Accueil > Financement et politiques publiques > Dr Lise Alter (AIS) : “Nous voulons être un catalyseur des innovations pour les patients” Dr Lise Alter (AIS) : “Nous voulons être un catalyseur des innovations pour les patients” Lancée le 31 octobre 2022, la jeune Agence de l'Innovation en Santé (AIS) a pour principal objectif d'accélérer la mise sur le marché des innovations françaises. Pour sa directrice générale, le Dr Lise Alter, il s'agit aussi de fédérer tout un écosystème autour d'un enjeu de souveraineté et de disponibilité des traitements pour les patients. Par Romain Bonfillon. Publié le 06 décembre 2022 à 22h06 - Mis à jour le 01 août 2024 à 17h10 Ressources Dans quel cadre administratif s’insère l’Agence de l’innovation en santé ? L’AIS s’inscrit dans la continuité du plan Innovation santé France 2030. Elle va se structurer sur les équipes actuelles du SGPI (le Secrétariat général pour l’investissement, ndlr) qui travaille à la poursuite des ambitions fortes annoncées en juin 2021. Trois stratégies ont été lancées à ce moment-là : “Santé numérique”, “Biothérapie et bioproduction des thérapies innovantes” et “Maladies infectieuses et émergentes”. Comment voyez-vous le rôle que l’AIS va jouer dans l’écosystème de la santé ? Nous voulons faire office de catalyseur des innovations et aller encore plus loin dans les objectifs d’accélération et de simplification, de façon transversale. Il existe des enjeux cruciaux qui concernent toutes les stratégies d’accélération et tous les domaines de l’innovation. Je pense en particulier à l’accès au marché des produits de santé innovants, à l’enjeu d’attractivité de la recherche clinique et à l’accélération des inclusions de patients, à la nécessaire simplification des dispositifs de financement pour les porteurs de projet. Vous étiez jusqu’alors directrice de l’innovation et de l’accès à l’innovation à la HAS. La HAS a-t-elle vocation à devenir le guichet unique pour la prise en charge anticipée des DM numériques ? Comme l’a récemment annoncé Corinne Collignon (cheffe du service “Mission numérique à en santé” à la HAS, ndlr) le guichet de la HAS a vocation à être le point d’entrée pour l’évaluation de ces dispositifs numériques (cf. encadré). Il ne s’agit pas à proprement parler d’un guichet unique puisqu’il faut rappeler que ces dispositifs ont besoin d’un certificat d’interopérabilité et de sécurité délivré par l’ANS (qui va vérifier la compatibilité avec de la solution avec la Doctrine du numérique en santé, ndlr) “Le décret sur la télésurveillance, qui en cours de finalisation, va faire un appel d’air pour l’évaluation des dispositifs de télésurveillance par la HAS.” Pourquoi y a-t-il pour le moment si peu de solutions numériques qui sont évaluées par la HAS ? Aujourd’hui, il existe un cadre spécifique à la télésurveillance (le programme ETAPES) en particulier pour les dispositifs qui n’avaient pas vocation à être inscrits sur la LPP (la liste des produits et prestations remboursables par l’Assurance Maladie, ndlr). L’innovation est bien là mais nous avons besoin d’un cadre structuré de prise en charge pérenne, au-delà des expérimentations ETAPES qui sont restreintes à 5 aires thérapeutiques (insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, insuffisance respiratoire, diabète et prothèses cardiaques implantables, ndlr). Le décret sur la télésurveillance, qui en cours de finalisation, va faire un appel d’air pour l’évaluation des dispositifs de télésurveillance par la HAS. Pourquoi la publication de ces décrets a-t-elle pris autant de retard ? C’est le Ministère de la Santé qui pilote la rédaction de ces textes. Je pense que le contexte de changement de gouvernement a fait perdre du temps dans le processus de rédaction, de concertation puis de passage en Conseil d’État. Mais il faut rassurer les acteurs sur le fait qu’il n’y aura pas de point de rupture : les dispositifs pris en charge dans ETAPES continueront à être financés. Télésurveillance : enfin une date officielle pour les décrets de remboursement “Nous avons vocation à être dans la coordination et la facilitation, l’AIS ne se substituera à personne.” L’AIS est en pleine constitution de son équipe. Quels profils recherchez-vous ? Nous cherchons des profils qui soient à l’image de l’innovation en santé, en capacité de conduire des projets et de coordonner des équipes au niveau interministériel. Je précise que nous avons vocation à être dans la coordination et la facilitation, l’AIS ne se substituera à personne. Notre équipe est actuellement constituée des 5 personnes qui composaient le pôle santé du SGPI et je recrute 10 personnes. Les fiches de poste sont aujourd’hui en ligne. Quelles sont les prochaines étapes de la construction de l’AIS ? Je suis en attente de ma lettre de mission de la Première ministre. Elle devrait arriver dans les prochains jours. La deuxième étape sera la constitution de l’équipe. Courant 2023, je construirai la feuille de route de l’AIS avec cette équipe, car ce sont des projets sur lesquels je dois engager chacun de mes directeurs. Cette feuille de route sera travaillée au regard des interactions que je vais pouvoir avoir avec tous les partenaires. Il est important d’avoir un temps d’écoute et de compréhension des enjeux et problématiques de chacun, afin de ne pas partir de façon orthogonale par rapport à ce qui va émerger comme priorité… Comment va se faire l’articulation avec le travail de la Délégation ministérielle au numérique en santé (DNS) ? Elle se fait déjà. Nous partageons avec Raphaël Beaufret, Hela Ghariani et David Sainati une approche assez pragmatique. Le rattachement de la SASN se fait au niveau de la DNS pour garantir une cohérence avec la feuille de route sur le numérique en santé. Néanmoins, je suis en contact très régulier avec eux pour qu’on avance main dans la main. L’AIS ne peut pas se désintéresser des enjeux du numérique, qui sont intimement liés à tous les autres domaines de la santé. Les projets que nous accompagnerons auront d’ailleurs très certainement un lien direct avec les enjeux du numérique. David Sainati (SASN) : “Les dispositifs médicaux numériques sont la principale cible de la Stratégie d’accélération” Mais au regard des nombreux axes déclinés dans le plan Innovation Santé 2030, et notamment de tous les enjeux – économiques et industriels – liés au médicament, le numérique n’est-il pas un sujet à la marge ? Je n’en suis pas convaincue. Nous nous intéressons bien entendu aux grands industriels, notamment du médicament, mais pour ce qui concerne l’accompagnement des projets, notre cœur de cible est tout de même les healthtech…et beaucoup sont dans le numérique. Nous verrons ce qui est priorisé dans le cadre de la feuille de route, mais je pense que le numérique fait complètement partie intégrante de l’équation, parce qu’il est partout. Le numérique est de plus en plus présent en recherche clinique, au travers notamment des essais décentralisés. Comment rendre la France plus attractive dans ce domaine ? Cela passera principalement par notre capacité à mettre en place des essais cliniques rapidement, et donc à inclure des patients rapidement. Pour cela, il nous faut avoir des processus d’autorisation simples. C’est aussi une façon pour la France de mettre à disposition des patients des innovations plus rapidement. Le volet “inclusion des patients” touche à des enjeux propres à l’hôpital mais l’agence ne fera rien seule. Nous n’organiserons pas la conduite des essais cliniques, mais nous verrons avec les partenaires comment on peut à la fois les simplifier et les accélérer sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Aujourd’hui, l’étape de la recherche clinique est la plus chronophage et la plus consommatrice de ressources dans le développement des produits de santé. Il est donc primordial qu’on s’y intéresse. “Mon objectif est de pouvoir garantir aux porteurs de projets dont nous aurons la charge un gain de temps significatif dans l’accès au marché et la mise à disposition pour les patients.” L’AIS a également une mission de prospective. Comment va se mener ce travail d’enquête et d’anticipation sur les besoins et les innovations à venir ? Une personne sera recrutée pour cette mission et cela fait partie des éléments qui seront déclinés dans la feuille de route. Il y a plusieurs étapes : d’abord cartographier toutes les initiatives existantes dans le domaine, car nous ne sommes pas les premiers à avoir l’idée de faire de la prospective. Nous verrons dans quelle mesure ces initiatives sont exploitables et comment on peut les lier les unes aux autres. Au-delà de l’identification des innovations technologiques sur le domaine de la santé, il y aura un enjeu à regarder, d’un point de vue business, les healthtech émergentes qui lèvent des fonds en France et à l’étranger. Derrière cette mission prospective, l’idée est d’anticiper les innovations à venir, je pense notamment aux médicaments de thérapie innovante et à tous les traitements qui génèrent des coûts extrêmement importants et des modifications dans l’organisation des soins. Il faut que le système de santé soit en mesure de l’anticiper pour s’organiser. En effet miroir, cette mission recouvre également tout l’aspect “besoins médicaux non couverts” pour lesquels il va être extrêmement important qu’on aligne l’ensemble des ministères sur les priorités de demain en matière de recherche. À moyen-long terme, quel est votre principal objectif, en tant que directrice de l’AIS ? Mon objectif est de pouvoir garantir aux porteurs de projets dont nous aurons la charge un gain de temps significatif dans l’accès au marché et la mise à disposition pour les patients. Aujourd’hui, il faut compter 20 ans en moyenne pour mettre un produit de santé sur le marché. Nous ne pourrons pas réduire ce délai à quelques mois, mais nous voulons gagner du temps à chaque étape de la chaîne de valeur, en accélérant les process. En cela, la communauté de partenaires avec laquelle l’AIS va travailler (les administrations, les opérateurs de l’État, les organismes de recherche, les EPST, les agences sanitaires, etc.) sera vraiment structurante. Des précisions concernant la prise en charge accélérée des DMN Le 15 novembre dernier, l’AFCROs consacrait une journée à l’évaluation clinique des dispositifs médicaux. À cette occasion, Corinne Collignon, responsable de la mission “numérique en santé” a apporté quelques précisions sur la future prise en charge accélérée (PECA) des dispositifs médicaux numériques (DMN). Deux types de DM seront concernés par cette prise en charge : les DM à visée thérapeutique qui seront inscrits sur la LPPR et les DM de télésurveillance médicale qui seront inscrits sur la nouvelle liste (qui sera vraisemblablement connue le 1er juillet 2023, lorsque les décrets d’application seront publiés). La PECA aura une durée de 1 an non renouvelable. Elle sera assortie d’une obligation de demande de remboursement de droit commun, qui doit être déposée dans les 6 mois suivant le démarrage de la PECA pour les DTx et dans les 9 mois suivant le démarrage de la PECA pour les DM de télésurveillance. La CNEDiMTS sera en charge de l’évaluation de ces DM numériques. Elle conditionnera son accord à une “amélioration de la prestation médicale”. Cette évaluation peut porter sur le DM lui-même, sur l’acte et éventuellement sur un accessoire de collecte de données. La prise en charge du DM, si l’on se réfère à ce que mentionnait le PLFSS 2022, sera en outre conditionnée par son utilisation effective par le patient et par “l’obtention de résultats individualisés ou nationaux d’utilisation en vie réelle évalués sur le fondement d’indicateurs” lorsqu’ils existent. Une expérimentation d’évaluation médico-économique des DM numériques sera lancée par la HAS en 2023. Cette évaluation devrait durer 3 ans et pourra être renouvelée. Concernant les DM de télésurveillance médicale, la HAS doit publier prochainement un référentiel qui définira les exigences minimales applicables à l’opérateur. Dr Lise Alter Depuis novembre 2022 : Directrice générale de l’Agence de l’Innovation en Santé (AIS) 2020 – novembre 2022 : Directrice de l’évaluation médicale, économique et de santé publique à la Haute Autorité de Santé (HAS). Au cours de ses fonctions, elle réorganise cette direction et prend le titre de “Directrice de l’innovation et de l’accès à l’innovation”. 2018-2019 : Adjointe à la sous-directrice du pilotage de la performance des acteurs de l’offre de soins à la DGOS. Elle est notamment en charge des produits de santé, de l’innovation, de la recherche clinique et de la télésurveillance. 2014-2018 : Travaille sur les problématiques de tarification, remboursement et accès des nouveaux produits pour Eli Lilly and Company, puis dirige la division Oncologie du laboratoire. 2013-2014 : Médecin-conseil à la CNAM 2012 – 2013 : Conseillère médicale “Sang, greffe, tissus, cellules” au sein de la Direction générale de la santé 2007 – 2012 : Internat de santé publique et sciences sociales Romain Bonfillon AdministrationDispositif médicalEssais cliniquesInnovationMarchéMédicamentMinistèrePatientRechercheRèglementaireRessources humaines Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les douze travaux de la DNS Rentrée de la e-santé : l'ANS face au défi de l’acculturation