Accueil > Médias & Audiovisuel > L’IA dans les rédactions : les exemples de l’AFP, Ouest-France et Humanoid L’IA dans les rédactions : les exemples de l’AFP, Ouest-France et Humanoid Si les médias se montrent prudents dans l’usage de l’IA générative, différentes initiatives émergent sur les produits et contenus proposés aux lecteurs, et davantage encore pour assister le travail des journalistes. Lors de notre conférence mind Media Day sur l’IA générative, mind Media a interrogé David Dieudonné, chef de projet intelligence artificielle à Ouest-France, Julien Cadot, directeur des opérations du groupe Humanoid (Numerama, Frandroid, Madmoizelle) et Édouard Guihaire, adjoint au rédacteur en chef technique de l’AFP, sur leurs stratégies, leurs expérimentations et leurs prochains axes de travail. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 17 octobre 2025 à 12h06 - Mis à jour le 17 octobre 2025 à 17h31 Ressources Des stratégies différentes La table ronde dédiée aux usages de l’IA dans les rédactions, qui a réuni mercredi 15 octobre Julien Cadot (Humanoid), Édouard Guihaire (AFP) et David Dieudonné (Ouest-France) lors de la conférence mind Media Day, a mis en exergue des convergences et des différences en matière d’IA. D’abord en matière de stratégies et de gouvernance. D’un côté, une approche structurée et descendante. Ouest-France a ainsi opté pour une approche proactive, participative, mais prudente et très encadrée sur le pilotage. “Nous utilisons l’IA depuis longtemps, mais nous voulons aller plus loin, avec prudence. Nous souhaitons utiliser le patrimoine éditorial de Ouest-France tout en le préservant”, a notamment indiqué David Dieudonné, chef de projet intelligence artificielle de Ouest-France. Le journal a organisé le déploiement de l’IA en trois temps : mise à disposition d’outils, encouragement de la participation des journalistes et remontée d’idées, puis sélection des propositions par un comité dédié avant le lancement de POC. Les journalistes sont donc invités à exprimer des idées, des envies, mais un comité hiérarchique veille à la cohérence globale et est chargé de retenir et d’accompagner les projets retenus. L’éthique et la déontologie sont intégrées au plus haut niveau hiérarchique, auxquels s’ajoute un dialogue permanent avec les partenaires sociaux. Synthèse de l’étude mind Media-366 sur l’IA générative appliquée à la recherche, aux médias et à la publicité L’approche est comparable du côté de l’AFP, avec un usage de l’IA générative plus encadré encore, et plus verticalisé, avec une philosophie claire : “Au sein de l’agence, l’IA est un assistant, pas un remplaçant”, a souligné Édouard Guihaire, adjoint au rédacteur en chef technique. L’agence de presse privilégie le contrôle et la sécurité, avec une évaluation continue des outils, une formation progressive via des ambassadeurs et des règles éditoriales strictes. La liberté d’expérimenter (Copilot, ChatGPT, Mistral) existe, mais elle est encadrée par un principe de sécurité absolue des données, avec une préférence pour l’environnement Microsoft sécurisé. De son côté, le groupe Humanoid (Numerama, Frandroid, Madmoizelle) assume un pragmatisme décomplexé et “une culture de la confiance”, dans une organisation plus horizontale. Une position qui tient aussi à la nature du groupe, pure player digital positionné en grande partie sur l’information technologique. Julien Cadot, directeur des opérations du groupe, a expliqué mettre à disposition des outils et capitaliser sur leur prise en main et les innovations des équipes pour les industrialiser via des prompts. Le pilotage consiste à impulser une culture et valider les besoins, en s’appuyant sur les “pain points” des journalistes. “Mais tous les contenus restent relus et validés – ou pas – par un humain, et le journaliste demeure totalement libre d’utiliser ou non et de modifier les propositions qui lui sont faites. Utiliser l’IA de façon proactive n’empêche pas de réfléchir et de garder ses réflexes journalistiques”, a souligné Julien Cadot. IA générative : comment les rédactions françaises amorcent les premiers usages éditoriaux (2024) Entre engagement des audiences et gains de productivité Sur le terrain, les cas d’usage reflètent ces différences d’approche. Ouest-France mise pour l’instant d’abord sur l’engagement et les nouveaux formats. Deux POC ont été lancés au premier semestre 2025 : un outil interne transformant des articles en quiz pour les audiences loguées, et un chatbot éphémère sur les 24 Heures du Mans. Le premier, développé avec Collective Audience, a généré plus de 