart de milliard d’euros… Notre autre problématique concerne les entreprises qui restent désormais privées plus longtemps, et à des stades avancés. Dans ce cadre, nous les aidons à mesure qu’elles grandissent, à structurer des événements de liquidités pour leurs salariés. Le marché secondaire connaît-il un engouement dans les usages ? Oui, nous en sommes satisfaits. D’ailleurs, notre plus grande opération cet été était en secondaire, réalisée grâce à la technologie de Semper. D’autres acquisitions sont-elles prévues à l’avenir ? Nous sommes toujours ouverts aux opportunités mais n’avons pas de projet de ce type à court terme. L’européanisation de la législation sur les prestataires de services de financement participatif n’a pas mené, à ce jour, à une grande vague de consolidations. La voyez-vous arriver ? Nous avons été approchés par beaucoup de petites plateformes de crowdequity souhaitant nouer un partenariat avec nous ou être rachetées. Généralement, elles ont des activités difficiles à faire grandir et n’arrivent pas à atteindre la taille critique, que ce soit du côté des investisseurs ou des entreprises à financer. Nous nous attendons donc tout de même à une consolidation dans le futur. Mais de notre côté, nous sommes la plus grande plateforme de crowdequity en Europe, plus grande que l’ensemble des autres acteurs du secteur combinés, que ce soit en termes de taille ou de volume d’investissement. Et nous avons un agrément de PSFP passeporté dans toute l’Union européenne. Dans ce contexte, la question que nous nous posons est : qu’achèterions-nous ? Quand bien même Crowdcube est la plus grande plateforme de crowdequity en Europe, créée en 2011, la plateforme n’a pas encore atteint la rentabilité, d’après les comptes annuels que nous avons pu consulter, jusqu’à 2022. Quels sont vos résultats au titre de l’année 2023 ? Et à quel horizon pensez-vous devenir rentable ? Nous ne communiquons pas publiquement sur les résultats annuels de 2023. Crowdcube a été rentable en 2021 [sur plusieurs mois, indiquait son cofondateur et ex-CEO de l’époque Darren Westlake à The Standard. Toutefois, aucun compte annuel que nous avons pu consulter jusqu’à 2022 ne fait état d’un résultat net positif, Ndlr]. Depuis, le contexte d’investissement a été difficile. Nous avons su résister à la tempête en 2023 et nous sommes donc concentrés sur la gestion de nos coûts en 2024, en parallèle du développement de l’activité européenne. L’activité en dehors de votre marché domestique a atteint les 10 % de votre chiffre d’affaires en 2022. À terme, quelle répartition géographique de vos revenus visez-vous ? Actuellement, nous avons dépassé les 10 %. Nous aimerions arriver à la moitié de nos revenus issus des nos marchés hors Royaume-Uni. Crowdcube a-t-elle l’objectif d’être rentable en 2024 ? Non, peut-être plus tard. Mais la rentabilité est évidemment un but sur lequel nous nous concentrons, avec l’objectif d’être à nouveau rentable à l’avenir. Comment s’est matérialisé le contexte économique des dernières années (inflation, taux élevés, baisse de l’octroi de crédit, etc.) sur l’activité de la plateforme ? Le montant moyen des investissements a baissé, de manière marginale, continuellement depuis le pic durant la période Covid. À l’époque, le ticket moyen était de 1 000 euros. Il s’élève désormais à environ 850 euros. Crowdcube reste attractive pour les investisseurs britanniques, notamment grâce à cette politique d’allègement fiscal liée aux investissements dans les jeunes entreprises. Un allègement qu’ils ne retrouvent pas dans les produits d’épargne réglementée, plus sûrs. Le ralentissement des introductions en Bourse (IPO) a-t-il des conséquences sur votre activité ? Son corollaire est que nous voyons plus d’acquisitions et un marché privé qui se développe, ce qui est une bonne nouvelle pour Crowdcube. La liquidité est importante pour les entreprises et c’est ce que nous leur fournissons, en plus de services pour récompenser les actionnaires et les salariés présents aux débuts de l’entreprise. Nous pensons que les marchés privés ont un rôle grandissant à jouer au Royaume-Uni et dans l’Union européenne. Source : Crowdcube Nous avons tout de même construit un outil pour l’investissement dans les IPO [lancé en 2021, Ndlr]. Mais il n’a que très peu servi étant donné que les entreprises n’en réalisent quasiment plus. Crowdcube avait annoncé que, grâce à la législation européenne, la plateforme pourrait proposer des opérations de plus grande envergure (via un financement à hauteur de 8 millions de livres par des investisseurs particuliers britanniques auquel s’ajouteraient 5 millions d’euros d’investisseurs européens). De telles opérations ont-elles été effectuées ? Et est-ce un axe différenciant par rapport à vos concurrents ? Aucune entreprise n’a levé 13 millions d’euros ou de livres au cours d’une campagne de financement. En revanche, huit ont dépassé les 8 millions de livres. Nous pouvons en effet offrir ce genre d’opportunité aux plus importants de nos clients car nous disposons d’un groupe d’investisseurs conséquent et exerçons notre activité sous deux cadres réglementaires. À ma connaissance, nous sommes la seule plateforme avec ces deux autorisations, britannique et de l’Union européenne. Liste des plateformes de crowdfunding agréées PSFP Caroline Soutarson crowdequitycrowdfundingrégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Plus de 100 plateformes de crowdfunding ont décroché l’agrément européen La plateforme de crowdequity Crowdcube rachète le Français Semper Founders Future se tourne vers les investisseurs particuliers grâce au rachat de Sowefund La plateforme américaine Wefunder se lance en Europe Comment les acteurs français du crowdfunding se préparent à la nouvelle donne réglementaire Crowdcube veut capitaliser sur son agrément européen L’Américain Republic rachète Seedrs