Accueil > Médias & Audiovisuel > IA générative : comment les rédactions françaises amorcent les premiers usages éditoriaux IA générative : comment les rédactions françaises amorcent les premiers usages éditoriaux L’Est Républicain, Ouest-France, France Télévisions, TF1, Radio France, Le Parisien, Le Monde, AFP, L'Express, L'Équipe… Avec prudence mais de façon volontariste, de plus en plus de médias s'organisent pour identifier et tester les applications optimales de l'intelligence artificielle appliquée à l’information. mind Media a interrogé une quinzaine d’interlocuteurs au sein de directions éditoriales et techniques pour présenter les visions stratégiques, les organisations de travail et les premières expériences amorcées dans l’Hexagone. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 01 mars 2024 à 18h19 - Mis à jour le 08 mars 2024 à 18h15 Ressources Après une phase de sidération qui a suivi l’apparition de l’intelligence artificielle générative à l’automne 2022 et leur développement en 2023, les médias tentent de s’emparer de ces nouveaux outils et des promesses de productivité qu’ils offrent pour leurs activités éditoriales. Avec prudence certes, tant l’application sur l’information est sensible et l’impact social potentiellement important : les journalistes et leurs représentants sont parfois méfiants vis-à-vis du sens à donner au journalisme, mais aussi de l’impact sur leur emploi et leurs conditions de travail. En 2023, les éditeurs d’informations ont été discrets. On peut citer, parmi les très rares dispositifs un peu ambitieux aperçus jusque-là en France, Numerama, qui diffuse depuis fin juin une newsletter, Artificielles, proposant une sélection automatisée d’articles sur l’intelligence artificielle. Des initiatives voient cependant le jour depuis le dernier trimestre : la plupart des médias mettent en place des protocoles techniques pour indiquer aux fournisseurs d’IA que leurs contenus sont protégés par le droit d’auteur – ils veulent négocier une rémunération pour leur utilisation -, et comme mind Media le révélait vendredi 23 février, Ouest-France et Le Monde ont noué ces derniers mois des partenariats technologiques avec Microsoft. Ils sont en train de se concrétiser avec la mise en place de serveurs dédiés pour leurs premiers tests. [Info mind Media] IA générative : premiers accords technologiques entre Microsoft et des médias français Au niveau rédactionnel, des chartes sont parfois mises en place pour encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle générative (lire notre encadré en fin d’article), perçue comme une opportunité. mind Media a interrogé une quinzaine d’interlocuteurs dans neuf grandes rédactions françaises pour dresser un premier panorama. Le Monde La vision stratégique Le Monde a été le premier grand média français à concevoir et à publier des contenus automatiquement rédigés. C’était en 2015, pour publier les résultats locaux des élections départementales, puis régionales, avec la start-up française Syllabs. Celle-ci a rapidement ensuite travaillé avec d’autres éditeurs comme France Télévisions et Ouest-France. Il s’agissait d’une première application, plus basique, des contenus automatisés. Dans son approche de l’IA générative, le Monde souhaite aujourd’hui “garder de la vitalité et de l’innovation, tout en conservant nos fondamentaux journalistiques”, selon Jérôme Fenoglio, directeur du Monde, interrogé par mind Media. “L’IA générative va sans doute apporter une révolution comparable à celle qu’a été internet pour l’information. Il faut se positionner à la lumière de notre expérience, ajoute-t-il. Ce n’est pas la fin du journalisme, comme on l’avait prédit. Ce sera la même chose pour l’IA générative. Elle est porteuse à la fois de risques et de bénéfices pour les médias. Elle va servir le journalisme, à condition d’être conscient des dangers et des opportunités qu’elle offre. Il faut par ailleurs être vigilant et ferme sur la protection de nos droits sur nos contenus et obtenir gain de cause dans nos discussions avec les plateformes spécialisées.” La méthode de travail La direction du journal a composé avec les organes représentatifs internes pour poser un cadre. A cet effet, une charte a été finalisée en décembre, comme mind Media l’a révélé le 23 janvier. Le document, que mind Media s’est procuré, a été élaboré par la Société des rédacteurs et Jérôme Fenoglio, directeur du Monde et membre du directoire, avant d’être examiné par le comité d’éthique et de déontologie du Monde. [Info mind Media] Le groupe Le Monde met en place une charte sur l’IA générative Le texte s’applique à l’ensemble des titres du groupe Le Monde et a été pensé comme un complément à la charte d’éthique et de déontologie du groupe. Il pose une série de principes : un usage uniquement comme outil d’assistance à la production éditoriale et en aucun cas “pour produire un contenu éditorial ex nihilo”, une supervision par les équipes éditoriales, une mention systématique faite aux lecteurs lors de son utilisation, enfin son interdiction pour la production d’images, sauf exceptions. Très court – il tient en une page -, le texte pose des principes suffisamment larges pour laisser place à l’innovation. Les initiatives et projets Comme mind Media le révélait jeudi 15 février, Le Monde a signé un accord avec Microsoft pour mettre en place sa propre infrastructure sécurisée d’IA générative. Il offre un serveur fermé, localisé en France, pour utiliser de façon mieux sécurisée les versions payantes de ChatGPT sur ses propres contenus et données, de façon à s’assurer de la qualité des données utilisées dans les réponses, et se protéger juridiquement en n’utilisant pas des données externes protégées par le droit d’auteur. Ce sont à notre connaissance, avec l’accord noué avec Ouest-France, les premiers partenariats de ce type entre un fournisseur d’IA générative et des groupes médias français. Le groupe – comme beaucoup d’autres groupes médias – utilise déjà l’IA générative pour son outil de text-to-speech inséré dans son application mobile, la retranscription audio en speech-to-text (via Trint), ou encore la traduction quotidienne d’une quarantaine de ses articles pour son site en anglais, avant relecture et ajustements par des journalistes. Les principes posés au sein du groupe Le Monde sont suffisamment larges pour laisser place à l’innovation et pour réfléchir à de nouvelles utilisations. “Il y a déjà des apports significatifs pour le développement de nos offres éditoriales à un coût raisonnable et au bénéfice du journaliste. C’est cette voie qu’il faut poursuivre”, observe Jérôme Fenoglio. Des réflexions et expérimentations à petite échelle ont lieu, par exemple pour l’aide à la documentation interne et au motion design. La direction du Monde réfléchit également à des usages possibles autour de la transformation de dépêches. Comme pour Ouest-France, les tests portant sur les contenus pourront s’appuyer sur le partenariat noué avec Microsoft qui prévoit la mise à disposition de serveurs dédiés et a priori sécurisés. [Info mind Media] RSF veut s’appuyer sur l’ACPM pour certifier la fiabilité des médias français Ouest-France La vision stratégique Sans faire de bruit, Ouest-France est peut-être le groupe média français le plus avancé en matière de stratégie et d’initiatives autour de l’IA générative. Une impulsion volontariste vers la technologie favorisée par la nomination en juin dernier de François-Xavier Lefranc comme directeur de la publication et président du directoire, ouvert à l’innovation, et celle de Fabrice Bazard, l’ancien directeur du numérique ayant été nommé au même moment directeur général du journal. “C’est une évolution qui promet beaucoup, qui offre des perspectives mais comporte des risques qu’il faut avoir à l’esprit”, observe Philippe Boissonnat, interrogé par mind Media. Celui-ci, rédacteur en chef de Ouest-France, est notamment chargé des chartes et intervient sur les sujets liés à l’IA au sein du journal pour veiller au respect des règles éthiques et déontologiques du journalisme. La méthode de travail Le groupe n’a pas de charte, ce qui ne l’empêche pas d’être très actif. C’est même un choix délibéré : “On s’est dit qu’il serait peut-être trop précoce de mettre en place une charte très précise sans avoir compris en amont ce dont il s’agit exactement, ni avoir testé précisément les outils. Nous voulions aussi ne pas brider les usages internes”, explique Philippe Boissonnat. La volonté de la direction est d’encourager et favoriser les initiatives et tests individuels à l’échelle du groupe SIPA-Ouest-France, dans ses différents services (rédactions, marketing, technique…), tout en les supervisant. Un CSE a par ailleurs eu lieu sur l’IA générative fin janvier pour informer et sensibiliser les équipes. Une simple note interne a donc été publiée fin novembre pour fixer aux équipes un cadre, assez large, et rappeler quelques règles de bon sens, sans entraver les initiatives. Elle interdit par exemple l’usage des versions gratuites des outils d’IA générative, tant la différence de qualité des résultats est grande avec les versions payantes. Elle prévoit également que les salariés effectuant des tests ou voulant en effectuer doivent se signaler à la direction. “Cela permet de vérifier la légalité de l’initiative, l’optimiser si besoin et d’anticiper le coût auquel il faut s’attendre, un aspect qui n’est pas anodin”, et dont les salariés peuvent ne pas avoir conscience, souligne Philippe Boissonnat. Différents acteurs au sein du groupe sont responsables de la réflexion, de la supervision et de la coordination autour de l’IA générative. Parmi les différents cadres qui interviennent dans les dispositifs au niveau opérationnel, Philippe Boissonnat intervient en sa qualité de rédacteur en chef chargé des chartes pour veiller au respect des règles éthiques et déontologiques du journalisme, tandis que Maxime Rezé, journaliste responsable du pôle outils de la rédaction assiste les projets au niveau opérationnel. Enfin Laurent Hué, cofondateur de Saooti, start-up spécialisée dans l’audio acquise par le groupe, intervient au niveau de la coordination de l’ensemble des expérimentations dans les filiales. L’encadrement propose par ailleurs en interne aux salariés des ateliers pédagogiques sur l’IA ; un point clé pour que les salariés soient embarqués dans le projet et qu’ils utilisent correctement l’IA lors des tests proposés. Les initiatives et projets Après avoir structuré sa démarche, l’objectif désormais de Ouest-France est de tester des dispositifs tout au long de 2024, pour aboutir à une vision globale et de premières conclusions en fin d’année. L’infrastructure technique mise en place est baptisée Muse. Le titre attend beaucoup des idées et expérimentations qui seront proposées par ses salariés. Elle a également en tête plusieurs dispositifs qui seront testés : l’aide à la modération des commentaires – une difficulté tellement forte et coûteuse pour les éditeurs médias que beaucoup ont supprimé cette fonctionnalité sous leurs articles ou largement réduit leur portée -, des synthèses et la génération des points à retenir d’un article, l’infographie et plus largement la réutilisation de données. Text-to-speech (1/2) : le panorama des outils utilisés dans les rédactions françaises Text-to-speech (2/2) : les éditeurs d’informations dressent un premier bilan satisfaisant TF1 La vision stratégique Chez TF1, l’intelligence artificielle générative a été placée au rang de sujet prioritaire au sein du groupe par son PDG Rodolphe Belmer, fin 2023. Il a demandé à chaque métier d’y réfléchir et d’avancer. Côté information, le sujet est supervisé et impulsé par Thierry Thuillier, le directeur de l’information, et dans son équipe, au niveau opérationnel, il est incarné en particulier par Olivier Ravanello, directeur de l’information digitale et de la stratégie, chargé d’imaginer et mettre en oeuvre des dispositifs appliqués à l’information. “Ayons conscience des enjeux éthiques, mais restons ouverts et pragmatiques : l’IA est un outil. Ce n’est ni la panacée, ni le diable qu’on évoque. Il ne faut pas la subir, ni être fataliste, et être au contraire le plus actif possible pour identifier et comprendre à la fois les usages possibles et les risques pour en conserver la maîtrise”, observe Olivier Ravanello, interrogé par mind Media. La méthode de travail Le groupe a souhaité travailler de façon très simple et très opérationnelle, par métier. Il ne s’est pas encore doté d’une charte, mais des réflexions sont en cours à ce sujet. Différents groupes de travail et réunions transversales dans différents métiers sont donc mis en place : rédaction, juridique, documentation, technique… Au niveau éditorial, sous Olivier Ravanello, les projets sont encadrés par Julien Laurent, directeur digital et de l’information numérique de TF1. Les initiatives et projets Au niveau de l’information, TF1 travaille activement à la façon d’utiliser l’IA générative dans le CMS éditorial, afin d’optimiser l’édition. Un premier travail en cours concerne l’automatisation de l’insertion des tags, une tâche importante et fine au niveau technique et éditorial pour la présentation des articles et pour le back-office, qui nécessite parfois temps et expertise, au détriment de tâches plus visibles et à plus de valeur ajoutée. Le deuxième type de sujet exploré concerne la production de contenus serviciels, pour enrichir l’information ou pour créer de nouvelles offres. Un type de contenu sur lequel le service de l’information du groupe travaille depuis deux ans et que l’émergence de l’IA générative est venue conforter et appuyer. “Dans la production éditoriale proposée au public, on peut distinguer l’information pratique et servicielle, très factuelle, de l’information journalistique. La première est du contenu parfois important pour notre audience, mais pour lequel la plus value du journaliste est faible, quand la deuxième, l’information journalistique, nécessite du temps. Si on peut faire en sorte d’automatiser la première de façon qualitative pour libérer du temps aux journalistes et leur permettre de se concentrer sur leur cœur de métier et d’utiliser pleinement leur expertise – la recherche d’informations, l’angle, la mise en contexte, etc. -, tant mieux”, explique Olivier Ravanello. France Télévisions La vision stratégique Au sein du groupe, l’impulsion a été donnée en 2023 par Delphine Ernotte, sa présidente, et Alexandre Kara, directeur de l’information. Tous les deux ont demandé à leurs équipes d’étudier les possibilités offertes en faisant preuve de prudence. Avec deux mots d’ordre eu égard à la mission de service public du groupe : être particulièrement sensible à l’enjeu de la propagation de la désinformation que l’IA générative risque d’apporter, et multiplier les tests pour comprendre le fonctionnement des outils, leurs possibilités et leurs limites pour l’information de service public. “Il faut démystifier le sujet, être conscient des dangers et saisir les opportunités pour améliorer le journalisme”, souligne Christophe de Vallambras, journaliste et chef du pôle Medialab de l’Information de France Télévisions. La méthode de travail La conviction du groupe est de porter le sujet de façon totalement transverse pour croiser les regards et les compétences. Il n’y a pas de responsable IA attitré, mais plusieurs groupes de travail mis en place à différents niveaux : directions (technique, IT, information, artistique…) ; Medialab de l’information, supervisé par Eric Scherer ; et des groupes opérationnels pour explorer. La direction des technologies et des systèmes d’information, dirigée par Frédéric Brochard, joue aussi un rôle important, notamment via son tech lab. L’enjeu est de laisser aux équipes la capacité d’explorer tout en coordonnant les expertises. Le groupe se place aussi dans une logique interprofessionnelle, avec des échanges et des partages d’expérience avec d’autres médias publics (UER, Radio France…) et les associations du secteur (Geste, RSF). “L’IA générative va apporter une nouvelle culture d’entreprise. On doit revoir notre mode de travail appliqué à l’innovation et la R&D ; nous n’avons plus le luxe de perdre du temps”, estime Christophe de Vallambras. Les initiatives et projets France Télévisions a d’abord agi dans une posture défensive face à l’IA générative, en faisant certifier ses processus autour de l’information par le label JTI de RSF, en contribuant à la Coalition for content provenance and authenticity (C2PA) pour émettre et utiliser des spécifications techniques afin d’établir la provenance et l’authenticité des contenus, et enfin en indiquant aux robots des acteurs du crawling et de l’IA générative l’interdiction d’utiliser ses contenus en ligne. Une deuxième phase s’ouvre “pour se projeter sur les opportunités et partager en interne la culture autour de l’IA pour sensibiliser les journalistes”, indique Christophe de Vallambras. Cela passe en particulier par l’organisation d’ateliers. Des tests pilotes sont également mis en place. La génération de contenus a été expressément proscrite dans une note de service du directeur de l’information Alexandre Kara fin 2023. Une attention particulière a en revanche été demandée notamment aux nouvelles images (réalité mixte, WR, 3D, etc.), et à l’extraction de données et de textes. Enfin, des formations à la rédaction de prompts sont également envisagées pour les journalistes. Des projets qui peuvent parfois rencontrer l’opposition des syndicats de journalistes, comme le SNJ-CGT de France Télévisions l’a exprimé en décembre. Ces réticences syndicales se constatent aussi dans des groupes médias privés, mais elles s’expriment souvent de façon plus forte dans les groupes publics comme France Télévisions et Radio France, ce avec quoi les directions doivent composer dans leurs projets. Radio France La vision stratégique Au sein de Radio France aussi, la notion de service public de l’information et la relation particulière avec les audiences peut impacter la position du groupe sur l’IA générative. Mais la structure se veut ouverte. “Nous n’avons pas de position dogmatique. Il faut comprendre et anticiper. On veut donc expérimenter et connaître les possibilités de ces IA, en ayant à l’esprit le devoir de conserver le rapport au réel de ce qui est produit. On ne publiera pas d’information synthétique, par exemple”, affirme Florent Latrive, directeur adjoint de l’information de Radio France, chargé de la stratégie numérique. La méthode de travail Différentes instances permettent de croiser les expertises et informations autour de l’IA générative au sein du groupe de 800 journalistes. Une réunion mensuelle vient d’être instaurée. La Conférence éditoriale de l’intelligence artificielle (CEIA), soutenue et validée par le comex pour asseoir sa légitimité, réunit la direction de l’information, celle de l’innovation, les directions de rédaction des antennes, les directions de services (sport, investigation…), les responsables numériques des antennes et quelques spécialistes (R&D, technique…). Des travaux autour de quatre types d’usages sont amorcés : l’enquête, la lutte contre la désinformation, l’aide à l’édition et l’aide à l’accessibilité des contenus. “L’objectif est de créer des petits prototypes, puis d’en faire le bilan complet et de déterminer ce qu’on en fait”, explique Florent Latrive. Les initiatives et projets Parmi les expérimentations, Radio France travaille sur la retranscription de ses contenus audio en texte, l’aide