Accueil > Industrie > Arnaud Sandrin (ADLIN) : “L’interopérabilité est au cœur des préoccupations des EDS hospitaliers” Arnaud Sandrin (ADLIN) : “L’interopérabilité est au cœur des préoccupations des EDS hospitaliers” Arnaud Sandrin tourne la page de l’hôpital public pour démarrer un nouveau chapitre de sa carrière au sein de la start-up ADLIN, en qualité de vice-président chargé des partenariats et du développement commercial. L’ancien directeur de la Banque Nationale de Données Maladies Rares (BNDMR) est revenu, pour mind Health, sur les grands projets numériques en santé et le rôle des healthtech dans cet écosystème. Par Clarisse Treilles. Publié le 04 février 2025 à 22h00 - Mis à jour le 04 février 2025 à 17h11 Ressources Quel bilan faites-vous de l’évolution de la BNDMR depuis votre arrivée en juillet 2018 ? En l’espace de six ans, le projet a bien évolué. En 2018, la BNDMR avait déjà une forte assise mais était confrontée à plusieurs challenges. Quelques centaines de milliers de patients étaient alors inclus dans la base. Cela peut sembler beaucoup, mais il faut bien comprendre que rapporté à la population concernée, qui est estimée à 2 voire 3 millions de personnes, cela restait trop petit et insuffisant en termes d’exhaustivité, alors même que l’on prétendait contribuer à la recherche en épidémiologie. Le projet avait aussi accumulé une dette technique. A mon arrivée, le déploiement était encore en cours, et le système d’information présentait plusieurs défis à résoudre. Cela n’avait toutefois rien d’étonnant. Beaucoup de projets en début de parcours, et qui sont en quête de financement pérenne, passent par une telle étape. Petit à petit, grâce au soutien des acteurs et à la forte motivation de notre équipe, nous avons remis la base de données en bonne santé. Le déploiement sur les centres experts de maladies rares est aujourd’hui quasi-complet. L’exhaustivité est totale sur les centres de référence des maladies rares. L’application a quant à elle été rénovée en novembre 2022, avec une refonte quasi-complète du code. De plus, une interopérabilité a été mise en place avec les dossiers patients informatisés (DPI). Enfin, l’EDS – puisque la BNDMR a été l’un des premiers EDS nationaux – est à l’état de l’art. Il produit de plus en plus de connaissances et sert à des projets qui sont financés dans des contextes très concurrentiels, comme l’ANR ou encore de grands programmes d’investissement européens. Quels sont les défis qui attendent la BNDMR en 2025 ? Beaucoup de beaux projets attendent l’équipe de la BNDMR dans les prochains mois, à la faveur du prochain PNMR 4. L’un des projets sur lesquels je me suis personnellement impliqué en vue de ce plan serait la création d’une application mobile, un peu dans l’idée de TousAntiCovid, mais cette fois-ci dédiée aux maladies rares (cf. encadré “Les travaux de la BNDMR”). Les projets comme la BNDMR ont à mon avis cette vocation : d’abord une offre essentiellement destinée aux professionnels de santé, puis une offre sur l’autre versant, celui des patients (et des associations de patients, qui jouent un rôle si important, y compris dans les maladies rares). Je suis en tout cas certain que de nombreuses et très belles responsabilités seront confiées à la BNDMR : les besoins en matière de données sont en effet très importants, que ce soit en matière de pilotage, d’épidémiologie, ou encore de suivi des médicaments en accès précoce et compassionnel. Les travaux de la BNDMR Le recueil d’informations sur les maladies rares s’organise en France à travers la BNDMR, qui établit un set de données minimum pour tous les patients atteints de maladies rares. Une application a été déployée par l’AP-HP au sein des hôpitaux (BaMaRa) pour recueillir ce set, qui est ensuite téléversé dans la Banque nationale de maladies rares. Avec plus d’1,5 million de dossiers médicaux, la BNDMR est un EDS qui contient la plus grande cohorte pour les maladies rares dans le monde.Alban Lermine a repris le flambeau de la direction opérationnelle de la BNDMR depuis le début de l’année. Parmi les projets en cours, figure notamment l’appariement entre BaMaRa et les plateformes de séquençage SeqOIA et AURAGEN. L’objectif de ce rapprochement est de “capitaliser sur la