Accueil > Financement et politiques publiques > La FDA et l’innovation, un pari gagnant La FDA et l’innovation, un pari gagnant La Food and Drug Administration (FDA) est la porte d’entrée réglementaire incontournable pour le marché américain. De nombreux acteurs s'y bousculent pour faire approuver leurs nouveaux produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux. D’un point de vue réglementaire, technologique ou organisationnel, comment la FDA innove-t-elle pour rester performante ? Par Romain BonfillonClarisse Treilles. Publié le 19 septembre 2023 à 22h30 - Mis à jour le 19 septembre 2023 à 14h29 Ressources Quand il s’agit de choisir une stratégie réglementaire, beaucoup d’acteurs de la healthtech européens veulent pousser la porte de la FDA, l’organe fédéral qui centralise les demandes d’autorisation de mise sur le marché américain. Motivés par les profits espérés, et parfois refroidis par la complexité du marquage CE en Europe, où les interprétations ne sont pas nécessairement harmonisées, les entrepreneurs n’ont pas toujours une vision claire de leur stratégie réglementaire et des parcours qui leur sont ouverts. Pourtant, “la stratégie de régulation d’une entreprise peut avoir un impact significatif sur son développement”, comme l’a souligné Gaëlle Clermont, responsable Stratégie Développement Produit chez NAMSA, lors de son intervention sur le système de régulation de la FDA au salon Medi’Nov 2023. Pour faciliter l’arrivée de nouveaux dispositifs et médicaments innovants sur le marché, la FDA a beaucoup développé ses programmes d’aide à l’innovation et amélioré les canaux de communication entre ses experts. L’agence américaine a aussi décliné un parcours d’accès simplifié pour les DM, composé de trois voies principales. Préalablement à la commercialisation, la procédure 510(k), unique en son genre, permet de démontrer que le dispositif à commercialiser est aussi sûr et efficace qu’un autre dispositif déjà commercialisé. La FDA parle alors “d’équivalence substantielle”. Pour être considéré comme substantiellement équivalent, le nouveau DM doit présenter un usage final et des caractéristiques technologiques identiques au produit de référence. En d’autres termes, le nouveau produit ne doit pas soulever de nouvelles questions de sécurité ni d’efficacité clinique et tout le dossier sera monté sur cette base de comparaison. Une large majorité de dossiers (environ 3 000 par an) sont pris en charge via cette procédure, qui apparaît particulièrement intéressante pour les fabricants. Sous la procédure 510(k), Gaëlle Clermont précise que le dispositif sera classé niveau II aux États-Unis, contre un niveau III en Europe. “La plupart des fabricants dans ce cas là vont choisir de passer d’abord par les USA avant de revenir en Europe” assure-t-elle. Si une entreprise ne parvient pas à trouver d’équivalence substantielle, alors la procédure De Novo est envisageable sous certaines conditions. De Novo est utilisé pour classer les nouveaux dispositifs médicaux présentant un risque faible à modéré. Il existe deux scénarios dans lesquels un fabricant peut obtenir une classification De Novo pour son dispositif : Avant de commercialiser un dispositif, si un fabricant reçoit la mention “non substantiellement équivalent” de la part de la FDA en réponse à une soumission 510(k), il peut soumettre une demande De Novo à la FDA pour qu’elle effectue une évaluation basée sur les risques pour la classification de son dispositif, en classe I ou II. Si un fabricant détermine qu’il n’existe aucun dispositif sur le marché qui soit substantiellement équivalent à son dispositif qu’il souhaite commercialiser, il peut soumettre une demande De Novo à la FDA pour qu’elle procède à une classification basée sur les risques en classe I ou II. En passant par une procédure De Novo de classe II, les appareils peuvent être commercialisés et utilisés comme prédicats pour les futures demandes 510(k), alerte toutefois Gaëlle Clermont. Enfin, il reste une troisième voie : celle de la PMA (approbation avant commercialisation). Ce processus d’examen scientifique et réglementaire vise à évaluer la sécurité et l’efficacité des dispositifs médicaux de classe III. Cette procédure, dont le processus est plus long et plus coûteux, n’est choisie que “dans 5% des cas”. Un accompagnement précoce La FDA a mis en place un certain nombre de programmes de soutien à l’innovation, qui permettent un accès privilégié à ses experts. Le programme “Breakthrough Device” concerne par exemple certains dispositifs médicaux et produits combinés qui permettent un traitement ou un diagnostic plus efficace de maladies potentiellement mortelles. Il vise accélérer le développement, l’évaluation et l’examen pour l’approbation préalable à la commercialisation, l’autorisation 510(k) et l’autorisation de mise sur le marché De Novo. La FDA précise dans une note que ce programme offre aux fabricants la possibilité d’interagir avec ses experts pour “aborder efficacement les sujets à mesure qu’ils se présentent au cours de la phase d’examen préalable à la commercialisation”. Source : FDA Le programme “Safer Technology” concerne certains dispositifs médicaux et produits combinés dirigés par des dispositifs dont on peut “raisonnablement s’attendre à ce qu’ils améliorent considérablement la sécurité des traitements ou des diagnostics actuellement disponibles qui ciblent une maladie ou une affection sous-jacente associée à des morbidités et mortalités moins graves que ceux éligibles au programme Breakthrough Devices” écrit la FDA dans un document de référence. Là encore, ce programme vise à réduire le temps nécessaire au développement et à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché pour les appareils qui sont éligibles. Le programme Q-Sub (de pré-soumission) est aussi un outil “très précieux” mis à disposition des fabricants, insiste Gaëlle Clermont. Il permet d’établir une relation de travail avec l’évaluateur principal, pour discuter des exigences et des attentes avant de soumettre une demande réglementaire. Le porteur de projet peut poser toutes les questions importantes à la FDA sur la voie réglementaire proposée, la classification, la sélection des preuves d’équivalence, les tests, le protocole préclinique ou encore la conception d’études cliniques. Plusieurs Q-Sub sont possibles en cours de développement, et seront pris en charge par une même équipe d’étude. Il existe en outre d’autres études de faisabilité précoces, fournies par la FDA, qui permettent de mener une enquête clinique limitée sur le dispositif au début de son développement et fournit un mécanisme permettant aux innovations de rapidement travailler avec les sponsors, les équipes d’examen de la FDA et les cliniciens pour gagner en efficacité. Un centre d’excellence Depuis plusieurs années, la FDA renforce son positionnement stratégique en matière d’innovation numérique. En 2017, l’agence s’était dotée d’un plan d’actions pour l’innovation en matière de santé numérique. En 2020, la FDA a créé un centre d’excellence pour la santé numérique (Digital Health Center of Excellence). Ce centre d’expertise et de ressources en e-santé a vocation à aider les fabricants à proposer aux patients des technologies numériques de grande qualité, en leur fournissant des conseils technologiques, en coordonnant et en accompagnant le travail de la FDA et en réinventant la supervision des dispositifs de e-santé. Mais même si ce centre d’excellence soutient le processus d’examen et de prise de décision de la FDA concernant les technologies de santé numérique, “il n’est pas responsable de la prise de décisions en matière d’autorisation de mise sur le marché” précise l’agence sur son site. Schéma du Centre d’excellence pour la santé numérique, Source : FDA Moderniser les essais cliniques La FDA s’intéresse à la modernisation des essais cliniques. En juin 2023, l’agence a publié un projet de directives contenant des recommandations pour moderniser la conception et la conduite d’essais cliniques. Le projet encourage l’utilisation de technologies de santé numériques innovantes adaptées aux besoins, comme les objets connectés qui pourraient faciliter la collecte de données et aider au recrutement des patients. La FDA a aussi publié au mois de mai dernier une liste de recommandations pour promouvoir les essais cliniques décentralisés. Ces mesures visent à améliorer le recrutement des patients dans les projets de recherche. La FDA conseille, entre autres recommandations, une meilleure coordination entre les lieux d’étude et les visites à domicile, la mise en place de protocoles pour télésurveiller les potentiels événements indésirables et la formation à la télésanté des participants aux études cliniques. Modélisation et simulation computationnelle La FDA reconnaît que la modélisation et la simulation sont des outils puissants qui complètent les méthodes traditionnelles de collecte de preuves pour les essais en laboratoire (in vitro), ainsi que dans les études animales ou cliniques (in vivo). Lors de l’événement In Silico Modeling in Healthcare organisé par Future4care en juillet dernier, Brigid DeCoursey Bondoc, juriste américaine du cabinet Morrison & Foerster, a présenté les derniers chantiers réglementaires de la FDA dans ce domaine. En décembre 2022, une nouvelle législation a mis à jour la procédure d’approbation et de réalisation des tests par la FDA. Le Modernisation Act 2.0 précise que les entreprises pharmaceutiques peuvent utiliser des méthodes animales et/ou non animales dans la recherche préclinique pour démontrer à la FDA la sécurité et l’efficacité des nouveaux médicaments avant qu’ils ne soient testés et utilisés sur l’homme. ”Ce texte réfute essentiellement la loi fédérale sur les produits alimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques de 1938 qui rendait obligatoire l’expérimentation animale pour chaque nouveau protocole de développement de médicaments” explique Brigid DeCoursey Bondoc. Cela ouvre la voie à des alternatives, telle que l’application de méthodes de machine learning pour tirer parti des énormes quantités de données provenant des dossiers des patients et des essais cliniques pour générer des modèles prédictifs. La modélisation et la simulation informatiques sont capables de prédire les réponses humaines aux médicaments in silico. “Si le cadre juridique n’a pas changé de manière significative, les acteurs aux deux extrémités du spectre – c’est à dire les chercheurs scientifiques à un stade précoce et les sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques au stade plus avancé – lorsqu’ils interagissent avec les régulateurs, peuvent s’attendre à davantage d’intérêt et de collaboration pour le développement de médicaments. La FDA a beaucoup en jeu lorsqu’elle donne le feu vert à de nouvelles technologies, c’est donc quelque chose qu’elle va faire avec beaucoup de soin” analyse Brigid DeCoursey Bondoc. Romain BonfillonClarisse Treilles Dispositif médicalentreprisesInnovationMédicamentRèglementaireStratégieusa Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind