Un rapport sur la régulation et le financement des produits de santé appelle à un « New Deal »

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Le rapport issu de la mission interministérielle lancée par Elisabeth Borne sur la régulation et le financement des produits de santé a été remis le 29 août au gouvernement. Il appelle à un “New Deal”, face aux pénuries de médicaments, incluant une refonte du système de régulation. Décryptage.
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Les six personnalités qualifiées choisies pour prendre en charge la mission sur la régulation et le financement des produits de santé ont formulé une soixantaine de recommandations pour servir de socle à un “New Deal” et moderniser le système de régulation.

Certaines de ces mesures proposées ont “déjà commencé à servir de base à la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024”, écrivent dans un communiqué conjoint les trois ministres concernés, Aurélien Rousseau pour la Santé, Roland Lescure pour l’Industrie et Thomas Cazenave pour les Comptes publics. Cette anticipation des besoins permettra de “mieux maîtriser les volumes, par exemple en accroissant le recours aux tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), de développer activement le recours aux biosimilaires ou encore afin de faciliter les demandes d’inscription d’actes innovants par les industriels auprès de la Haute Autorité de santé” précise le communiqué ministériel.

Les auteurs du rapport constatent que “la situation française est maintenant devenue complexe et désormais fragile à plusieurs égards, avec notamment des pénuries sur les médicaments matures, un décalage d’accès aux médicaments innovants avec les pays européens voisins (malgré l’accès précoce) et depuis deux ans une croissance jamais vue des dépenses de médicaments et DM prescrits par les médecins”. 

La mission a observé une proximité entre “les problématiques des médicaments et des dispositifs médicaux, même si l’impact du développement massif du numérique est plus fort pour les DM que pour les médicaments”. Le rapport indique qu’un “plan coordonné, qui intègre une mobilisation de l’innovation via France 2030” s’avère “indispensable” pour limiter “un dérapage des coûts, une augmentation des délais administratifs (…), une fermeture de chaînes de production de médicaments matures, une aggravation des problèmes d’accès et une non prise en compte des sujets écologiques”.

Travailler sur les volumes et la pertinence des prescriptions

En moyenne, un médecin prescrit 730 000 euros par an, dont près de 30% de médicaments. Le rapport préconise “de travailler plus sur les volumes et la pertinence des prescriptions et d’être moins focalisés sur les prix”. Il insiste sur un virage méthodologique, porté par “des changements de comportements de tous les acteurs, une prise de conscience des marges qui existent pour une prescription qui prenne mieux en compte tous les enjeux des produits de santé”.

À cet effet, le rapport recommande notamment d’intégrer les sujets de prescription dans les grands programmes du Ministère de la Santé, notamment dans les plans de santé publique existants comme celui du cancer, ou à venir, comme ceux du cœur et de la prévention. Il préconise également de « tirer parti des expérimentations Article 51 » afin de « promouvoir des organisations innovantes contribuant notamment à améliorer le parcours des patients, l’accès aux soins ou encore la pertinence de la prescription des produits de santé ».

La mission se dit favorable au déploiement accéléré de l’usage des outils numériques d’accompagnement de la prescription, tels que les logiciels d’aide à la prescription (LAP) et d’aide à la dispensation (LAD) en ville et à l’hôpital. Ces derniers ne sont « pas encore considérés comme des leviers d’efficience par les acteurs », pointe le rapport, qui propose, par exemple, de les utiliser pour prévenir les pénuries et proposer des alternatives thérapeutiques, qu’il s’agisse de médicaments génériques (qui ne représentent que 38% des usages en volume en France, contre plus de 80% en Allemagne) ou de biosimilaires.

La mission propose de créer un groupe de travail autour de ces logiciels associant les prescripteurs/médecins, les représentants d’éditeurs de logiciels et le ministère de la Santé pour « définir un standard requérant des fonctionnalités, une ergonomie et des interfaces pour la compatibilité avec les SI existants ».

Mobiliser l’innovation

La mission observe “une vague d’innovations sans précédent”, correspondant aux résultats “d’intenses efforts de R&D depuis 2017” en médecine, en génétique ou dans les biotechnologies notamment. Le recours à l’intelligence artificielle pour les données de santé connaît, par ailleurs, une croissance rapide. Selon les auteurs du rapport, les IA conversationnelles (telles que ChatGPT et Bard) pourraient devenir “des compagnons de nombre de médecins dans deux ans”.

Le rapport déclare que les produits dits innovants « arrivent désormais en masse le marché » et « revendiquent des prix importants eu égard à leur impact thérapeutique mais aussi à la nouveauté de leur mécanisme d’action et à la complexité de leur fabrication pour certains ». Ils sont très présents en oncologie et dans les maladies rares notamment.

Le rapport estime que l’innovation en général, et les données de santé en particulier, sont « clés pour retrouver des marges financières donc une maîtrise des coûts et des volumes ». La mission rappelle que l’innovation peut dans certains domaines favoriser la maîtrise de la dépense publique.

Intégrer les enjeux environnementaux

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L’industrie du médicament représenterait environ 4% des émissions de CO2, selon les chiffres du Shift Project. L’achat des médicaments et des DM représenterait à lui seul 54% des émissions. Le rapport interministériel suggère de prendre en compte “l’ensemble du cycle de vie des produits de santé pour réduire leur impact sur le changement climatique, notamment l’impact CO2”.

Le système de distribution, qui implique l’industrie pharmaceutique, les grossistes répartiteurs, les dépositaires et les pharmaciens, est notamment pointé du doigt pour ses impacts environnementaux, en plus de ses impacts économiques (les coûts associés représentant un cinquième du coût du poste produits de santé).

La mission conseille, en outre, de prendre en compte les enjeux environnementaux dans la régulation en développant l’utilisation de critères environnementaux dans la fixation des prix ou encore en favorisant la réutilisation des DM.

Développer la recherche en santé publique

La mission estime qu’il faut “développer et donner de la lisibilité à la recherche en santé publique en France, en intégrant un volet sur la prévention, les produits de santé et l’économie de la santé”. Elle préconise que des crédits de France 2030 soient réservés à cette fin.

Afin d’anticiper l’avenir, la mission imagine la création d’un programme de recherche type PEPR en santé publique. Pour faciliter l’exploitation de données de santé, la mission préconise la construction d’un « grand plan d’utilisation des données de santé à des fins d’évaluation en vie réelle des produits de santé », qui mobiliserait les établissements de soin, le Health Data Hub (HDH) ainsi que la CNAM et des associations de patients.

Les efforts doivent aussi venir du privé. La mission soutient en effet l’accélération de travaux pour faciliter les investissements privés en R&D et en capacité de production sur de nouveaux antibiotiques. “Au-delà des mesures prévues dans France Santé 2030 pour accompagner les investissements, il est clé de continuer à développer des mesures pour favoriser les investissements industriels, notamment en bioproduction” souligne le rapport.

Adapter l’organisation de l’État

La mission met en lumière une “incompréhension mutuelle des acteurs, en particulier entre l’administration, l’industrie et les usagers, qui se suspectent en ignorant trop souvent les logiques et contraintes les uns des autres”.

Au cours des auditions menées, les auteurs du rapport ont été frappés par une gestion “très en silo” des problématiques autour de la gestion des produits de santé. La mission identifie une “grande multiplicité d’acteurs travaillant sur les mêmes problématiques sans parfois se concerter, imposant de très nombreux arbitrages à haut niveau”. Cette observation est partagée par la commission d’enquête sénatoriale qui, avant l’été, s’était penchée sur la question de la pénurie de médicaments.

La mission préconise notamment la mise en place d’une « coordination régulière entre les administrations » pour une meilleure cohérence de l’action publique, notamment avec l’Agence de l’Innovation en Santé (AIS), chargé de la mise en œuvre du volet santé de France 2030.

Elle préconise également de clarifier le rôle de la DNS « sur les sujets numériques », en coordonnant par exemple les sujets liés aux LAP cités plus haut. Enfin, elle soutient le renforcement du Comité économique des produits de santé (CEPS), dont le rôle est de fixer les prix des médicaments et les tarifs des dispositifs médicaux. Elle souhaite que les missions confiées à ce comité soient élargies à la « négociation de la télésurveillance, de la PECAN, de la PECT et du forfait innovation ».

Pour aller plus loin
Le Leem soutient un “New Deal” de l’accès aux médicaments
La Mission « Financement et régulation des produits de santé » mise en place par Elisabeth Borne en janvier dernier a rendu aujourd’hui son rapport au Gouvernement…
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