Accueil > Financement et politiques publiques > Les industriels de la filière des dispositifs médicaux à la peine Les industriels de la filière des dispositifs médicaux à la peine Le Syndicat national de l'industrie des technologies médicales (Snitem) a présenté le 11 février 2022 une étude économique et qualitative de la filière industrielle des dispositifs médicaux en France. Pour Philippe Chêne, président du Snitem, ce panorama montre un "tassement de la croissance du secteur, pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles", qui méritent d’être éclairées. Par Romain Bonfillon. Publié le 11 février 2022 à 17h00 - Mis à jour le 11 février 2022 à 17h33 Ressources En confiant une nouvelle fois au cabinet D&Consultants, comme il l’avait fait en 2011, 2016 et 2019, une étude sur l’état de la filière du dispositif médical, le Snitem savait que les chiffres 2021 seraient lourdement affectés par la pandémie. Ce panorama de la filière a été mené en partenariat avec la Direction générale des entreprises (DGE), Bpifrance et Eurazeo et, grâce à une enquête qualitative menée auprès d’une vingtaine d’entreprises du secteur, permet d’apprécier les forces et difficultés de ses acteurs. Etat des lieux En 2021, la filière industrielle du dispositif médical comptait 1440 entreprises (1502 en 2019). Si 126 entreprises ont disparu du panorama (“quelques cessions d’activité, mais aussi des rachats et fusions”, selon Dominique Carlac’h, présidente de D&Consultants), 63 nouvelles entreprises y ont été incorporées, dont 59 start-up qui appartiennent pour un tiers d’entre elles au secteur de la e-santé. “Cette importance du numérique est une nouveauté de cette édition, puisque 42 % des entreprises interrogées nous ont dit être sur des projets de numérisation de leur dispositif médical et 25% d’entre elles ont déjà des solutions numériques”, observe Dominique Carlac’h. Cet engouement pour le numérique, précise l’étude, tient à plusieurs facteurs : la crise sanitaire a montré qu’il était possible d’implémenter le numérique dans le parcours de soins La réglementation dans le domaine du numérique est identifiable et lisible (pour 90% des répondants) Les organismes notifiés se révèlent compétents dans le numérique (pour 68% des répondants) Cela fait 10 ans que j’analyse ce secteur et c’est la première fois que l’on enregistre une décroissance Dominique Carlac’h, PRÉSIDENTE DE D&CONSULTANTS Cependant, explique la présidente de D&Consultants, “le secteur cherche encore son modèle économique, car la HAS n’est pas encore très claire sur l’évaluation médico-économique de ces solutions“. Toutefois, pour Philippe Chêne, “la crise du Covid a permis de débloquer la situation en matière de téléconsultation. C’est une avancée importante qui devrait permettre le développement du numérique en santé.” Le taux de croissance annuel moyen (TCAM) du chiffre d’affaires de la filière est en baisse de 0,5% par rapport à 2019. “Ce TCAM cache une vraie chute en 2020 liée à la crise Covid, note Philippe Chêne. Il y a eu beaucoup de reports d’opérations chirurgicales, qui ont touché le secteur de l’orthopédie, de la cardiologie, de l’ophtalmologie”. “Cela fait 10 ans que j’analyse ce secteur, poursuit Dominique Carlac’h, et c’est la première fois que l’on enregistre une décroissance”. Au total, le chiffre d’affaires consolidé de la filière est passé de 30,2 Mds€ en 2019 à 30,7 Mds€ en 2021, une légère croissance qui s’explique par l’exportation (+4,3%) qui a tiré ce secteur essentiellement composé, nous rappelle l’étude, de PME/TPE (93%). Zoom sur le financement de la filière Pour ce panorama 2021, l’étude s’est également penchée sur la constitution financière des entreprises du DM. Sur les 1088 entreprises d’origine française, le capital innovation ou développement a fortement augmenté pendant 3 ans : de 2018 à 2020, les investissements ont triplé, passant de 300 millions à 1 milliard d’euros. L’année 2021 a cependant vu cette dynamique se tasser, avec 500 millions levés, liés à un moindre dynamisme sur les marchés cotés. Les start-up françaises de la e-santé ont levé 929,4 M€ en 2021 Les freins au développement de la filière Quatre enjeux critiques ont été relevés par les acteurs de la filière, qui peuvent freiner son développement : la réglementation (un souci croissant depuis 10 ans, mais devenu massif en 2021) ; l’accès au marché national ; le financement des entreprises ; les tensions dans le domaine des ressources humaines. Dans le domaine réglementaire, le MDR (nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux) est nécessaire, selon les acteurs de la filière, mais manque malheureusement de cohérence dans sa mise en oeuvre. 80% des entreprises ont investi et ont engagé de nouvelles dépenses pour pouvoir se conformer au MDR. Cependant, pour 61% des répondants, les délais ne sont pas respectés par les organismes notifiés, avec en moyenne 6 à 12 mois de retard pour évaluer la conformité des produits. Pour 85% des entreprises, ces retards ont un impact direct sur la mise sur le marché de leur produit. 80% d’entre elles sont obligées de rationaliser leur gamme de produits ou d’arrêter certains d’entre eux ; pour 21% d’entre elles, la pérennité de certains de leurs sites de production s’en trouve même menacée. 40% des entreprises de la filière ont renoncé à la mise sur le marché d’un dispositif médical en France L’accès au marché est encore considéré comme trop long et trop compliqué structurellement. “Le modèle du PLFSS, note Dominique Carlac’h, entraîne un manque de visibilité sur le long terme car nous sommes sur une réflexion annuelle. Or, un investisseur a besoin d’une vision sur le long terme, le retour sur investissement ne se fait jamais sur une année.” En outre, la concurrence étrangère, dans le cadre des appels d’offres publics, est une difficulté supplémentaire. Conséquence marquante : 40% des entreprises ont renoncé à la mise sur le marché d’un dispositif médical en France. Pour elles, soit le prix du remboursement est jugé trop faible, soit l’accès à ce remboursement est jugé trop compliqué, soit la réglementation pour la certification CE est considérée comme trop complexe. Troisième enjeu : le financement des entreprises. Les “early stage” (séries A) fonctionnent bien en France, mais dans la phase de post-amorçage, les entreprises peinent à trouver des fonds, ce qui se traduit par un déficit de compétitivité. “Pour autant, et c’est une information rassurante pour notre pays, note Philippe Chêne, les entreprises gardent confiance et disent vouloir continuer à investir en France”. 3 start-up sur 4 trouvent difficile de porter un projet d’innovation santé en France Dernier enjeu : celui des ressources humaines. Dans la continuité des éditions précédentes, ce panorama pointe les difficultés qu’ont les entreprises du DM (plus des trois-quarts) à recruter, dans tous les métiers : que ce soit dans les profils techniques et ouvriers (31%) ou les profils cadres du domaine réglementaire (53%), de la vente et du marketing (32%) ou de la R&D (27%). Un “effet ciseau” délétère “Ce qui nous soucie est l’écart entre la vision du potentiel stratégique de notre industrie et les difficultés structurelles en termes d’accès au marché, d’exigences réglementaires, de régulation comptable qui, lorsqu’il s’agit de faire des révisions tarifaires, applique systématiquement des baisses de remboursement sur nos produits. À ces difficultés structurelles se sont ajoutés des problèmes conjoncturels liés à la pandémie qui a vu l’explosion du coût des matières premières avec des prix bloqués et régulés, d’où un effet ciseau potentiellement délétère pour nos entreprises”, résume Philippe Chêne. Entre 2020 et 2021, la hausse du prix des matière premières a été, précise l’étude, de 40% à 90% pour les polymères les plus utilisés, de 40% à 370% pour les terres rares et de 400% pour les composants électroniques. En conclusion, Eric Le Roy, directeur général du Snitem, rappelle que “le secteur de la pharma a connu une forte croissance pendant la crise Covid. Ce panorama démontre qu’il serait inadapté d’appliquer au domaine du dispositif médical une régulation identique à celle du secteur pharmaceutique”. Une manière pour le syndicat de signifier aux futurs candidats de l’élection présidentielle, que sa filière industrielle a été durement touchée par la crise et qu’elle supporterait difficilement de nouvelles baisses de remboursement dans les futurs PLFSS. Romain Bonfillon Dispositif médicalEtudeRèglementaire Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le bilan de la recherche clinique en France en 2021 (AFCROs)