Accueil > Investissement > Bas Lemmens et Alexandre Eich Gozzi (Chainalysis) : “65 % de nos revenus viennent du secteur public” Bas Lemmens et Alexandre Eich Gozzi (Chainalysis) : “65 % de nos revenus viennent du secteur public” Chainalysis est une plateforme américaine d’analyse des transactions crypto qui accompagne plus de 1 200 entreprises dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. La société a entamé une phase d’expansion agressive à l’international, notamment en Europe où l’arrivée du règlement européen MiCA est vue comme une aubaine pour son activité. Bas Lemmens, SVP global revenue, et Alexandre Eich Gozzi, chargé du secteur privé en France, font le point pour mind Fintech sur le développement de Chainalysis. Par Caroline Soutarson. Publié le 02 novembre 2023 à 6h01 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources Qu’est-ce que Chainalysis ? Alexandre Eich Gozzi : Chainalysis est une solution d’identification des adresses crypto pour ses clients entreprises et publics [pour effectuer des transactions en cryptoactifs, les utilisateurs ont recours à des adresses publiques, l’équivalent crypto du RIB, mais qui ne sont pas rattachées à des identités vérifiées, Ndlr]. Nous essayons de déterminer la source et la destination des fonds crypto des utilisateurs finaux de nos plateformes clientes. L’identification des clients derrière les adresses leur permet ainsi d’avoir une vision complète des interactions crypto. notre Essentiel : Comprendre les cryptoactifs À qui vous adressez-vous ? A. E. G. : Nous ciblons essentiellement les banques et les entreprises crypto de taille conséquente. Le secteur privé est sujet aux réglementations et a donc des obligations en termes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, comme les PSAN (prestataires de services sur actifs numériques) à l’échelle française ou bientôt avec le règlement européen MiCA (Markets in crypto-assets). Au total, nous comptons 1 200 clients privés. La liste des PSAN agréés et enregistrés auprès de l’AMF Bas Lemmens : Nous constatons également un engagement important des institutions financières (banques, hedge funds, investisseurs institutionnels, marketplaces…) pour différents cas d’usage (conservation d’actifs, investissement, services de paiement, etc.). Ils se tournent vers nous pour entrer de manière sûre et responsable sur le marché crypto. [Parmi les acteurs financiers clients de Chainalysis : BNY Mellon, Barclays, BBVA ou encore Deutsche Bank, Ndlr] A. E. G. : Nous visons aussi le secteur public. Plus de 200 agences gouvernementales dans le monde ont recours à nos services dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et pour enquêter dans le cas d’arnaques. Plusieurs milliards de dollars par an sont perdus dans des arnaques et les forces de l’ordre s’appuient sur nos services pour récupérer l’argent. Concrètement, comment venez-vous en aide aux forces de l’ordre ? A. E. G. : Nous comptons dans nos équipes 200 data analysts inscrits sur des plateformes du darknet qui alimentent nos bases de données en attribuant des données fiables à des adresses crypto. Les forces de l’ordre s’en servent pour résoudre des cas d’arnaque devant des tribunaux. Elles nourrissent aussi nos bases de données lors de leurs enquêtes, ce qui nous et leur permet ensuite d’avoir une donnée de meilleure qualité. B. L. : En France, la saisie des actifs numériques fait désormais partie intégrante de l’activité de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), un établissement public à caractère administratif placé sous la double tutelle des ministères de la Justice et du Budget. La Caisse des Dépôts, qui est enregistrée en tant que PSAN, agit en tant que dépositaire des actifs numériques saisis par les tribunaux au nom de l’Agrasc. La première vente aux enchères française de bitcoins provenant d’une affaire judiciaire a eu lieu à Paris le 17 mars 2021. Au total, 611 bitcoins, d’une valeur de 24,6 millions d’euros, provenant d’une affaire de cybercriminalité en cours d’instruction, ont trouvé preneur. Les bénéfices de ces ventes sont reversés au budget de l’État et contribuent souvent au développement de diverses agences dans des contextes spécifiques liés aux actifs numériques. Selon Chainalysis, quel montant représente la fraude dans les opérations crypto ? A. E. G. : Statistiquement, nous estimons que 0,24 % des transactions crypto étaient illicites en 2022, soit environ 20 millions de dollars [voir l’étude de Chainalysis, Ndlr]. En comparaison, la fraude liée à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en fiat s’élève à 2,7 % du PIB mondial [qui s’élève à plus de 100 milliards de dollars pour 2022, d’après la Banque Mondiale, Ndlr]. En comparaison, comment les acteurs du secteur privé utilisent vos services ? A. E. G. : Les entreprises ont recours aux mêmes outils que les forces de l’ordre mais pour des usages différents. Elles s’intéressent à l’origine et à la destination des fonds, surveillent les transactions, et sont aussi vigilantes par rapport à toutes les anciennes transactions liées aux adresses crypto de leurs clients. Un travail de due diligence et de compliance, notamment requis pour l’enregistrement PSAN en France, puis à moyen terme pour [le futur réglement européen, Ndlr] MiCA. Chainalysis est présente en Europe et en France. En quoi ces marchés sont-ils intéressants pour vous ? B. L. : Depuis la création de l’entreprise, nous nous sommes toujours vus comme une entreprise mondiale. Nous opérons dans 70 pays et avons des bureaux à New York, Washington, Copenhague, Londres, Singapour, Tokyo et Canberra. En Europe spécifiquement, du fait de l’adoption récente du règlement MiCA, nous constatons l’intérêt des entreprises pour le secteur sur l’ensemble du continent. Le nombre de wallets actifs continue d’ailleurs d’augmenter, tout comme l’innovation technologique. Comment Chainalysis s’attaque-t-elle à l’Hexagone ? A. E. G. : Nous avons des équipes en France depuis un an et demi et sommes désormais sept collaborateurs à y travailler, en plus du country manager François Volpoet [arrivé en décembre 2022, Ndlr]. B. L. : En France en particulier, nous constatons le rôle important et dynamique des organes de régulation tels que l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l’AMF (Autorité des marchés financiers) qui rassurent les acteurs actuels et futurs du secteur des cryptoactifs. L’élan impulsé par le gouvernement fait clairement de la France l’un des futurs hubs des cryptoactifs. En mettant en place une équipe locale, nous jouons un rôle clé au niveau de ces acteurs et aidons à structurer le marché. Dans le cadre du régime PSAN français, tous les candidats à l’enregistrement et à l’agrément doivent mettre en place un dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT). Avec combien d’entre eux travaillez-vous ? B. L. : Nous travaillons avec la majorité de ces entreprises, tout du moins celles qui ont une activité significative. Comment vous distinguez-vous de vos concurrents tels qu’Elliptic et Scorechain par exemple ? B. L. : Notre élément différenciant réside dans notre ensemble de données et notre réseau de clients. Nous réunissons toutes les parties prenantes de l’écosystème crypto (agences gouvernementales, entreprises crypto et institutions financières) qui travaillent à partir d’un seul ensemble de données communes [enrichi par tous, Ndlr]. Notre relation avec les forces de l’ordre joue dans le choix des entreprises du secteur privé de choisir la solution de Chainalysis. Elles apprécient utiliser les mêmes données que les régulateurs. Sur quel modèle économique repose Chainalysis ? A. E. G. : Nous offrons différents modèles de tarification : pour un usage donné ou basé sur les volumes. Bientôt, nous proposerons à nos clients de régler nos services en crypto en passant par un fournisseur de service. Comment a évolué le chiffre d’affaires de Chainalysis entre 2021 et 2022 ? B. L. : Chainalysis n’est pas une société cotée en bourse, c’est pourquoi nous ne partageons pas d’informations détaillées sur l’évolution de nos revenus. Comment se répartissent vos revenus entre vos clients privés et publics ? B. L : 65 % de nos revenus viennent du secteur public. Caroline Soutarson cryptoactiflutte anti-blanchimentrégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Chase interdit les transactions en cryptoactifs à ses clients BNY Mellon se lance dans la conservation de cryptoactifs Binance subit une lourde attaque contre un bridge Près de 27 milliards de dollars consacrés aux NFT en 2021 Chainalysis se valorise à plus d'un milliard de dollars