Accueil > Médias & Audiovisuel > Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires L’IAB Europe a publié en juillet un état des lieux des pratiques et des attentes des acheteurs publicitaires en retail media, après avoir interrogé 180 responsables en Europe. Le marché européen s’avère encore dynamique, mais toujours trop fragmenté et difficilement mesurable par les marques. mind Media en détaille les principaux enseignements et les analyse avec leurs vis-à-vis, des dirigeants de régies spécialisées et leurs partenaires : Alexandra Suire (Fnac Darty), Alban Schleuniger (Infinity Advertising), Salma Kharchafi (Klépierre), Frédéric Marty-Debat (Valiuz) et Claude Spasevski (Equativ). Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 05 septembre 2025 à 12h15 - Mis à jour le 05 septembre 2025 à 14h12 Ressources Le retail media, la publicité insérée au sein d’environnements e-commerce, progresse toujours de façon soutenue en Europe, avec 11 milliards d’euros d’investissements en 2024, soit une croissance annuelle de 22 %, selon les chiffres d’une étude sur la publicité en ligne de l’IAB Europe publiée en mai 2025. L’association européenne estime à 25 milliards d’euros la taille du marché en 2026, sept fois plus qu’en 2019. Avec néanmoins des disparités. 74 % des investissements publicitaires concernent en effet le retail search – pour majeure partie Amazon -, et 26 % le retail display, qui progresse moins vite (+ 15 % en deux ans, contre + 25 %). Le secteur s’organise, se diversifie et se structure pour capter ces investissements, mais beaucoup reste à faire pour satisfaire les attentes des marques. C’est ce qu’indique un rapport de l’IAB Europe sur les pratiques du retail media publié, lui, le 15 juillet dernier, après avoir interrogé en ligne, entre avril et juin, près de 180 responsables du secteur (16 % d’annonceurs, 43 % d’agences, et 41 % de retailers, de réseaux de retail media et d’éditeurs médias) dans 31 marchés. 75 % d’entre eux géraient des budgets supérieurs à un million d’euros par an. Les points-clés 1. Le retail media évolue d’une approche on-site vers un modèle multicanal. 2. L’exploitation des données propriétaires n’est pas encore aboutie. 3. Des freins perdurent : la fragmentation des acteurs, et le manque de standardisation et de mesures fiables et industrielles (retour sur investissement, incrémentalité). Des relations plus longues Première tendance : les accords de longue durée entre vendeurs publicitaires du retail et les marques et leurs représentants se développent. En 2025, 63 % des acheteurs médias européens entretiennent ainsi des partenariats de plus d’un an avec les retailers. C’était seulement 50 % en 2024. Investissements dans la publicité digitale en Europe : les 5 points clés à retenir Cette longévité croissante des relations s’accompagne cependant d’une diversification des portefeuilles : toujours selon le rapport de l’IAB Europe, 24 % des marques disent en 2025 collaborer avec quatre à six réseaux de retail media, soit plus du double de l’an dernier. Un passage obligé ou une dispersion des efforts ? “Il y a une phase de tests de la part des acheteurs, ce qui est plutôt logique, et en pratique le nombre de partenaires varient selon l’expérience et l’apprentissage des marques et leur secteur d’activité. Avec le temps, une certaine maturité s’installe, ce que montre d’ailleurs l’étude, avec des exigences accrues qui rationnalisent progressivement le secteur”, estime Frédéric Marty-Debat, co-leader retail media de Valiuz, la société de data retail des enseignes Mulliez (Leroy Merlin, Boulanger, Décathlon…). Le offsite progresse rapidement Parmi les autres chiffres clés de l’étude, les dispositifs off-site deviennent un levier significatif, avec 46 % des acheteurs y consacrant au moins 41 % de leur budget digital (+ 16 points par rapport à 2024). Il est tiré par le display (58 %) et les réseaux sociaux (55 %). L’objectif : toucher les Français sur tous les points de contact au-delà des écosystèmes propriétaires. Alexandra Suire, directrice de Retailink, la régie de Fnac Darty, confirme cette accélération du mix on-site / off-site : “On observe une demande croissante des marques pour orchestrer des campagnes display et CTV autour de nos données propriétaires afin de toucher le consommateur avant, pendant et après la visite sur nos sites.” Progressivement, le retail media sort ainsi de ses frontières naturelles. “Le off-site, la CTV et même le DOOH deviennent des terrains de jeu où les données transactionnelles des distributeurs sont exploitées pour du ciblage et de la mesure. Cette extension accélère la fragmentation des offres et impose aux annonceurs de maîtriser l’orchestration cross-canal”, souligne Claude Spasevski, senior vice president data and retail au sein de la SSP Equativ. L’organisation interne des spécialistes suit d’ailleurs cette dynamique omnicanale : selon l’étude de l’IAB Europe, côté acheteurs, 44 % disent intégrer désormais le retail media dans leurs équipes digitales (contre 34 % en 2024), tandis que 58 % des retailers ont créé des équipes commerciales dédiées (36 % en 2024). Résultats publicitaires T2 2025 : l’activité d’Amazon en hausse de 23 % Le media in-store en retrait Le digital en magasin, le retail media- in -store, reste cependant le parent pauvre du marché : 29 % des annonceurs n’y investissent toujours pas (33 % en 2024) et 14 % ne savent pas s’ils y investissent (22 % en 2024), malgré l’offre croissante d’écrans digitaux, puisque 70 % des retailers déclarent désormais proposer ce type de communication (44 % un an plus tôt ). “Le segment in-store, en particulier le DOOH en centre commercial, reste encore sous-investi malgré sa forte dynamique de croissance”, confirme Salma Kharchafi, directrice marketing, communication et retail media pour la France et la Belgique de Klépierre, groupe propriétaire et gestionnaire de centre commerciaux européens. “Ce canal offre pourtant des opportunités uniques : campagnes omnicanales, formats variés (écrans, audio, activations, adhésivage), et un impact réel sur le haut du tunnel : notoriété, préférence de marque et top of mind. Les centres commerciaux permettent d’activer des dispositifs 360° en lien direct avec l’acte d’achat, auprès d’audiences captives et qualifiées”, ajoute-t-elle. Certains acteurs capables de s’appuyer sur des actifs existants ont pu développer rapidement ce segment. Chez Fnac Darty, où les magasins ont généré 79 % du chiffre d’affaires au premier trimestre – soit 1,4 milliard d’euros -, l’in-store (DOOH, corners évènementiels…) représente plus de 30 % des investissements totaux des marques pour sa régie Retailink. La promesse faite aux annonceurs : l’opportunité de communiquer en full funnel, de façon omnicanale, pour travailler des objectifs de branding et de notoriété, pas seulement en conversion. “Cette proposition de valeur séduit beaucoup les marques hors-captives, affirme Alexandra Suire (Retailink). Près de la moitié des investissements sur nos écrans XXL en vitrines sont désormais réalisés par des annonceurs non vendus dans nos magasins, à travers des secteurs tels que l’automobile, le tourisme et les transports, les télécoms et le luxe.” Les chiffres de l’e-retail media en France au 1er semestre 2025 647 millions d’euros d’investissement, dont 477 millions en search (74 %) et 164 millions en display (26 %) 12 % de croissance en un an (+ 68 millions d’euros) Sources : Observatoire de l’ePub SRI-Udecam S1 2025 Toujours des freins à lever Des réserves persistent sur l’évolution des pratiques. Le premier frein à la croissance du secteur reste sa fragmentation. 51 % des acheteurs déplorent l’éparpillement des réseaux et 53 % le manque de standardisation. Un obstacle, alors que l’accès aux données propriétaires à large échelle reste à leurs yeux leur principal moteur d’investissement (pour 87 % d’entre eux, + 2 points en un an), devant le ciblage en point de vente (79 %, plus 5 points). C’est ce à quoi veut répondre le rapprochement imminent, annoncé en septembre 2024, de la régie spécialisée Infinity Advertising, la structure du groupement Mousquetaires (Intermarché, Monoprix, BricoMarché…) et de Valiuz (Association familiale Mulliez). “Cela apportera au marché un reach très important, ainsi qu’une simplification de l’accès aux inventaires, deux points clés pour les acheteurs”, souligne Alban Schleuniger, directeur général d’Infinity Advertising. En février, une étape supplémentaire vers ce rapprochement s’est concrétisée : Infinity Advertising est devenue une filiale à 100 % du Groupement Mousquetaires / Intermarché après son rachat des parts détenues par RelevanC, la filiale dédiée aux données retail du groupe Casino. Infinity Advertising a réalisé une croissance de 15 % de son chiffre d’affaires au premier semestre et vise davantage. Dans un contexte de raréfaction des cookies, la donnée propriétaire liée au retail prend plus d’importance. “Dans un environnement où moins de la moitié des inventaires publicitaires exploitent encore des cookies tiers, les retailers deviennent des partenaires stratégiques pour les marques, capables de combler le déficit d’adressabilité grâce à leur donnée