Accueil > Industrie > Hubert Galmiche (HAS) : “La principale lacune des dossiers reste le manque de données cliniques” Hubert Galmiche (HAS) : “La principale lacune des dossiers reste le manque de données cliniques” Le nombre de dispositifs médicaux numériques (DMN) a explosé ces dernières années, mais bien peu obtiennent un remboursement en France. Pour y parvenir, ils doivent passer sous les fourches caudines de la CNEDiMTS, une commission d’évaluation dépendant de la Haute Autorité de Santé (HAS). Hubert Galmiche, chef du service "Evaluation des dispositifs" à la HAS, revient sur les nombreuses et nouvelles modalités de remboursement des DMN. Par Romain Bonfillon. Publié le 24 janvier 2023 à 22h22 - Mis à jour le 24 janvier 2023 à 15h08 Ressources En quoi consiste votre travail au sein de la HAS ? J’ai pour mission d’encadrer l’activité de préparation des dossiers à soumettre à la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS). Cette dernière est saisie par les fabricants, lorsqu’ils souhaitent obtenir le remboursement de l’un de leurs produits. Le rôle du service “Évaluation des dispositifs” est d’assurer le traitement des demandes au nom de la HAS, pour in fine permettre à la CNEDIMTS de donner un avis au ministre sur le bien-fondé de la prise en charge de la technologie en question. En somme, notre service est chargé d’assurer le secrétariat scientifique de la CNEDiMTS. “Nous avons un périmètre très large, qui va du pansement à l’application de télésurveillance, en passant par le coussin anti escarres” À quels types de dispositifs médicaux vous intéressez-vous ? Nous avons un périmètre très large, qui va du pansement à l’application de télésurveillance, en passant par le coussin anti escarres, les nutriments et les implants les plus coûteux, ceux qui sont ceux destinés à être pris en charge dans un établissement de santé, mais aussi certains pris en charge dans les GHS. Comment peuvent faire les fabricants de DMN pour que leur solution puisse être remboursée par l’Assurance maladie ? Pour les dispositifs médicaux candidats au remboursement, il existe un processus de droit commun et, depuis 18 mois, un mode de prise en charge transitoire. Ce sont des dossiers d’une autre nature, que l’on appelle “d’accès précoce”. Est également arrivé récemment le décret qui fonde la prise en charge des activités de télésurveillance médicale. Ces solutions passeront également par la CNEDiMTS mais c’est le service “Mission numérique en santé”, dirigé par Corinne Collignon, qui aura la charge de piloter ce guichet destiné à préparer ces dossiers. Nous sommes désormais deux services à alimenter la Commission. Corinne Collignon du côté “guichet numérique” pour toutes les solutions de télésurveillance médicale, moi principalement pour l’activité en lien avec la LPPR (liste des produits et prestations remboursables). Evaluation des DMN : un futur guichet unique à la HAS – mind Health La procédure de prise en charge anticipée des DMN était conditionnée par la parution des décrets sur la télésurveillance. A-t-elle donc démarré ? Le décret sur la télésurveillance paru en décembre permet d’assurer la transition entre les expérimentations ETAPES de télémédecine et le droit commun. L’année dernière, la HAS a été saisie pour définir des référentiels pour ces activités de télésurveillance. Les choses se font par blocs. Ce premier décret est la première étape qui permet une transposition dans le droit commun des référentiels sur la télésurveillance, que nous avons produits l’an dernier. Un autre décret devrait arriver, probablement à la fin du mois de janvier, car concernant la future prise en charge anticipée, nous n’avons pas d’arriéré. Tous les dispositifs médicaux numériques, qu’ils soient à visée de télésurveillance ou à visée thérapeutique, sont concernés. Deux dates distinctes d’entrée en vigueur – le 1er juillet 2023 et le 1er janvier 2024 – sont mentionnées dans les décrets sur la télésurveillance. Pourquoi cette distinction ? Pour être inscrit sur la liste des activités de télésurveillance, il va être demandé aux entreprises déposant de démontrer l’intérêt qui attendu pour leur produit vis-à-vis de la prestation médicale associée, mais toute une partie, évaluée par l’ANS, concerne la sécurité numérique et l’interopérabilité, en somme la conformité à la Doctrine du numérique en santé. Cette conformité sera d’application progressive pour les dispositifs de télésurveillance mais ils ne sont pas les seuls concernés. D’autres DMN peuvent être inscrits sur la LPP. C’est pour ces produits là qu’a été prévue une mise en application au 1er janvier 2024. La HAS doit conduire pendant 3 ans une évaluation médico-économique des DMN. En quoi consiste-t-elle ? Cette évaluation, qui commence en ce début d’année, est spécifiquement dédiée aux DTx qui seront inscrits à la LPP et pour lesquels il y aura une revendication d’un impact budgétaire positif pour l’assurance maladie. Aujourd’hui, n’importe quel DM qui revendique une ASA (Amélioration du service attendu) de niveau 1, 2 ou 3 et pour lequel l’entreprise qui le commercialise revendique un impact sur l’organisation des soins, une modification des pratiques professionnelles, est soumis à une évaluation médico-économique. Pour définir cet impact sur l’organisation des soins, la HAS avait fixé arbitrairement un seuil minimal de 20 M€ annuel de CA pour l’entreprise commercialisant le DM. Ce critère n’est pas très pertinent. Il existe des dispositifs fabriqués par des entreprises qui n’atteignent pas ce seuil mais qui, pour autant, peuvent avoir un impact important de modification de répartition