20 000 votes et 2 minutes 40 de temps passé en moyenne. Le second, à plus petite échelle, a permis de tirer des enseignements sur l’UX malgré une fréquentation modeste. Pour garantir la fiabilité, Ouest-France utilise des modèles open source customisés, entraînés uniquement sur ses contenus, et “bride les modèles pour éviter qu’ils veuillent répondre à tout prix” aux questions des lecteurs, selon David Dieudonné. L’AFP privilégie les gains d’efficacité. Plusieurs cas d’usage ont été cités : transcription avec un outil propriétaire basé sur Whisper, automatisation de l’extraction de métadonnées et reconnaissance faciale pour l’édition photo. Des dispositifs de RAG sur l’accès aux chartes de déontologie et méthodes de travail, nombreuses et codifiées au sein de l’agence, sont déjà en place pour répondre aux interrogations des journalistes. L’approche est pragmatique : chaque outil doit prouver sa valeur et sa fiabilité avant un déploiement large. Humanoid est plus avancé dans les dispositifs éditoriaux. Le groupe se concentre sur la résolution de micro-problèmes opérationnels. Le partenariat avec Perplexity offre un double avantage : “L’accès gratuit à son offre entreprise pour les rédactions, et l’intégration de son moteur en marque blanche sur les sites”, a indiqué Julien Cadot. Par ailleurs, une dizaine de cas d’usage sont déjà déployés et utilisés fréquemment : correction typographique, génération de tableaux comparatifs, conversion de photos prise par les journalistes en tableaux comparatifs, audit SEO, etc. Le retard de la mise en place par Perplexity de son programme publicitaire – dont les revenus devaient être partagés avec les éditeurs – est un regret pour Julien Cadot, mais il n’entache pas un bilan jugé positif. “Preuve de son intérêt, Perplexity est l’outil le plus utilisé au quotidien par nos rédactions parmi les dizaines d’outils et solutions techniques à disposition”, a souligné le directeur des opérations d’Humanoid. Le principal enseignement tiré : le succès vient de la résolution de problèmes concrets soulevés par les journalistes. Les mutations du search à l’ère de l’IA générative D’autres usages prévus en 2026 Parmi les efforts autour de l’IA ces prochains mois, Ouest-France travaille désormais sur les élections municipales de mars 2026, avec une priorité : “aider les journalistes à travailler de façon plus granulaire”, selon David Dieudonné. L’objectif reste d’approfondir les articles tout en générant de l’engagement. Humanoid anticipe un changement de paradigme majeur : la fin du web “ouvert” au profit des LLM. Le projet prioritaire est donc de “convertir les sites en bases de données riches et ‘interrogeables’ de manière native”, a affirmé Julien Cadot, pour déployer des applications directement dans les écosystèmes des LLM. L’objectif : ne plus dépendre d’un seul intermédiaire, Perplexity ou un autre, mais devenir une source directe et monétisable pour les assistants IA, au-delà des simples redevances considérées comme des “subventions non durables”. IA générative : panorama des solutions techniques de protection et de monétisation des contenus L’AFP vise aussi l’industrialisation de l’IA, mais toujours dans une approche métier. La stratégie 2026 : généraliser les bénéfices de l’IA à tous les départements (vidéo, photo, infographie), finaliser un “déontobot” (chatbot RAG sur les règles éditoriales et déontologiques de l’agence) et automatiser des tâches standardisées, comme la traduction de contenus non-créatifs, a indiqué Édouard Guihaire. L’objectif continu est de simplifier les workflows “pour libérer du temps” pour le journalisme de terrain et d’enquête, cœur de métier de l’agence. Édouard Guihaire, David Dieudonné, et Julien Cadot partagent une même conviction : l’IA ne doit pas être un gadget ou un produit d’innovation marketing, mais un outil simplificateur du travail des rédactions, au plus près des différents métiers. mind Media publiera ces prochaines semaines des interviews et des articles plus détaillés avec chacun des trois interlocuteurs. Jean-Michel De Marchi IA générativeInnovationsOrganisationSites d'actualitéTechnologies Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Analyses gratuit Synthèse de l'étude mind Media-366 sur l’IA générative appliquée à la recherche, aux médias et à la publicité Le Figaro explique son partenariat avec Perplexity Le trafic généré par les robots LLM en très forte progression, selon Datadome Opt-out : quels éditeurs français interdisent les robots crawlers de l'IA générative ? 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