Accueil > Services bancaires > Paiements > Philippe Laulanie (CB) “Les banques se sont engagées à intégrer CB à Apple Pay et à tous les wallets” Philippe Laulanie (CB) “Les banques se sont engagées à intégrer CB à Apple Pay et à tous les wallets” À la suite de l’abandon du projet de schéma carte européen par EPI, les banques françaises ont décidé d’investir dans un plan de modernisation du groupement CB, à horizon 2026. Objectif : contrer Visa et Mastercard, qui prennent des parts de marché au réseau français. Philippe Laulanie, directeur général du GIE CB, détaille pour mind Fintech les projets de transformation et d’innovation du schéma de paiement par carte. Quel est le second projet du plan CB 2026 ? Par Aude Fredouelle. Publié le 08 novembre 2023 à 17h26 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h48 Ressources L’abandon du schéma carte par EPI a relancé la nécessité de moderniser CB. Qu’est ce qui a été acté par les actionnaires ? CB avait en effet pour vocation d’être le moteur principal derrière le futur schéma carte d’EPI. Dès l’annonce de l’arrêt du volet cartes, nos actionnaires nous ont demandé de lancer une étude stratégique sur l’avenir de CB, pour déterminer quels étaient les axes de relance et de rattrapage, dans le cadre d’une stratégie “standalone”. En préambule, l’étude a montré que la carte restera centrale en France au moins jusqu’à 2030, voire au-delà, dans le paiement retail, qu’il s’agisse d’une carte physique ou d’une carte virtuelle. Ensuite, nous avons constaté que CB avait pris du retard dans ses projets de transformation numérique, puisque nous devions nous arrimer à une plateforme européenne. Il a donc été décidé par nos actionnaires, à l’unanimité, qu’il fallait renforcer CB et d’accélérer sur le volet digital. Quels projets en ont découlé ? Deux types de projets ont été entérinés il y a un an, avec un horizon à 2026. D’abord, ceux liés à l’interbancarité. À ce jour, seules deux banques (Crédit Agricole et Société Générale) ont intégré CB dans Apple Pay, soit un tiers du marché des mobiles, alors que la part de marché naturelle de CB se situe entre 80 et 90 %. Les paiements mobiles sont en pleine ascension et rester en dehors des “X Pay” nous fait perdre de fait des parts de marché. Cela nécessite des développements informatiques dans chaque banque et certaines ne l’ont pas fait pour des raisons concurrentielles, car elles avaient lancé Apple Pay en “Visa ou Mastercard only”, d’autres parce qu’elles attendaient l’arrivée d’EPI… Désormais, ces projets vont être relancés et les banques se sont engagées à l’unanimité à intégrer CB à Apple Pay et à tous les wallets proposés à leurs clients. Une feuille de route à 18 mois a été arrêtée. Dans le cas d’une carte cobadgée, qui décide si le paiement Apple Pay passe par CB ou Visa/Mastercard ? C’est le commerçant qui fait ce choix, sachant que le consommateur garde toujours la possibilité de revenir sur cette présélection. C’est important, car cela permet de choisir le mode de paiement le moins cher et le plus sécurisé. Il consiste à construire une plateforme de tokenisation souveraine CB, en lien avec la STET [opérateur interbancaire européen, Ndlr], qui émettra des tokens qui ne seront donc pas des tokens Visa ou Mastercard. Cette plateforme fonctionnera en mode pilote dès 2024. Remplacer les numéros de cartes par des tokens permet de fluidifier les parcours et, par exemple, de conserver automatiquement le token lorsque la carte arrive à expiration et doit être renouvelée. Cela améliore les parcours en cas de fin de validité des cartes et cela permet de délivrer une valeur très significative pour les commerçants. Nous pourrons leur proposer une plateforme souveraine, française et surtout conforme en ce qui concerne le traitement des données. C’est d’autant plus important lorsque l’on observe les procès outre-Atlantique sur les échanges de données en tokenisation [Visa est accusé par le DOJ de facturer les commerçants davantage s’ils n’utilisent pas sa plateforme de tokenisation propriétaire, et Mastercard est soupçonné par la FTC de profiter de la tokenisation pour bloquer l’utilisation de réseaux de cartes concurrents, Ndlr]. Ce plan digital intègre aussi le développement de nouvelles offres, dont en particulier le Click to Pay, même s’il faudra que cela puisse être compatible avec un parcours co-badgé. Au-delà de ces deux grands programmes, nous avons acté d’autres projets. Pour l’émission de cartes, nous souhaitons ainsi assurer notre indépendance comme sur le volet acquisition. EPI avait prévu de se lancer dans l’émission avec le standard CPACE [issu de la concertation des systèmes de paiement nationaux, dans le cadre du European Card Payment Cooperation, Ndlr]. Nous avons fait valider à la communauté interbancaire le lancement d’un programme d’émission de cartes indépendant des autres schemes en choisissant nous aussi ce standard. Le mouvement est déjà en cours : nous comptons déjà plus de 8 millions de cartes émises CPACE. Le Crédit Mutuel est en production, le Crédit Agricole se lance, et les autres suivront.’ici deux ans et demi, nous aurons déjà une majorité de cartes émises CPACE, et le parc aura complètement basculé dans cinq ans. Jusque-là, quel standard était utilisé ? Jusqu’ici, il s’agissait des standards de Visa et Mastercard, qui n’étaient pas libres de droit. Cette indépendance à l’émission est importante. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à avoir fait ce choix : les Belges et les Allemands empruntent cette voie, et quand nous aurons fait évoluer notre parc, nous pourrons peut-être envisager des interconnexions sur la base de standards acquéreurs. Par contre, ce ne sera pas le standard de toute l’Europe, contrairement à ce que prévoyait EPI. Concernant nos autres projets : le PIN online, qui permet de ne pas saisir son code au-delà de 50 euros, va être déployé en France – qui est l’un des rares pays en Europe qui ne l’a pas encore. Enfin, nous travaillons sur l’évolution de la plateforme de gestion des fraudes de CB. Nous représentons 80 % des paiements carte en France et on s’aperçoit que le taux de fraude CB est inférieur au taux moyen de fraude dans le pays. Nous allons encore l’améliorer en remédiant des flux qui n’étaient plus captés par l’interbancarité CB, ce qui affinera encore davantage nos algorithmes. Nous allons aussi faire évoluer la plateforme vers de l’IA un peu plus évoluée pour améliorer encore le traitement. CB devait se fondre dans la marque EPI mais ce ne sera finalement pas le cas. Allez-vous travailler sur votre notoriété ? Oui. Jusqu’ici, CB était uniquement commercialisé par les banques. Cela va changer : les actionnaires autorisent CB à renforcer le développement et l’animation commerciale pour expliquer l’offre et la valoriser, tant auprès des banques que des commerçants. J’ai créé une direction de l’animation commerciale et nous allons déjà recruter 3 ou 4 experts pour former une petite équipe qui agira en cohérence avec le réseau des banques. Plus globalement, la communication et le faire-savoir deviennent un objectif pour nous. Nous allons renforcer notre présence sur la partie BtoB et réanimer l’écosystème français des paiements, comme nous avons pu le faire lors du forum Cartes Bancaires ou du Sommet CB. Nous allons aussi travailler sur le BtoC et repositionner la marque, en mettant en avant le “bleu blanc rouge” puisque nous n’avons finalement pas l’étiquette européenne EPI. La marque ne change pas, mais il faut expliquer que payer CB, c’est payer français, c’est moins fraudé et et c’est jusqu’à dix fois moins cher que si c’est traité par un opérateur extérieur. Ces dernières années, Visa et Mastercard ont multiplié les initiatives pour séduire les challengers et néobanques. Quelle est votre stratégie en la matière ? C’est un sujet essentiel. Pour les internationaux, comme Revolut par exemple, c’est difficile d’aller les chercher. Mais pour des acteurs comme Nickel ou BoursoBank, qui ont plusieurs millions de cartes en France, il est un peu dommage de ne plus avoir CB. Dans le plan de remédiation voté par les banques, chacune reste totalement libre de ses choix. Mais il est évident que ce segment des néobanques que nous n’étions pas allés chercher jusque-là, car notre politique a été très tournée vers le sans contact et la gestion de la crise du COVID, devient un sujet prioritaire. Et cela va être un vrai choix aussi pour ces établissements. Certes, il y a des avantages à être avec Visa ou Mastercard à l’international, mais aujourd’hui, avec des transactions dix fois moins chères chez CB et mieux sécurisées, passer chez CB peut améliorer le P&L pour ces acteurs qui ont des millions de clients et ne sont plus des start-up. Nous allons axer notre développement commercial sur ce segment, ainsi que sur celui des acteurs du titre restaurant dématérialisé. C’est un collège CB que l’on a créé il y a moins de dix ans et qui est très dynamique. Ces émetteurs nous apportent près de 5 millions de cartes et grâce à eux, nous avons accru le nombre global de cartes CB, malgré la perte de BoursoBank et le fait que nous n’ayons pas Nickel. Nous savons que ces acteurs vont être attaqués par les ICS [schémas de cartes internationaux, Ndlr], mais nous avons notre offre de valeur à défendre. A nous, donc, d’aller chercher les néobanques et de dynamiser notre position sur le titre restaurant. De même, BPCE a choisi un partenariat exclusif avec Visa… Absolument, pour proposer des cartes exclusives dans le cadre des Jeux Olympiques. Mais je pense que ce n’est pas irrémédiable, et le groupe BPCE est impliqué comme les autres banques dans le plan de remédiation 2026. Quel budget est investi dans le plan CB 2026? Plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissement seront réalisés dans les années qui viennent pour la plateforme CB, et cela ne comprend pas les investissements réalisés par les banques en parallèle, par exemple pour l’intégration des “X Pay”. CB a lancé le projet d’authentification interbancaire b.connect. Où en-est-il ? L’objectif de b.connect est de créer une plateforme permettant de réaliser l’authentification forte des utilisateurs, en partant du principe que les banques ont déjà fait le KYC de leurs clients. Il ne s’agirait pas d’une plateforme régalienne comme France Connect et b.connect aurait une place en complémentarité – comme veut le faire La Banque Postale avec la solution de Docaposte par exemple. Vous auriez un bouton b.connect pour vous authentifier sur différents sites, qui s’appuierait sur le KYC des banques. Cela pourrait aussi permettre de réaliser le contrôle de majorité sur certains sites, par exemple. Pour que b.connect fonctionne, il faut que l’interbancarité soit actée et que toutes les banques s’impliquent, sinon cela n’aura pas d’intérêt. La décision sera prise dans les mois qui viennent, d’autant qu’il y a une notion de time-to-market : si le projet se poursuit, il faudra se lancer dès l’année prochaine. Des initiatives similaires ont déjà montré que cela peut fonctionner, comme en Suède. C’est en tout cas un sujet primordial. Si on ne préempte pas le sujet, il faudra attendre que l’Europe s’en charge…ou bien les GAFAM gagneront. Aude Fredouelle carte bancaireEPIpaiement en lignepaiement en magasinwallet Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Martina Weimert : “wero (EPI) vendra sa solution à travers des acquéreurs et des accepteurs en e-commerce”