Accueil > Financement et politiques publiques > Agrément ministériel : quel impact pour les sociétés de téléconsultation ? Agrément ministériel : quel impact pour les sociétés de téléconsultation ? Le 24 avril, Medadom annonçait être le premier acteur à avoir obtenu l’agrément des sociétés de téléconsultation délivré par le ministère de la Santé et de la Prévention. L’article 53 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a conditionné la prise en charge par l’Assurance Maladie des actes réalisés par les médecins salariés des sociétés de téléconsultation à l’obtention de cet agrément. Le décret en précisant la procédure est paru au Journal officiel le 1er mars. Décryptage de ce nouveau cadre. Par Coralie Baumard. Publié le 29 avril 2024 à 22h45 - Mis à jour le 13 mai 2024 à 16h06 Ressources Le 24 avril, Medadom annonçait sur LinkedIn être la première société de téléconsultation à avoir obtenu l’agrément délivré par le ministère de la Santé et de la Prévention. Elie-Dan Mimouni, cofondateur et CEO de Medadom “L’agrément est une étape cruciale dans le déploiement et le développement de la téléconsultation en France. Cela va apporter davantage de légitimité aux plateformes de télémédecine, puisque pour être agréé, il faut soumettre un dossier extrêmement complexe et satisfaire à plus de 200 exigences techniques, juridiques, déontologiques et médicales. Son obtention va permettre de rassurer les professionnels de santé ainsi que les patients et les inciter davantage à adhérer à la téléconsultation. Cet agrément va également consolider le secteur et le marché de la télémédecine”, indique à mind Health Elie-Dan Mimouni, cofondateur et CEO de Medadom. L’entreprise travaille avec plus 800 médecins et a installé plus de 4000 cabines de téléconsultation sur le territoire français. Nicolas Leblanc, directeur médical de Livi France, salue également la mise en place de ce nouveau cadre règlementaire : “C’est une reconnaissance dans le droit de notre activité après que notre savoir-faire ait largement été reconnu par les usages.” Sur le premier trimestre 2024, Livi effectue en moyenne 250 000 téléconsultations par mois. La société emploie plus de 500 médecins généralistes et spécialiste ainsi que des psychologues. Un accès au remboursement Le décret du 29 février 2024 a défini la procédure d’agrément des sociétés de téléconsultation. Il fait suite à la parution le 11 février 2024 du référentiel d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique des systèmes d’informations de téléconsultation. Pour bénéficier de la prise en charge par l’Assurance Maladie des actes de téléconsultation réalisés par leurs médecins salariés, les entreprises doivent obtenir un certificat de conformité au référentiel décerné par l’Agence du Numérique en Santé (ANS). Ce préalable est indispensable pour recevoir l’agrément du ministère. En outre, la Haute Autorité de Santé a également fait paraître le 21 décembre un référentiel des bonnes pratiques auxquelles elles doivent se soumettre. Ces textes découlent du statut juridique ad hoc des sociétés de téléconsultation instauré par l’article 53 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. Il permet ainsi aux sociétés de téléconsultation de facturer leur activité sans avoir besoin de passer par des montages impliquant des centres de santé selon Delphine Jaafar, avocat associé au sein du cabinet Vatier en charge de l’équipe Santé. “Environ 1 million de téléconsultations sont réalisées par mois, 70 % d’entre elles sont assurés par les sociétés de téléconsultation” Dr Pierre Simon, néphrologue et cofondateur du think tank dédié à la Santé numérique et à la Télésanté Le Dr Pierre Simon, néphrologue et cofondateur du think tank dédié à la Santé numérique et à la Télésanté Une évolution qui répond au recours massif à la téléconsultation durant la période Covid comme le rappelle le Dr Pierre Simon, néphrologue, ancien président fondateur de la Société Française de Télémédecine et cofondateur du think tank dédié à la Santé numérique et à la Télésanté : “Quand les téléconsultations médicales ont été remboursées dans le droit commun à partir du 15 septembre 2018, les téléconsultations ponctuelles des plateformes en étaient exclues. Elles ont bénéficié du remboursement pendant la période Covid où les consultations ont été remboursées à 100 %. Quand la période d’urgence sanitaire s’est terminée pour la téléconsultation à la fin septembre 2022, il a fallu prendre une décision concernant la prise en charge des téléconsultations assurées par ces plateformes.” D’autant que ces sociétés assurent aujourd’hui la majorité des téléconsultations en France, “environ 1 million de téléconsultations sont réalisées par mois, 70 % d’entre elles sont assurés par les sociétés de téléconsultation”, souligne le Dr Pierre Simon. De nouvelles obligations “En contrepartie de cet agrément, le décret du 29 février 2024 a instauré un réel contrôle de la société de téléconsultation à travers divers éléments comme l’obligation de mettre en place une gouvernance intégrant un comité médical dans lequel des associations représentatives des usagers vont avoir leur place, de produire un rapport d’activité qui est transmis aux ministres chargés de la Sécurité sociale et de la Santé ainsi qu’au Conseil national de l’Ordre des médecins”, précise Delphine Jaafar. Les pouvoirs publics profitent également de ces textes pour mieux intégrer les téléconsultations dans le parcours de soin piloté par le médecin traitant. “Une des obligations notifiées dans les recommandations éthiques de la HAS est désormais l’obligation de faire un compte-rendu de la téléconsultation et de le verser dans le dossier médical partagé de Mon espace santé”, indique le Dr Pierre Simon. “Les sociétés, à partir du moment où elles sont agréées, ne peuvent pas facturer de frais de service. mais uniquement l’acte de téléconsultation dans les conditions définies par l’Assurance Maladie. Cela pose la question de leur modèle économique.” Deplhine Jaafar, avocat associé au sein du Cabinet Vatier en charge de l’équipe Santé Mais certaines dispositions du décret posent question selon Delphine Jaafar : “Les sociétés, à partir du moment où elles sont agréées, ne peuvent pas facturer de frais de service, mais uniquement l’acte de téléconsultation dans les conditions définies par l’Assurance Maladie. Cela pose la question de leur modèle économique.” Le directeur médical de Livi regrette cette interdiction de facturer des frais de service sans concertation au préalable avec les entreprises. “Ce point est sorti à la faveur de polémiques. Certains protagonistes ont porté cette interdiction au motif que les médecins libéraux n’y ont pas droit. Nous ne devons pas être régulé avec les mêmes règles que la médecine libérale au motif qu’elle préexistait. Nous apportons une plateforme technologique, un management des équipes médicales, des règles singulières méritent d’être pensées au regard de la spécificité de notre activité. Nous sommes un amortisseur important du système et le cadre de concertation avec les pouvoirs publics, qui est encore naissant, doit s’améliorer”, estime-t-il. La question des prestations optionnelles complémentaires Delphine Jaafar, avocat associé au sein du Cabinet Vatier en charge de l’équipe Santé Le décret précise cependant que les sociétés de téléconsultation peuvent facturer des prestations optionnelles complémentaires à condition d’informer les patients de leur caractère optionnel. “Cette disposition entrera en vigueur en septembre 2024. La notion de prestations “complémentaires” restreint le champ desdites prestations qui pourraient être facturées et reste à savoir quel sera le droit de regard sur une telle notion et son potentiel impact sur une remise en cause de l’agrément. L’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a ouvert le champ très fermé des opérateurs de santé aux sociétés de téléconsultation mais la mise en œuvre du dispositif réglementaire créé un sentiment d’entre-deux. Les textes d’application ont tout particulièrement restreint en l’état le champ de développement des sociétés de téléconsultation”, analyse Delphine Jaafar. Livi envisage plusieurs possibilités sur cette question des prestations optionnelles complémentaires. “Nous sommes en phase de réflexion, nous faisons beaucoup de prévention. Nous nous sommes, notamment, impliqués sur les sujets de prévention concernant les infections sexuelles transmissibles, la vaccination, les maladies cardiovasculaires, etc. mais il est encore un peu tôt pour fixer les choses”, indique Nicolas Leblanc. À noter que sans réponse du ministère sous quatre mois, la demande d’agrément est considérée comme acceptée. L’agrément est délivré pour une période de deux ans. Après une nouvelle étude du dossier de l’entreprise, son renouvellement est valable durant trois ans. Les perspectives de développement de la téléconsultation Pour le Dr Pierre Simon, la téléconsultation a des perspectives de développement dans différentes spécialités. “ll y a tout un champ aujourd’hui qui n’est pas suffisamment couvert. Par exemple, il est très difficile d’avoir un rendez-vous de gynécologie pour les jeunes femmes qui, en particulier, débutent une contraception. Certaines sociétés de téléconsultation ont donc développé une offre de téléconsultation de gynécologie, de même qu’en psychiatrie. En psychiatrie, la leçon de la Covid est que la demande en matière de santé mentale a considérablement augmenté. Les psychiatres reconnaissent qu’ils font désormais deux fois plus de consultations. Or, la téléconsultation est une pratique particulièrement appréciée par certains patients atteints de troubles de santé mentale. Ils la préfèrent aux consultations en présentiel. L’activité des psychiatres est aujourd’hui la plus importante en téléconsultation, je pense que c’est un créneau qui va être conforté par les sociétés de téléconsultation. Certaines sociétés développent également la téléophtalmologie et la téléconsultation en pédiatrie, où la demande est importante.” PLFSS 2024 : ce qu’il pourrait changer pour les acteurs du numérique en santé Reste qu’un frein demeure pour les sociétés de téléconsultation comme en témoigne Elie-Dan Mimouni : “Un seul bémol reste à noter, le seuil de 20% d’activité imposé aux médecins pour la téléconsultation. Ce seuil n’a pas de sens d’un point de vue médical, il est un frein considérable au déploiement de téléconsultation. Nous avons bon espoir qu’il évolue. Coralie Baumard MinistèrePlateformesRèglementairetéléconsultation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind