Accueil > Marques & Agences > Achat média > Laetitia Zinetti (Ebiquity) : “Un manque de transparence subsiste du côté de l’achat de solutions adtech en raison de commissions opaques” Laetitia Zinetti (Ebiquity) : “Un manque de transparence subsiste du côté de l’achat de solutions adtech en raison de commissions opaques” Transparence, reporting, organisation des compétitions... le cabinet de conseil en marketing Ebiquity intervient de plus en plus pour assister les marques dans leurs stratégies et dans leurs relations avec les agences. Laetitia Zinetti, global managing principal de l’activité Media management du cabinet, décrypte l'évolution du marché publicitaire, souligne la persistance de certaines pratiques, en expliquant que les annonceurs en sont parfois responsables. Par . Publié le 28 septembre 2018 à 10h04 - Mis à jour le 28 septembre 2018 à 10h04 Ressources Les annonceurs sollicitent de plus en plus les cabinets. Quel est le positionnement d’Ebiquity Media Consulting sur le marché ? Ebiquity est un cabinet conseil spécialisé dans le marketing, qui compte 800 collaborateurs dans le monde dont une trentaine en France. L’une de ses activités, Ebiquity Media Management, concerne le conseil média. Cette entité dédiée a été créée en 2016 et je la dirige au global. Nous accompagnons les annonceurs sur des problématiques de sélection d’agences, de conseil média et d’organisation des activités media . Elle représente 50 % de l’activité d’Ebiquity en France. La particularité d’Ebiquity Media Management est de ne proposer que du conseil, contrairement à ce que peuvent faire des acteurs comme Accenture (lire sur notre site, ndlr), afin de conserver une indépendance et une neutralité dans les recommandations faites à nos clients annonceurs. Dans notre organisation interne, l’audit et le conseil média sont séparés, même s’il nous arrive de mener les deux missions pour un même client. Notre rôle est d’aider les annonceurs à appréhender l’offre du marché publicitaire. Les agences médias ont souvent peur de la concurrence des cabinets conseil, mais dans la réalité nous sommes rarement en compétition avec elles. Notre activité de sélection d’agences nous permet d’ailleurs de constater qu’elles demeurent des partenaires indispensables pour les annonceurs. Les compétitions sont d’ailleurs un sujet dont se plaignent souvent les agences. L’AACC indiquait fin 2017 que 70 % des participants ne sont pas indemnisées. Les pratiques des annonceurs ont-elles évolué ? Les annonceurs sont conscients de l’effort effectué par les agences en termes de temps et de coût pour avoir le process de compétition le plus juste possible, tout en faisant un choix éclairé et argumenté. Je constate qu’il y a désormais moins de facteurs subjectifs dans les choix qui sont faits, que les conditions de sélection sont plus structurées. Autre évolution, un plus grand nombre d’intervenants est impliqué en interne chez les annonceurs sur les compétitions : on retrouve des profils médias, mais aussi études, e-commerce, car l’agence média a un rôle plus important qu’avant, ce qui a pour conséquence d’alourdir les process. Du côté des participants, les profils sont aussi plus variés en particulier lorsqu’il y a un périmètre numérique dans le brief, on peut retrouver une petite structure dont le coeur de métier est le search ou le social media par exemple aux côtés de gros réseaux médias. Qu’est-ce qu’une bonne compétition d’agences ? Il y a deux façons de s’assurer du bon déroulé d’une compétition. Nous questionnons toujours un annonceur sur la pertinence d’en organiser une, par exemple en faisant un audit de la collaboration avec son partenaire actuel, car souvent, le dysfonctionnement provient de la relation et non du partenaire lui-même. De même, tout le succès d’un appel d’offres repose sur la phase en amont, qui représente 40% de notre travail, car c’est là que nous identifions les besoins et ce que peut être le succès du choix d’un nouveau partenaire. C’est cette étape qui permettra de prendre les bonnes décisions, lorsque le cahier des charges aura été construit et la liste des agences participantes identifiée. Ebiquity va d’ailleurs prochainement publier une charte sur les bonnes pratiques en matière de sélection d’agences. “Un manque de transparence subsiste du côté de l’achat de solutions adtech en raison de commissions opaques qui peuvent être reversées par ces acteurs aux agences lorsqu’elles les choisissent. Le marché tend cependant vers une amélioration” À l’inverse, certains annonceurs optent pour l’internalisation de leur achat média. Quels sont ses enjeux ? Les relations entre agences et annonceurs peuvent difficilement être standardisés mais il est certain que la problématique de la transparence et la complexification des outils technologiques a poussé les annonceurs à s’intéresser à l’internalisation partielle ou totale de cette activité d’agence média. L’internalisation se fait à plusieurs niveaux : celle de l’achat programmatique, adoptée par exemple par Air France ou Se Loger, et celle du planning stratégique, moins fréquente, dans le cadre de laquelle l’annonceur monte en compétence sur la réflexion stratégique pour laisser l’achat à l’agence, c’est ce que font notamment Sky et O2. Beaucoup d’annonceurs se posent cette question. Notre mission est d’évaluer sa faisabilité car souvent on se rend compte que ce n’est pas une bonne idée en raison du nombre de critères qui doivent être réunis : la maturité de l’annonceur, une dépense conséquente, une volonté de tester les nouveautés technologiques et la présence de profils spécialisés en interne. Une fois la décision prise, il faut mettre en place un plan de déploiement progressif sur trois ans, en commençant avec des solutions hybrides avant de pouvoir reprendre la main entièrement sur l’achat média. En effet, l’internalisation demande une organisation adaptée, à la fois avec les partenaires et en interne. Ce dernier point est crucial : comment attirer des profils spécialisés sur le long terme alors qu’ils sont aussi courtisés par les plateformes technologiques et les startup ? Pour cela, la marque doit être suffisamment “sexy” pour recruter, proposer des missions motivantes, et leur permettre de “grandir” au sein de l’entreprise. En juin 2017 Ebiquity présentait aux Cannes Lions son “Media Transparency Score” pour comparer les différents niveaux de transparence entre annonceurs. Pouvez-vous tirer des premières conclusions de ce document ? Nous travaillons actuellement sur l’élaboration d’une nouvelle version de ce questionnaire car la première s’est avérée trop exhaustive pour la vingtaine d’annonceurs mondiaux à qui nous l’avons envoyée ; ils n’avaient ni le temps de répondre à sa soixantaine de questions, ni toujours les compétences requises au sujet de l’achat, de la contractualisation ou encore des outils. Ebiquity publiera une étude début 2019 pour comparer les niveaux de transparence entre annonceurs et entre pays, et à plus long terme elle rendra compte de l’évolution de la transparence dans le temps. “La charge du reporting ne fait pas de consensus car les positions sont différentes d’un annonceur à un autre : certaines entreprises laissent le soin à leur agence de comptabiliser les retours de campagne via des dashboards, d’autres s’équipent avec des outils extérieurs ou en interne” Cette publication est nécessaire car la transparence est un sujet très important pour les annonceurs, même si c’est moins le cas en France grâce à la Loi Sapin qui encadre l’achat média offline et, depuis la publication du décret, le online également. Un manque de transparence subsiste du côté de l’achat de solutions adtech en raison de commissions opaques qui peuvent être reversées par ces acteurs aux agences lorsqu’elles les choisissent. Le marché tend cependant vers une amélioration, notamment car les annonceurs sont désormais majoritairement impliqués. Ils reprennent la main sur la gestion de leurs investissements, par exemple en contractualisant en direct avec les adtech tout en conservant la collaboration avec l’agence, dans une volonté de transparence. En revanche, on se trompe souvent en associant la problématique de la transparence à la seule transparence financière, c’est-à-dire aux commissions cachées. Elle est aussi stratégique – car le conseil média peut être biaisé pour favoriser telle régie avec qui un accord a été conclu, ou telle plateforme en fonction des propriétés de l’algorithme maison – et opérationnelle, au niveau du reporting notamment. Quid du guide pour la transparence dans la publicité en ligne de l’Udecam et de l’UDA annoncé pour définir notamment la responsabilité du reporting de campagne, sur lequel Ebiquity a collaboré ? Ce document n’a pas encore été publié (l’UDA prévoyait initialement d’en faire la présentation à ses membres début mai 2018, ndlr), il est encore en cours de finalisation : c’est une démarche précurseure, que je n’ai pas observée dans beaucoup de pays, car elle met toutes les parties autour de la table, et il est donc difficile de mettre tout le monde d’accord. Quant à la charge du reporting, elle ne fait pas de consensus car les positions sont différentes d’un annonceur à un autre : certaines entreprises laissent le soin à leur agence de comptabiliser les retours de campagne via des dashboards, d’autres s’équipent avec des outils extérieurs ou en interne afin de compiler eux-même les données, quand d’autres encore confient cette tâche à un cabinet ; ça dépend de la maturité des annonceurs. De même, les agences ont beaucoup investi et fourni d’efforts pour proposer des reportings de campagne. Le vrai challenge repose sur la capacité à fournir un reporting intelligent que l’annonceur soit en mesure de lire mais avant tout d’interpréter pour en tirer des leçons quant à l’optimisation de ses campagnes en cours et à venir. Le reporting ne doit pas tuer la data. “Un annonceur ne peut pas exiger d’une agence qu’elle soit transparence tout en la rémunérant par des honoraires qui ne couvrent pas ses frais d’achat média” Pour répondre à l’exigence de transparence, le marché met régulièrement en avant la nécessité de rémunérer le média à sa juste valeur. Les annonceurs en sont-ils suffisamment conscients ? Effectivement, un annonceur ne peut pas exiger d’une agence qu’elle soit transparence tout en la rémunérant par des honoraires qui ne couvrent pas ses frais d’achat média. Ces dernières restent souvent très faibles, alors que dans le même temps les annonceurs attendent toujours plus d’innovations, d’outils, et de talents. D’autant qu’ils cherchent à créer des partenariats, des relations sur la durée et de confiance avec les agences. Le conseil en rémunération, notamment lors de la renégociation de contrats, fait partie des activités d’Ebiquity, qui grâce à la centaine d’appels d’offres médias encadrés chaque année, possède une connaissance des pratiques en matière de modèles de rémunération. Actuellement, il existe trois modèles : le pourcentage prélevé sur l’achat média, par ailleurs plus élevé sur le numérique puisqu’il requiert plus de compétences et d’outils ; le staffing plan qui rémunère le temps hommes ; et un modèle hybride qui emprunte les particularité de ces deux derniers. Au sein de ces trois modèles, on retrouve également une partie variable liée à des résultats de performance comme l’efficacité média, la qualité de service, l’impact sur les ventes, etc. En France, les derniers appels d’offres montrent une tendance aux modèles staffing plan et hybride, car ils placent l’agence dans une relation de partenariat et permettent à l’annonceur de savoir précisément qui fait quoi sur une campagne. C’est d’ailleurs une tendance mondiale pour les annonceurs ayant une dépense publicitaire suffisamment importante pour adopter le modèle de rémunération du temps hommes. Quel sera le sujet prioritaire d’Ebiquity en 2019 ? Nous souhaitons développer notre activité de conseil en organisation interne chez les annonceurs. Pour cela, nous dispensons notamment des formations, plutôt opérationnelles car les formations théoriques sont déjà bien réalisée par les agences médias. Le gros besoin actuel que nous avons identifié est l’organisation des services achats, qui souhaitent à présent monter en compétence au sein des entreprises, qui sont plus avertis sur les thématiques marketing, et veulent apporter plus de transparence dans les process. C’est d’ailleurs un sujet que nous retrouvons souvent dans les appels d’offres : comment aligner les services marketing et achat pour que les critères de sélection des agences médias soient cohérents ? Le risque étant d’opposer le département marketing qui recherche un partenaire stratégique à celui des achats qui réfléchit en fonction de l’optimisation des coûts. On constate d’ailleurs que les directeurs des achats dialoguent de plus en plus directement avec les agences. Laetitia Zinetti 2016 Global managing principal, Ebiquity Media Consulting 2014 Group strategy development director, Ebiquity 2010 Managing director, Ebiquity France 2006 European media manager, Nissan Achat médiaAchat programmatiqueCompétitions d'agencesInternalisationRelations agences-annonceursTransparence Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Etudes Compétitions d'agences : 70% des agences publicitaires non retenues ne sont pas indemnisées Comment améliorer le cadre des compétitions agences-annonceurs ? 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