prescription génomique. Plus on avance sur l’interopérabilité, plus la qualité des données sera au rendez-vous” expliquait à mind Health Alban Lermine, qui conserve en parallèle la direction du département bio-informatique de SeqOIA. Parmi les autres chantiers inscrits à l’agenda de la BNDMR en 2025 figurent également le déploiement de l’interopérabilité avec les laboratoires de biologie médicale qui font de la génomique, ainsi que le projet d’application mobile. Un mot encore sur cette application, poursuivra-t-elle le même objectif que l’application RDK développée par Tekkare, par exemple ? Il est en effet important de s’interroger sur les interactions entre les grands projets nationaux et les projets innovants, portés notamment par des start-up. Nous avons évidemment dialogué avec l’équipe de Tekkare, via Orphanet [la base de données de référence sur les maladies rares gérée par l’Inserm, ndlr]. Les deux projets sont très différents, à commencer par le fait que l’application RDK ne collecte pas de données personnelles. Au-delà de ce projet en particulier, le point clé est d’assurer une bonne coordination et complémentarité entre acteurs publics et privés. Il y a de nombreuses initiatives en ce sens en France, heureusement. Vous semblez fort enthousiaste, dans ce cas pourquoi quittez-vous le navire maintenant ? Est-ce justement l’attrait de l’environnement des start-up ? Oui vous avez tout à fait raison : à la fois sur l’enthousiasme procuré par la mission que j’ai eu la chance de me voir confier à l’AP-HP, et sur l’attrait que j’éprouve vis-à-vis de l’environnement start-up et de l’entrepreneuriat. J’ai travaillé près de six ans à l’AP-HP, essentiellement sur la BNDMR, mais aussi plus ponctuellement pendant le confinement sur l’EDS de l’AP-HP. Cela fut une très belle expérience. Je souhaite continuer d’explorer le champ des données de santé, tout en découvrant une nouvelle façon de faire, à la fois dans l’environnement mais aussi dans le cadre de mise en œuvre. C’est ainsi que j’ai pris depuis le début de l’année le poste de VP Partnerships & Business Development chez ADLIN Science, une healthtech basée à Paris mais aussi en partie à Grenoble, où je réside maintenant, qui se positionne comme un tiers de confiance entre les acteurs du secteur de la santé et développe un workspace destiné à la recherche scientifique. Cela s’inscrit dans la continuité de mes travaux à la BNDMR, alliant innovation et mission auprès des acteurs de la santé, en particuliers les acteurs publics. Fort de votre expérience au sein de l’AP-HP, quel constat faites-vous des capacités réelles des EDS hospitaliers ? Les EDS hospitaliers sont de magnifiques objets pour le pilotage de l’hôpital, comme cela a pu être démontré pendant la crise Covid dans de très vastes et très nombreuses études épidémiologiques. Ces entrepôts de grande envergure ne couvrent bien sûr par tout le champ de la recherche fondamentale, de la recherche translationnelle et, dans une certaine mesure, de l’épidémiologie. De nombreux professionnels travaillent ainsi sur des registres et des cohortes, dont la qualité des données demande un travail quotidien qui ne peut pas s’inscrire facilement dans le cadre du soin, par définition. Aussi, beaucoup d’études ont des critères d’inclusion multicentriques, ou qui présentent des besoins particuliers en termes d’infrastructure (on peut penser aux besoins de capacité de calcul pour l’entraînement de modèles lourds d’intelligence artificielle, par exemple). L’interopérabilité est au cœur des préoccupations des EDS hospitaliers, aussi il sera très intéressant de voir se structurer des réseaux entre établissements. Une solution comme ADLIN permet, par nature, de réaliser des études multicentriques pour partager des données inter-hôpitaux, ou plus généralement inter-équipes de recherche, c’est aussi ce qui m’a plu. Enfin, l’outil numérique doit être, en soi, un critère d’adhésion très important pour les cliniciens et les chercheurs. Il faut des outils performants en termes d’interopérabilité, d’interfaçage, de fiabilité et de sécurité, et des outils qui puissent évoluer rapidement et de façon agile. Entrepôts de données de santé : 21 CHU sur 32 ont créé le leur Finalement, acheter des solutions numériques sur étagère ou les développer en interne, quelle est la bonne stratégie à adopter à l’hôpital ? Il est tout à fait possible de développer des outils numériques en interne au sein d’un grand établissement de santé. Pour preuve, l’équipe de SeqOIA a développé des logiciels de très haut niveau en génomique. Aux HCL, l’un des plus grands dossiers patients informatisés en France, Easily, est aussi édité en interne. La BNDMR est bien sûr un autre exemple. La liste serait longue s’il fallait citer toutes les réussites. Les hôpitaux sont d’ailleurs des lieux intéressants pour s’épanouir en tant qu’ingénieurs. Même si les établissements de santé manquent parfois de flexibilité, ces environnements offrent une proximité avec les cliniciens et les chercheurs que l’on ne peut trouver ailleurs. Pourtant, aujourd’hui, la grande majorité des logiciels utilisés sont achetés à des sociétés externes. Or il faut reconnaître que le stade de la maturité n’est pas encore atteint quand il s’agit de la capacité à réutiliser les données de santé – il suffit de se confronter à la lassitude des professionnels de santé quand il s’agit de les renseigner. Il y a encore beaucoup d’attentes à combler, aussi bien pour les acteurs publics que privés. En effet, les soignants et les chercheurs produisent des données qui ne sont pas forcément faciles à mettre en qualité ou à utiliser selon les standards internationaux : des outils refondus devraient contribuer à changer les choses. Qu’est-ce qui devrait être mis en place, selon vous, pour aider à optimiser les EDS, dont la popularité ne fait que grandir auprès des centres hospitaliers publics et privés ? Je n’ai pas la prétention d’avoir tout vu en la matière, je peux seulement proposer ce qui n’est qu’un a priori, à l’issue de ma propre expérience. Avec mes collègues, j’ai rédigé un article dans la revue « Gestion hospitalière » pour relater notre travail sur l’EDS de l’AP-HP durant la crise Covid. A l’époque, 200 data scientists et data engineers nous avaient rejoint bénévolement pour mettre en qualité les données à partir de l’entrepôt de l’AP-HP. Aujourd’hui, un grand nombre des publications réalisées à partir de l’EDS de l’AP-HP sont celles liées à la Covid, qui se retrouve donc très sur-représentée comme objet de recherche. Pour obtenir des résultats intéressants, on ne peut sous-estimer le rôle clé joué par le travail sur les données, qui requiert sans doute de cibler des projets scientifiques et des pathologies sur lesquels concentrer les efforts. La coordination des initiatives est donc essentielle au niveau national. Pouvez-vous détailler vos missions chez ADLIN Science ? Depuis début janvier 2025, j’occupe le poste de vice-président chargé des partenariats et du développement commercial de la start-up. Si l’objectif est de déployer nos solutions, la logique en santé est clairement partenariale. Le but est de s’associer avec des chercheurs ainsi qu’avec tous les intervenants de la recherche pour réfléchir ensemble à leurs besoins et à la meilleure manière de les adresser. J’espère les convaincre que la solution ADLIN, qui permet à tous ces acteurs de se retrouver dans un outil qui leur est dédié, et d’agir comme tiers de confiance, est le bon partenaire pour réaliser leurs projets. Adlin Science : structurer les données pour valoriser la recherche Biographie d’Arnaud Sandrin Depuis janvier 2025 : VP Partnerships & Business Development chez ADLIN ScienceJuillet 2018 – Décembre 2024 : directeur opérationnel de la BNDMR (AP-HP)Mars 2017 – Juin 2018 : Manager – RVMS au sein de PwC FranceMai 2016 – Mars 2017 : Responsable du Pôle Risques de Crédit et de Marché à la Direction des Affaires Internationales, au sein de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Clarisse Treilles base de donnéesDonnées de santéEntrepôt de données de santéHôpitalInteropérabilitéMaladies raresRecherchestart-upStratégie Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Médecine génomique : Quel bilan tirer du plan français ? Confidentiels Mouvement [Confidentiel] Alban Lermine succède à Arnaud Sandrin à la direction de la BNDMR Start-up à la loupe Adlin Science : structurer les données pour valoriser la recherche analyses Maladies rares : le numérique, allié des patients