Accueil > Médias & Audiovisuel > Aides à la presse : comment les aides à la modernisation prennent le pas sur celles dédiées au portage Aides à la presse : comment les aides à la modernisation prennent le pas sur celles dédiées au portage mind Media a réuni les données du ministère de la Culture de 2012 à 2021 pour analyser l’évolution de la répartition des aides directes à la presse par typologie d’éditeurs et de dispositifs sur la période. Cette analyse met en évidence la baisse des aides au portage, compensée par la hausse de celles dédiées à la modernisation. Quelles sont les évolutions les plus marquantes depuis une dizaine d’années ? Comment expliquer ces changements ? À quels titres ou familles d’éditeurs chaque aide profite-t-elle le plus ? Par Aymeric Marolleau avec Paul Roy. Publié le 27 octobre 2022 à 13h01 - Mis à jour le 15 septembre 2023 à 9h30 Ressources Alors que les groupes de presse peinent à absorber la hausse des prix du papier – en témoigne le PSE présenté en interne par le groupe Figaro pour TV Magazine -, le gouvernement pourrait les assister partiellement, avec la création d’une enveloppe de 5 millions d’euros annuels supplémentaires dans le nouveau cadre du nouveau projet de loi de finances, a rapporté la Lettre A mi-octobre. Le montant est cependant jugé trop maigre par l’interprofession : l’APIG réclame que la totalité des 60 millions d’euros budgétés pour le crédit d’impôt à l’abonnement – dont elle a pointé l’inefficacité – soient redirigés vers ce nouveau financement direct. Pour mieux comprendre ce contexte, après avoir détaillé le mois dernier les sommes perçues en 2021 par les groupes les plus aidés, mind Media a analysé l’évolution des aides directes à la presse par catégorie de 2012 à 2021 à partir des données publiées par le ministère de la Culture début septembre (voir méthodologie). Le détail des aides à la presse, aide par aide et titre par titre, de 2012 à 2021 Les aides directes à la presse comptent trois catégories principales : celles au pluralisme (publications nationales IPG à faibles ressources publicitaires, presse périodique régionale et locale, quotidiens régionaux IPG à faibles ressources de petites annonces), celles dédiées à la diffusion (portage) et celles dédiées à la modernisation (distribution de la presse, fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP). Quels groupes ont bénéficié des aides à la presse en 2021 ? Les équilibres entre chacune ont sensiblement évolué ces dernières années. Ainsi, alors que les aides à la modernisation ne comptaient que pour un tiers du total en 2015, elles représentaient un peu plus de la moitié en 2021 (de 23,7 M€ à 48,7 M€, en hausse de 105 %). Dans le même temps, la part des aides à la diffusion a reculé de 46 % à 26 % (de 32,6 M€ à 23,8 M€, – 27 %). Cette tendance est vérifiée par une analyse plus fine de chaque aide au sein de ces trois grandes catégories, à partir d’autres données plus détaillées publiées par le ministère début septembre, avec des chiffres qui diffèrent parfois légèrement. Quelles évolutions chacune de ces aides ont-elles subies depuis une dizaine d’années, et comment expliquer les changements intervenus ? À quels titres ou famille d’éditeurs profitent-elles le plus ? Les aides au portage ont baissé de 30 % depuis 2014 Depuis 1998, les éditeurs qui livrent des exemplaires au domicile de leurs abonnés payants par d’autres moyens que La Poste peuvent solliciter une aide au portage. Elle est calculée pour chaque exemplaire porté, en multipliant la progression du taux de portage (nombre d’exemplaires portés sur le total d’exemplaires portés et postés) d’une année à l’autre par un coefficient annuel fixé par le ministre du budget. Elles ont connu un déclin presque constant depuis 2014, où elles étaient de 37,7 M€ pour 150 titres, à 2021, où elles n’étaient plus que de 26,5 M€ pour 144 titres (- 30 %). Comment expliquer cette baisse, alors que les aides au portage avaient été accentuées à l’issue des États généraux de la presse écrite en 2008 ? D’abord, parce que le portage ne représente plus que 750 millions d’exemplaires de la presse hebdomadaire et quotidienne régionale et de la presse quotidienne nationale contre 850 millions en 2012. Cette tendance est imputable à la baisse de la diffusion papier au global, mais aussi aux difficultés des acteurs du secteur du portage, qui se sont intensifiées au moment de la crise sanitaire. Vers la fin du crédit d’impôt d’abonnement à la presse et la création d’une aide pour le surcoût du papier ? Ensuite, la Cour des comptes a estimé en 2013 que “leur mode de calcul, fondé sur les stocks, emportait, notamment au profit de la presse quotidienne régionale, des effets d’aubaine qu’il convenait de corriger.” Pour ce faire, deux réformes ont été tentées en 2014 (pour asseoir partiellement le calcul de l’aide sur la progression du taux de portage) et 2017 (introduction d’un principe de dégressivité de l’aide à partir de 15 millions d’exemplaires). Une troisième réforme, réalisée en 2019, a introduit un plafonnement de l’aide au portage de 90 à 110 % de l’aide perçue l’année précédente. 67 % des 26,5 M€ versés en 2021 sont allés à des titres de PQR (2 M€ pour Ouest France, 1,4 M€ pour Le Dauphiné Libéré…), contre 19 % pour la PQN (1,3 M€ pour La Croix, 1 M€ pour Libration, 530 000 euros pour L’Équipe…) et 10 % pour des réseaux (1,2 M€ pour le celui du Parisien, Proximy, 736 000 euros pour Figaro Services, 240 000 euros pour IPCS…). La PQR est en effet la famille de presse qui a le plus investi dans ce mode de diffusion, qui représentait en 2015 85 % de sa diffusion France payée. Plus de 40 % des aides à la distribution pour Aujourd’hui en France L’aide à la distribution, instituée en 2002, s’adresse aux messageries de presse et aux quotidiens nationaux d’information politique et générale. Quoique désignée par le ministère de la Culture comme une aide directe, elle est perçue par ces titres mais reversée entièrement à leur messagerie de presse. Notamment Presstalis jusqu’en juillet 2020 (remplacé par France Messagerie depuis sa liquidation judiciaire), qui a reçu, en direct, 850 000 euros d’aide à la distribution chaque année de 2012 à 2017. Renaud Grand-Clément (Le Point) : “Nous sommes redevenus légèrement bénéficiaires en 2021” Cette aide a profité à neuf titres en 2020 et 2021, pour un total de 44 millions d’euros la première année (dont 17 M€ d’aide exceptionnelle à Presstalis) et 27 millions la deuxième. La répartition entre les titres qui en bénéficient est restée relativement stable depuis 2012. Aujourd’hui en France (Groupe Les Echos - Le Parisien) attire la plus grande part des ressources, avec environ 45 % des sommes, devant Le Figaro (environ 18,5 %) et Le Monde (environ 17,5 %). Cette répartition ne dépend pas de leurs chiffres de diffusion. Aujourd’hui-en-France a par exemple reçu 45 centimes d’euro par exemplaire l’an dernier et Le Journal du Dimanche 24 centimes, contre 1 à 3 centimes pour La Croix, Les Echos et Le Monde. Le destin contrarié du FSDP Depuis 2012, le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) permet d'accorder des subventions ou des avances remboursables aux projets des services de presse en ligne, des entreprises éditrices de presse imprimée et des agences de presse qui répondent à un certain nombre de critères. Le montant de celles-ci est compris entre 40 et 70 % des dépenses prévisionnelles éligibles en fonction des projets, et dépendent donc étroitement de la capacité d’investissement des éditeurs qui en bénéficient. Aides à la presse : le ministère de la Culture veut inscrire l’obligation de l’emploi de journalistes professionnels pour leur attribution Son évolution ces dernières années n’a pas été linéaire. Il a d’abord vu ses crédits fortement entamés en 2018, lorsque l’État et les coopératives des quotidiens et magazines s’étaient accordés avec Presstalis pour transférer chaque année, pendant quatre ans, un tiers de ses dotations (9 millions d’euros sur 27), vers l’aide à la distribution de la PQN. Mais ils ont été augmentés de 25 M€ par an à l’occasion du plan d’aide à la presse d’août 2020. Si bien que 109 titres, 15 projets collectifs et cinq agences de presse se sont partagés 32 M€ l’année dernière, contre seulement 9,2 M€ en 2018 pour 69 titres et deux projets collectifs. France-Antille, Martinique, L’Équipe, Les Echos, Le Monde et Le Figaro ont ainsi reçu en commun 3,9 M€, L’Humanité, Libération et La Croix 1,5 M€. Le FSEIP en majorité pour les incubateurs Le Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP) a été créé en 2016 et rassemble trois formes d’aide. Premièrement, des bourses d’émergence visant à soutenir le lancement et le développement de publications ou de services de presse en ligne émergents. Deuxièmement, des appels à projets “programmes d’incubation médias émergents” permettant de développer, sur l’ensemble du territoire, des programmes dédiés aux médias émergents et aux fournisseurs de solution (technologiques, graphiques, commerciales…) destinées aux médias. Ils visent également à consolider ou à encourager la création de programmes d’incubation portés par les groupes de presse eux-mêmes. Troisièmement, des appels à projets “programmes de recherche et de développement” permettant de développer une expertise sur des thèmes au coeur des mutations du secteur (conditions de production de l’information, expérience utilisateur, monétisation des contenus auprès des utilisateurs…) et aux retombées positives sur les acteurs du secteur de la presse. Depuis 2017, le FSEIP a distribué 13,8 M€, soit 2,8 M€ en moyenne chaque année. 62,5 % de cette somme a servi au financement est allée à des d’incubateurs sur l’ensemble du territoire national, et la partie restante pour les bourses d’émergence, plafonnées à 50 000 euros. Les aides attribuées au titre des programmes de recherche et développement ne figurent pas dans les documents publiés par le ministère que nous avons consultés. Le nombre de bénéficiaires est cependant très différent selon le type d’aides versées dans le cadre du FSEIP. En 2021, 28 titres ont reçu une bourse d’émergence et seulement cinq incubateurs ont été soutenus, dont ceux des Echos (360 000 euros) et des Dernières Nouvelles d’Alsace (200 000 euros). Le total a atteint 2,2 M€. Les aides au pluralisme sont surtout destinées aux publications nationales Sur 17,1 M€ d’aides au pluralisme versés en 2021 à 312 titres, 14,2 millions sont allés à 58 titres de presse quotidienne nationale à faibles ressources publicitaires, soit 84 % des montants versés. Seuls 8,2 % des montants sont allés à des titres de PQR et presque autant à des périodiques régionaux et locaux. Ces proportions sont restées sensiblement les mêmes depuis 2017. Par ailleurs, six euros sur dix sont allés à quatre titres de PQN l’an dernier : L’Humanité (3,1 M€), Libération (3 M€), La Croix (2,9 M€) et L’Opinion (1,1 M€). Les trois premiers percevaient déjà des montants à peu près équivalents en 2012. Méthodologie Nous nous sommes appuyés pour cette étude sur le “classement des titres de presse aidés”, mis à jour le 2 septembre 2022. Il est toutefois incomplet, puisqu’il ne rend pas compte des “projets collectifs” (impliquant plusieurs titres appartenant à des groupes différents), du FSDP, qui figurent dans un document distinct. 15 projets de ce type ont été aidés en 2021, pour un total de 9,8 millions d’euros. Concernant le FSEIP, le classement des titres ne mentionne que les 28 qui ont perçu un total de 1,1 M€ au titre des bourses d’émergence, pas les cinq sociétés qui ont perçu un total de 1 M€ pour financer des incubateurs. Plusieurs aides ne figurent pas dans le périmètre des “aides directes à la presse” : les relations financières avec l’AFP (134,98 M€ budgétés en 2021), les crédits dédiés au transport postal de la presse (87,9 M€ budgétés en 2020), les dispositifs fiscaux (162 M€ budgétés en 2021), les dispositifs sociaux (114 M€ budgétés en 2021). Une remarque, une question ? Contactez-nous : datalab@mind.eu.com Aymeric Marolleau avec Paul Roy Aides à la presseAudiences et diffusionInformation localeLobbyingPQNSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le détail des aides à la presse, année par année Analyses Dossiers Quels groupes ont bénéficié des aides à la presse en 2021 ? Quels titres ont bénéficié des aides à la presse en 2019 ? Philippe Carli devient président de l’APIG Vers la fin du crédit d’impôt d’abonnement à la presse et la création d’une aide pour le surcoût du papier ? 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