first-party, explique Claude Spasevski (Equativ). Les acteurs qui sauront activer ces données de façon interopérable, notamment via des clean rooms ou des identifiants universels qui adresseront la CTV, auront un avantage compétitif net.” Une priorité : une mesure comparable Le développement du retail media s’écrit donc autour de l’intégration omnicanale. “Le retail media a rapidement évolué d’un simple dispositif sur site à une discipline multicanale axée sur la performance, avec des partenariats de plus en plus étroits et des budgets diversifiés. Mais l’étude souligne aussi le besoin critique, à l’échelle de l’industrie, de normes de mesure unifiées et d’une activation des données”, observe au sein du rapport Patricia Grundmann, VP media & retail media à OBI First Media Group, la filiale de retail media du groupe média allemand OBI, par ailleurs vice chair retail & commerce media committee à l’IAB Europe. La bonne activation des données propriétaires et l’intégration omnicanale des dispositifs figurent ainsi en tête des attentes exprimées par les acheteurs publicitaires (pour respectivement 49 % et 36 % des acheteurs), devant la mesure d’incrémentalité des campagnes (23 %), et la standardisation (21 %). Retail media : la mesure, un enjeu du passage à l’échelle La mesure, en particulier, est un point clé sur lequel les régies et leurs partenaires peuvent (doivent) agir. “Il y a la nécessité évidente de standardiser la mesure, fait remarquer Alban Schleuniger (Infinity Advertising). La mise en place en France de la certification de la mesure d’impact sur les ventes par le CESP va dans le bons sens pour apporter plus de transparence et de confiance aux annonceurs et aux agences.” Depuis janvier 2025, le CESP, qui s’est appuyé sur le travail d’Alliance digitale et celui de Publicis et de l’Ilec, fournit en effet au marché français le label e-retail Data trust – accordé à Infinity Advertising, Retailink et plus récemment à Valiuz. De son côté, Alliance digitale tente de partager les réflexions et d’aligner les pratiques en coordonnant des ateliers et en produisant des livres blancs. L’IAB Europe développe également des travaux à l’échelle européenne depuis 2024. Comment fonctionne le label e-retail Data trust du CESP “Il faut avancer, confirme Alexandra Suire (Retailink). Nous voulons proposer une mesure complète et unifiée à la fois des KPI médias (CTR, taux de complétion…) et de performance (ROAS global incluant le brand halo et l’effet ROPO, les ventes incrémentales…). Tout cela repose sur une méthodologie éprouvée dédupliquant l’impact des différents points de contact. Sans cette transparence, les budgets des marques ne basculeront pas durablement.” Des reportings plus clairs La croissance du retail media européen, certes significative, est largement freinée par l’absence d’harmonisation des indicateurs. Un avis partagé par Claude Spasevski (Equativ) : “Tant que les marques et les agences ne disposeront pas d’un socle commun pour la mesure et l’attribution, les investissements resteront fragmentés. Les standards publiés par l’IAB Europe en avril 2024 sont un pas structurant, mais leur adoption rapide par les acteurs locaux sera déterminante pour enclencher un véritable effet d’échelle.” Outre la transparence et la mesure, une attention particulière des acheteurs porte sur la forme des comptes rendus des campagnes : selon l’étude de l’IAB Europe, 82 % d’entre eux placent la clarté du reporting en tête de leurs critères d’évaluation, devant la performance (76 %) et les options de mesure (75 %), pour évaluer et comparer leurs régies partenaires. Si 88 % des acheteurs réclament un retour sur investissement précis et quantifié (+ 12 points en un an), seuls 71 % des réseaux le proposent aujourd’hui ; un écart problématique entre acheteurs et vendeurs qui persiste. Là aussi, les régies du retail doivent progresser et harmoniser leurs pratiques. Avec un constat en guise d’avertissement : “Plus il y a d’acteurs, moins la standardisation et l’uniformisation sont possibles, plus cela pose des difficultés aux acheteurs . Le secteur sort progressivement de l’adolescence, mais il faut aller plus vite. Consolider est un pré-requis et c’est d’ailleurs aussi la clé pour répondre aux principales attentes exprimées par les acheteurs et attirer davantage leurs investissements. À défaut, on laissera le champ libre à Amazon”, prévient Frédéric Marty-Debat (Valiuz). Jean-Michel De Marchi EtudesMesure médiaPublicité programmatiqueRégiesRetail media Besoin d’informations complémentaires ? 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