Pierre Chassigneux (b.connect) : “L’abandon de panier chez les e-commerçants atteint 20 % à cause de problèmes d’authentification”

Vous avez annoncé hier le lancement de b.connect, autour de 5 banques françaises. Comment va se matérialiser cette solution, concrètement, sur les sites e-commerce ?

La société b.connect a été créée fin juillet 2024. Nous nous sommes inspirés de France Connect, en voulant apporter au secteur privé, et plus précisément à l’e-commerce, une authentification sécurisée (login / mot de passe). L’objectif est de proposer aux e-commerçants une solution d’authentification permettant à leurs clients de se logger facilement, en un clic et sans mot de passe. Concrètement, b.connect prendra la forme d’un bouton de connexion sur les sites e-commerce. Cinq banques sont à son initiative : BNP Paribas, Groupe BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel (via Euro-Information) et Société Générale, chacune étant actionnaire à hauteur de 20 %. A elles cinq, ces banques représentent 42 millions de Français.

Qui sont vos partenaires ?

Cette initiative répond à un enjeu de souveraineté dans un contexte particulièrement sensible aujourd’hui. Sur le plan technique, nous avons choisi un partenaire technique de premier ordre : Thales. Les données de b.connect seront hébergées dans le cloud S3NS, détenu à 95 % par Thales. Par ailleurs, au-delà des cinq banques fondatrices, nous voulons proposer à toutes les banques de nous rejoindre, via un modèle d’adhésion sur lequel nous travaillons actuellement. L’objectif est de permettre l’accès à l’ensemble de la population française, pour fluidifier l’expérience e-commerce.

Quelle part des clients ont oublié leur login ou mot de passe quand ils veulent se loguer sur un site e-commerce ?

Je ne connais pas ce chiffre. Mais la gestion des login et des mots de passe est une étape délicate à gérer pour les internautes, et c’est aussi une contrainte business pour les e-commerçants. Sur certains sites, on est contraint de les changer régulièrement. Sur d’autres, on est bloqué au bout de trois tentatives infructueuses. Les solutions d’authentification proposées aux clients sont imparfaites et insuffisantes pour permettre le développement d’un e-commerce de confiance. Elles s’appuient majoritairement sur de simples identifiants/mots de passe vulnérables aux attaques de type phishing et particulièrement peu ergonomiques.

Que va apporter votre solution d’authentification au business modèle de l’e-commerce ?

Aujourd’hui, selon la DSP2, l’authentification est de la responsabilité des banques : ce sont elles qui décident, ou pas, d’exempter tel client d’une authentification, en respectant les standards de fraude établis par le régulateur européen. Or, même quand un panier e-commerce est finalisé, les e-commerçants manquent environ 20 % des ventes à cause d’un problème d’authentification. Notre solution vise à augmenter l’acquisition client (création d’un compte client en un clic) et va aussi améliorer le taux de transformation. Si demain, pour faire un achat en ligne, j’accède à mon compte client avec le bouton b.connect, et que derrière, je paye par carte, la banque sera informée indirectement que j’accède au site e-commerce via b.connect. De ce fait, la probabilité que je sois authentifié par la banque au moment du paiement par carte sera beaucoup plus faible qu’aujourd’hui. Le but est de fluidifier l’étape du paiement, avec une baisse des authentifications par rapport au niveau actuel.

Quel sera son impact sur la fraude, qui en e-commerce évolue de plus en plus vers les vols d’identifiants et de mots de passe ?

C’est vrai, il y a quelques années, les attaques étaient souvent des actes de phishing visant les données bancaires (numéros de carte, date de validité, CVC…). Aujourd’hui les choses ont changé. Les fraudeurs s’intéressent  aux manœuvres d’“account takeover”, c’est-à-dire aux vols de login et de mot de passe. Car souvent, ces données suffisent pour accéder au détail des cartes de paiement. Et cela permet aux fraudeurs de rejouer la fraude, car les internautes utilisent généralement les mêmes données de compte sur plusieurs sites web.

Quel sera le coût de b.connect ?

Pour les retailers, ce sera gratuit la première année. Ils auront aussi accès à un tableau de bord mettant en valeur la valeur ajoutée et sécuritaire de b.connect. Pour la deuxième année, nous réfléchissons à une tarification intelligente basée sur le nombre d’utilisateurs actifs. Mais l’idée est que le coût soit compensé par la valeur ajoutée apportée. Par ailleurs, nous avons décidé de faire payer les retailers car on ne veut pas que la donnée client devienne un produit marchand. La non commercialisation de cette data est un élément important de notre modèle. Et les données transactionnelles resteront la propriété du retailer.

Vous prévoyez un démarrage fin mars ou début avril 2025. Quel est votre plan d’action pour “onboarder” un maximum de retailers ?

Les cinq banques fondatrices vont devoir promouvoir cette solution. Le client pourra créer son compte b.connect sur son application bancaire, en quinze secondes. Notre priorité est, d’ici novembre, de recruter des e-commerçants de taille importante pour être suffisamment représentatifs. Mais nous serons inclusifs avec les plus petits acteurs : tout e-commerçant est appelé à rejoindre notre dispositif.

Ce contenu a été réalisé par la rédaction de mind Retail, service d’information professionnelle dédié aux mutations du secteur du commerce et de la grande distribution.