d’enveloppe budgétaire. C’est en particulier le cas pour les DM numériques qui peuvent permettre, par exemple, une prise en charge à domicile plutôt qu’à l’hôpital. Au travers de cette évaluation, le but de la HAS est d’aider le CEPS (le Comité économique des produits de santé) dans sa tarification. C’est une expérimentation volontaire, ce sont les fabricants qui viendront nous voir. Tableau de bord de la CNEDiMTS – Chiffres 2022 – HAS Un tableau de bord global de l’ensemble des chiffres de l’évaluation des dispositifs médicaux par la HAS en 2022 vient de paraître. Quels enseignements en tirez-vous ? Ce qui est marquant est d’abord l’amélioration des délais réglementaires en dépit du nombre de dossiers traités qui reste important et la mise en place de l’activité nouvelle relative à la prise en charge transitoire. Nous notons aussi une limitation du nombre d’études post-inscription demandées. La commission essaye de rationaliser au mieux ses demandes d’études car elle sait que c’est une contrainte pour les professionnels de santé. On peut également observer que le nombre d’actes associés évalué est en baisse mais cela est dû au fait que nous avons eu moins de dossiers de DM déposés nécessitant une évaluation d’acte. Tableau de bord de la CNEDiMTS – Chiffres 2022 – HAS Les DM numériques n’apparaissent pas spécifiquement dans vos chiffres. Pourquoi ? Les DM numériques n’apparaissent pas spécifiquement car ce n’est pas une catégorie en tant que tel et c’est un classement par spécialité médicale qui est usuellement retenu. En 2019, lors de la production de son guide méthodologique relatif à l’évaluation des DM connectés, la CNEDIMTS n’avait pas considéré qu’il soit nécessaire de faire une évaluation différente pour ces DM, même si des particularités techniques avaient été soulignées. La présidente de la CNEDiMTS, Isabelle Adenot, révélait à mind Health en novembre 2021 que très peu de DM embarquant de l’IA (2 au total) avaient été soumis à votre évaluation. Les choses ont-elles évolué ? Nous n’avons pas été submergés, mais nous voyons de plus en plus de dispositifs numériques, en particulier ceux dits de boucle semi fermée pour le diabète. Celui de Diabeloop a obtenu le remboursement et nous avons vu arriver d’autres acteurs, comme Medtronic. Nous voyons aussi beaucoup de DM connectés, comme les défibrillateurs cardiaques implantables, que nous avons récemment dû réévaluer. Isabelle Adenot (CNEDiMTS): “L’arrivée de l’IA a bousculé nos processus d’évaluation” – mind Health Les solutions de santé mentale se sont multipliées ces dernières années, en particulier aux Etats-Unis. Les évaluer doit être particulièrement délicat…Avez-vous déjà eu à le faire ? À date, nous en avons évalué une seule, qui s’appelle Deprexis. La société française qui commercialise cette solution, Ethypharm Digital Therapy, a demandé une première fois l’accès au remboursement, selon le mode de prise en charge transitoire. La CNEDiMTS, dans son premier avis, l’a refusé. La solution a été revue une deuxième fois, dans le guichet de droit commun, et son remboursement a été accepté. Quel est le principal facteur bloquant, qui fait qu’un dossier ne va pas pouvoir obtenir le remboursement ? La principale lacune des dossiers reste le manque de données cliniques. Il y a encore beaucoup de dossiers pour lesquels la Commission rend un avis avec un service attendu (SA) insuffisant, au vu de l’absence de données cliniques suffisantes, quand bien même la solution semble techniquement aboutie. Ces défauts vont tendre à se gommer puisque, dans le cadre du nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux, il y a une quasi obligation de fournir des données cliniques, au moins pour les dispositifs de classe IIb ou III. Tableau de bord de la CNEDiMTS – Chiffres 2022 – HAS Le délai accordé pour la mise en conformité avec le MDR risque fort d’être encore allongé, jusqu’en 2028 vraisemblablement. Quel sera l’impact d’un tel report sur les dossiers que vous examinez ? Les dossiers que nous devions voir arriver avec un marquage CE médical sous MDR auront une certification sous l’ancienne directive, qui restera valable. Le niveau d’exigence entre la réglementation ” directive ” et le ” nouveau règlement ” européen n’est pas le même, donc le manque de données cliniques présentes dans les dossiers qui nous sont soumis, risque de se faire sentir pendant encore quelques années. Pour les fabricants de DMN, le remboursement par l’Assurance maladie reste un Graal difficile à atteindre, au point que certains préfèrent d’abord s’intéresser au marché américain. Pourquoi ces difficultés ? Le processus français est ainsi fait que pour accéder au remboursement, s’il n’existe pas déjà une ligne générique, il faut déposer un dossier auprès de la HAS. La marche pour accéder au remboursement est peut-être haute, mais une fois que l’on y accède, il y a une forme de stabilité, qui n’est pas la même dans tous les pays. Pour l’heure, nous attendons les nouveaux dossiers, en particulier les solutions de télésurveillance qui n’étaient pas concernées par les 5 aires thérapeutiques du programme ETAPES. Ces produits qui vont arriver en nom de marque sont une nouveauté pour nous, leur évaluation va être structurante. Nous nous attendons à recevoir possiblement entre 50 et 100 dossiers dans le courant de l’année 2023. Tableau de bord de la CNEDiMTS – Chiffres 2022 – HAS Romain Bonfillon Assurance MaladieDispositif médicalDonnées cliniquesFinancementsIntelligence ArtificielleRèglementaireSanté mentaleTélésurveillance Besoin d’informations complémentaires ? 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