à l’édition (titraille, suggestions optimisée, tagage…), à l’investigation et au fact checking, à la reconnaissance des deep fakes. Le groupe veut aussi créer un catalogue de prompts qui sera mis à disposition des équipes : la capacité à bien commander les IA génératives est essentielle pour parvenir à un contenu satisfaisant. Par ailleurs, pour mieux peser dans leurs relations avec les grands prestataires technologiques, Radio France et France Télévisions vont tenter de négocier ensemble la mise à disposition d’infrastructures et d’outils. Le ministère de la Culture, leur organe de tutelle, comme le Parlement, les y encouragent ces dernières années chaque fois que possible, et les deux entreprises y ont déjà recours pour certains achats. Selon nos informations, une négociation a été amorcée avec Microsoft pour l’intégration de son outil Copilot dans leurs suites logicielles. A notre connaissance, sans succès jusqu’à présent. 20 exemples pour utiliser l’intelligence artificielle générative dans les médias L’Express La vision stratégique Fidèle à sa ligne éditoriale pro-innovation, L’Express se veut ouvert à l’usage de l’IA mais avance prudemment. “Les progrès autour de l’IA générative sont très rapides, les outils s’améliorent rapidement et de nouveaux apparaissent. C’est une avancée technique majeure qui peut révolutionner l’information, mais qu’il faut utiliser de façon adéquate : il faut se protéger des risques et avoir en tête le respect de la vérité, de l’intégrité des contenus et du droit d’auteur, tout en imaginant de nouvelles fonctionnalités au service de l’information, pour compléter certaines tâches ou les faire mieux. C’est une énorme incitation à faire un meilleur journalisme encore, d’autant que l’IA ne remplacera pas le bon journalisme”, estime Eric Chol, directeur de la rédaction de L’Express. La méthode de travail et les initiatives L’Express n’a pas encore amorcé de charte, ni de groupe de travail, mais la direction travaille en ce sens et partage ses réflexions et projets avec la rédaction et la SDJ. “On peut imaginer beaucoup d’usages possibles : la recherche, la documentation, la vérification, pourquoi pas la création de jeux comme les mots croisés”, indique Eric Chol. La BBC va expérimenter 12 usages Après avoir défini en octobre sa position de principe sur l’intelligence artificielle générative, la BBC a annoncé mercredi 28 février avoir retenu 12 types de projets qui seront expérimentés. Ils tournent autour de trois objectifs. Le premier est de “maximiser la valeur des contenus du groupe”, notamment via la traduction en plusieurs langues ou le reformatage de contenus (de l’audio vers le texte…). Le deuxième est de “proposer de nouvelles expériences au public”, notamment un assistant chatbot et un outil de création (textes, images, vidéos) pour concevoir un marketing plus personnalisé de ses contenus et services. Le troisième objectif est de gagner en productivité éditoriale, par exemple l’aide à la titraille, le résumé d’articles et l’amélioration de la classification des contenus et archives. “À ce stade, la grande majorité des projets sont uniquement internes et ne seront pas utilisés pour créer du contenu destiné au public tant que nous n’aurons pas eu l’occasion d’en savoir plus”, indique la BBC, à l’image du secteur. Le Parisien La vision stratégique Sous l’impulsion de son PDG Pierre Louette, Les Echos-Le Parisien a été le premier groupe média français en mai 2023 à instaurer une charte pour encadrer les pratiques. “Notre président à insisté pour avoir une vision groupe sur ce sujet et établir rapidement un cadre pour expliquer et rassurer en interne, et pour expérimenter, innover et examiner les usages possibles, tout en ayant à l’esprit les risques et s’en prémunir”, explique Pierre Chausse, directeur délégué de la rédaction du Parisien, qui encadre les tests au niveau de la rédaction. La position du groupe est de laisser beaucoup de libertés à ses équipes. “Les intelligences artificielles génératives doivent être envisagées de façon positive et proactive, comme des outils d’aide à la réalisation de tous les aspects de notre travail : recherche d’informations, documentation, correction, vérification… Évidemment toujours au sein du journalisme et toujours sous le contrôle de l’humain qui reste responsable de l’usage de l’IA et de ce qui en résulte. Je ne crois pas du tout au fantasme technologique selon lequel l’IA générative va remplacer le journaliste. Mais nous avons le devoir de nous y intéresser dès maintenant”, souligne Pierre Chausse. La méthode de travail Pierre Louette, qui insiste particulièrement depuis son intronisation pour que le groupe innove et associe les technologies à l’information, a veillé aux orientations globales du texte, mais son contenu a été élaboré au plus haut niveau des différentes directions des rédactions du groupe (Le Parisien, Les Echos, Investir, Capital Finance, Connaissance des Arts, Radio Classique, WanSquare). La charte a été publiée dès mai 2023. C’est la première fois qu’une telle collaboration transversale a lieu à ce niveau éditorial entre les principaux titres du groupe : les enjeux techniques et d’innovations servent aussi à casser les silos et à créer de nouvelles façons de travailler dans les médias. Des réunions à l’échelle du groupe ont lieu entre les différents services (rédactions, data, technique…) pour réfléchir ensemble. Au Parisien, le travail opérationnel a été confié au pôle data et innovation, piloté par Stanislas de Livonnière et composé de data-journalistes et développeurs, très intégré à la rédaction. Sous la supervision de la direction de la rédaction, c’est ce pôle qui expérimente actuellement différents usages et services. Les initiatives et projets Le texte fixe simplement les interdictions et obligations les plus évidentes (interdiction de publier un travail généré par l’IA sans contrôle éditorial, mention aux lecteurs lors de son usage…) et donne quelques exemples, laissant ainsi le champ libre à de nombreuses utilisations possibles, de façon encore plus ostensible que celui du Monde. Le document permet notamment la génération de texte encadré par un journaliste et un usage en tant que moteur de recherche, sous réserve d’une vérification : “Le journaliste pourra utiliser ces outils comme il le ferait avec un moteur de recherche, mais il devra toujours revenir à ses propres sources pour garantir l’origine de ses informations. Le texte prévoit en outre que l’IA pourra servir à “l’enrichissement, la recherche ou la synthèse” pour “aider et nourrir” le travail des journalistes et “comme un outil d’aide à la synthèse de vidéos, notamment pour faciliter la distribution de celles-ci sur différentes plateformes”, sous réserve, là encore, d’une “supervision humaine et éditoriale”. “Tout ce qui peut simplifier les tâches à faible valeur accomplies par les journalistes doit être examiné, tout comme il faut réfléchir aux opportunités pour créer de nouveaux services éditoriaux de qualité”, souligne Pierre Chausse. Tous nos articles sur l’IA générative dans le secteur des médias et de la publicité L’Équipe La vision stratégique Du côté de L’Équipe, on entrevoit l’IA générative “avec curiosité et prudence”, selon son directeur de la rédaction, Lionel Dangoumau. “C’est une évidence de dire cela, mais l’intelligence artificielle offre à la fois des opportunités pour le travail au quotidien et comporte des risques pour l’information. Rejeter frontalement l’IA serait une erreur, mais nous sommes particulièrement attentifs à la nécessité de protéger nos contenus du crawling des robots”, souligne-t-il. La méthode de travail Pour le pilotage stratégique et le travail de veille, un groupe de travail a été créé, réunissant les encadrements de la rédaction et du pôle numérique. La sensibilisation des équipes internes a été jugée clé. Elle passe notamment par un travail d’initiation. Une masterclass a été mise en place mi-janvier avec un expert, un hackathon a été organisé et des ateliers pratiques sont proposés pour tester des outils : quatre ateliers ont réuni 30 personnes chacun. “Nous réfléchissons maintenant à l’instauration d’une charte”, indique Lionel Dangoumau. Les initiatives et projets L’Équipe est encore dans une phase de réflexion, mais a amorcé un premier test “parce que le dispositif s’y prêtait”, souligne Lionel Dangoumau : un jeu immersif a été mis en ligne lundi 26 février pour faire vivre aux internautes “le sport en 2050 impacté par le réchauffement climatique”. Il propose de présider un club de football, de gérer le Tour de France ou de s’initier au ski alpin. Le dispositif a été conçu avec l’agence Upian. Toutes les illustrations ont été créées avec MidJourney et la mention figure dans la présentation du projet. IA générative : Perplexity lance un podcast d’actualités entièrement automatisé AFP La vision stratégique “L’AFP n’est pas opposée à l’IA générative, mais nous voulons prendre beaucoup de précautions, insiste Eric Wishart, journaliste et directeur de l’éthique et des standards de l’AFP. Nous ne voulons pas aller aussi loin que des agences comme AP et Bloomberg, qui produisent automatiquement des dépêches sur les résultats économiques notamment. Ce n’est pas notre ADN.” Il rappelle que l’IA générative pose des questions juridiques, de transparence vis-à-vis des lecteurs et de confiance dans l’information, mais aussi de fiabilité : “Les contenus générés ne sont pas totalement fiables. Or, nous ne pouvons pas nous permettre de faire la moindre erreur”, souligne-t-il. Si tous les éditeurs médias ont à l’esprit les risques autour de la fiabilité de l’IA générative, en tant qu’agence de presse, l’AFP estime avoir une responsabilité supplémentaire : l’agence se veut donc extrêmement prudente et son axe de travail principal porte sur la sécurisation de ses contenus et la vérification de l’information. Concernant le premier point, “nous sommes extrêmement attentifs au droit de propriété attaché à nos contenus, avec différents moyens techniques de protection mis en place”, indique Louis-Cyrille Trébuchet, directeur des systèmes d’information. Enfin, l’application de l’intelligence artificielle au fact checking date d’une quinzaine d’années déjà au sein de l’AFP : son pôle de R&D, le Medialab, dirigé par Denis Teyssou, éditorial manager, y joue un rôle clé en développant ou en co-développant des outils techniques. La méthode de travail Cette prudence au sein de l’AFP autour de l’usage de l’IA a fait ressentir le besoin de compléter dès le printemps 2023 la charte éditoriale de l’agence avec une nouvelle entrée sur l’intelligence artificielle (page 25). “C’est le premier ajout majeur depuis sa rédaction entre 2015 et 2016”, souligne Eric Wishart, qui est à l’origine de la charte. Le texte prévoit notamment un usage des outils d’intelligence artificielle “pour des tâches telles que la recherche, la suggestion de questions ou le résumé de longs textes qui n’ont pas vocation à être publiés tels quels, mais ils ne doivent pas être considérés comme une source d’information fiable ou faisant autorité.” Enfin, “ils ne doivent pas être utilisés sans une supervision, une vérification et une relecture approfondies qui engagent la totale responsabilité du journaliste”. Au niveau organisationnel, un “comex IA” a lieu tous les 15 jours et réunit le PDG de l’agence et les directions (information, technique, marketing, juridique…) pour définir les axes stratégiques à suivre, déterminer les priorités et identifier les cas d’usages. Au niveau opérationnel, un “comité IA” a également lieu régulièrement. Différents responsables participent à ces réflexions et premières expérimentations : Edouard Guihaire, adjoint au rédacteur en chef technique, Louis-Cyrille Trébuchet et Denis Teyssou, parmi d’autres. Ce dernier, au sein du Medialab, noue des partenariats avec des universités ou des organismes de recherche pour imaginer et concevoir plusieurs outils successifs de vérification de l’information en ligne basés sur l’IA. Les initiatives et projets Dans son utilisation historique de l’IA, le Medialab de l’AFP a participé au lancement du plugin InVID, projet de 2016 à 2018 pour lutter contre les fake news, faire respecter le droit d’auteur sur les contenus et pour la vérification de vidéos en déterminant leur antériorité ; puis WeVerify, pour améliorer l’outil, pour les photos et la vidéo, entre 2018 et 2021. Enfin Vera.AI, projet européen prévu de 2022 à 2025, qui est en cours, “doit permettre de lutter contre la désinformation sur tous les formats : texte, photo, vidéo et audio, en multilingue”, selon Denis Teyssou. Le plugin est librement accessible et utilisé par 120 000 personnes dans le monde, notamment par des journalistes.” Concernant les nouveaux enjeux que pose l’IA générative, l’AFP a récemment inséré dans ses contrats commerciaux noués avec ses clients – y compris les médias – une clause leur interdisant de transformer via l’IA générative les contenus mis à disposition (dépêches, vidéos, photos, visuels). C’est une position de principe difficile voire impossible à faire appliquer de façon opérationnelle, reconnait-on en interne (comment identifier un bâtonnage de dépêche réalisé par une IA ou par un journaliste ? Comment contrôler la masse de dépêches publiées chaque jour ?), d’autant qu’une partie de ses clients médias veulent aller en ce sens. Mais cette clause lui servira pour se prémunir d’éventuelles dérives, en cas de litige avec un client qui transformerait ses contenus via l’IA au point de déformer l’information transmise, de façon directe ou via un partenaire. Malgré sa prudence, l’AFP engage également une phase proactive sur l’IA générative. Ses équipes réfléchissent sur plusieurs aspects, selon Louis-Cyrille Trébuchet, directeur des systèmes d’information : “Pour apporter de nouveaux services pour l’information, développer des diversifications avec de nouveaux produits et contenus pour des clients et partenaires, institutionnels et corporate, optimiser la classification, l’extraction et l’indexation de données, ou encore améliorer la productivité interne, par exemple sur la traduction, la vérification, la transcription audio, mais toujours dans une logique d’assistance à l’humain qui reste responsable.” L’agence étudie donc la faisabilité de créer différents assistants IA, tout comme son application pour la relation client média, par exemple pour optimiser la communication et la résolution de difficultés techniques. Elle expérimente aussi l’extraction de données à partir de ses archives et de bases de données externes. Louis-Cyrille Trébuchet souligne la nécessité pour les agences et médias de garder la maîtrise de l’infrastructure utilisée pour demeurer libre d’utiliser tel ou tel outil et de conserver les acquis techniques accumulés lors des tests. Enfin, selon nos informations, l’AFP est également ouverte à nouer des accords avec des fournisseurs d’IA générative pour laisser pré-entraîner des LLM sur ses archives – mais pas sur ses contenus récents. Sélection de documents et chartes éditoriales sur l’IA générative Des dizaines de médias dans le monde ont rédigé et publié tout au long de ces derniers mois des documents voire des chartes liés à l’intelligence artificielle générative, à la fois pour encadrer éditorialement son usage par leurs rédactions et pour faire acte de pédagogie et de transparence auprès de leurs lecteurs. La totalité des documents soulignent la nécessité de respecter l’éthique et la déontologie journalistiques et de concevoir l’IA générative non comme une finalité, mais comme une aide au travail journalistique. Et donc de conserver un contrôle humain avant, pendant et après l’usage de l’IA. Autres points communs à l’ensemble des prises de position publiées par les grandes institutions : la responsabilité morale et juridique du média et du journaliste utilisateur de l’IA sur le contenu publié, et la transparence absolue auprès des lecteurs lors de l’utilisation de l’IA générative. La majorité des documents posent l’interdiction de publier des photos générées automatiquement par l’IA du fait du rôle particulier de l’image dans l’information et sa réception par le public, mais ce n’est pas systématique. Des nuances se font jour sur l’étendue de son usage. Certains médias préférant bannir explicitement la production de contenus ex nihilo et la production personnalisée ou clonée (par exemple la reproduction automatisée de la voix ou du visage d’un journaliste). mind Media a sélectionné une douzaine de documents et de chartes, qui émanent de médias, d’agences de presse et d’organisations de référence, en France et à l’international : Les Echos-Le Parisien – Le Figaro – Le Monde – TV5 Monde – Financial Times – Aftonbladet – RSF – Le CDJM – AFP – AP – Reuters – The Guardian – BBC – RTS Jean-Michel De Marchi IA générativeInnovationsOrganisationplateformesPlateformisationSites d'actualitéTransformation des médias Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire [Conférence mind Media Day] 20 mars 2024 - Proximité et confiance dans les médias et la publicité : créer du lien pour créer de la valeur Analyses Dossiers 20 exemples pour utiliser l’intelligence artificielle générative dans les médias Analyses Confidentiels [Info mind Media] IA générative : premiers accords technologiques entre Microsoft et des médias français Analyses Confidentiels [Info mind Media] RSF veut s'appuyer sur l'ACPM pour certifier la fiabilité des médias français Analyses 2024, année charnière pour 20 Minutes Analyses Le Figaro veut développer les abonnements groupés entre Le Figaro et Gala IA générative : Perplexity lance un podcast d’actualités entièrement automatisé Analyses L’Obs mise sur une refonte pour se relancer après des pertes en 2023 Des médias locaux américains rémunérés par Google pour tester un outil d’IA générative France Télévisions veut montrer plus de transparence autour de l’information Analyses Les six grands enjeux des médias et de la publicité en 2024 Analyses Dossiers Text-to-speech (2/2) : les éditeurs d'informations dressent un premier bilan satisfaisant Analyses Dossiers Text-to-speech (1/2) : les outils s'installent dans le paysage média français essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 Intégrer la transition écologique dans les performances des médias et de la publicité Les enjeux réglementaires de la publicité en ligne en 2023 2023 : la transformation du marché publicitaire analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction ENQUÊTE - La régie publicitaire du Monde a réduit ses effectifs de 8 % INFO MIND MEDIA - Le CESP va lancer sa certification Retail Data Trust Agence79 officialise la consolidation du budget média numérique de Carrefour Publicis et Omnicom, champions de la croissance au premier semestre 2024 INFO MIND MEDIA - Une levée de fonds d’environ 750 000 euros en vue pour le nouveau média The Big Whale Google reconnu coupable de monopole dans la recherche en ligne : ce qu'il faut retenir 24 lobbys enjoignent Bruxelles d’harmoniser le RGPD Outbrain acquiert Teads sur une valorisation d’1 milliard de dollars : les détails de l’opération Fin des cookies tiers : derrière l’annonce de Google, la méfiance du marché INFO MIND MEDIA - Marketing des abonnements : TBS Group rachète OwnPage data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché IA générative : quels éditeurs français bloquent les robots d’OpenAI et Google, lesquels ont adopté le protocole TDMRep ? 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