Accueil > Adtechs & Martechs > Arthur Millet (Alliance Digitale) : “Il y a un fort enjeu à démontrer que la sobriété énergétique permet d’obtenir la même efficacité publicitaire” Arthur Millet (Alliance Digitale) : “Il y a un fort enjeu à démontrer que la sobriété énergétique permet d’obtenir la même efficacité publicitaire” Arthur Millet est directeur général d’Alliance Digitale, association du marketing numérique issue de la fusion au printemps entre l'IAB France et la MMA. Pour mind Media, il décrypte les enjeux des sociétés adtechs liés à la transition écologique, le rôle que veut avoir l'association professionnelle et ses initiatives. Il évoque également son efficacité publicitaire pour convaincre et insiste sur la nécessité pour les acheteurs médias de faire évoluer leur culture et leurs pratiques. Par et Jean-Michel De Marchi. Publié le 22 septembre 2022 à 14h19 - Mis à jour le 19 juillet 2023 à 19h40 Ressources On parle beaucoup de la transition écologique au sein des marques, des agences et des médias. Beaucoup moins dans l’adtech. Le secteur est-il suffisamment mobilisé ? Toutes les entreprises doivent s’engager dans la réduction de leur consommation d’énergie et plus particulièrement de leurs émissions carbone afin d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris qui prévoit une diminution de 4 à 5 % par an jusqu’en 2030 des émissions mondiales. Je préfère d’ailleurs parler de “transition climatique” que de transition écologique ; un terme qui est plus juste puisque c’est spécifiquement la lutte contre le réchauffement climatique dont il s’agit et sur lequel on peut agir collectivement. La publicité en ligne doit montrer qu’elle a une place à prendre dans cette transition, car contrairement à l’image de la publicité qui pousserait à la surconsommation et serait néfaste pour le climat, elle peut aussi être un levier important de transformation et aider à changer les comportements en encourageant une consommation plus durable. En France, depuis la loi Climat, le secteur publicitaire est assez en avance sur le sujet ; la législation a favorisé une autorégulation des acteurs via les contrats climat. Tout le marché publicitaire est engagé, c’est aussi le cas de l’adtech. Arthur Millet 2022 Directeur général, IAB France 2020 Consultant 2018 Directeur des opérations, Realytics 2015 Directeur général, La Place Media 2010 Directeur du digital, Amaury Media Quels sont les principaux leviers d’action dans l’adtech ? Quel rôle veut jouer Alliance Digitale ? Sur notre secteur, il faut tout d’abord distinguer l’empreinte écologique globale de chaque entreprise, englobée dans les scopes 1 (les émissions de carbone directes internes à l’entreprise, ndlr) et 2 (les émissions indirectes liées à l’énergie utilisée dans ses activités de production, ndlr), des émissions de carbone générées par l’ensemble de la chaîne publicitaire numérique, qui entrent dans le scope 3 (toutes les autres émissions indirectes, notamment celles de la chaîne logistique d’une entreprise, ndlr). Le rôle d’Alliance Digitale n’est pas d’intervenir sur les deux premiers scopes, car par définition ce sont des sujets internes aux entreprises adtechs. Nous n’avons d’ailleurs pas les ressources pour accompagner individuellement chacune d’entre elles. Mais nous avons rédigé et mis à disposition un panorama des sociétés de mesure qui sert de base de lecture pour choisir le bon prestataire selon ses besoins. Sur ces enjeux, les sociétés adtechs doivent partager leurs expertises pour diminuer ensemble et le plus possible l’empreinte environnementale. Il n’y a pas de course à la première place : c’est un enjeu collectif, avec un partage des expertises et des retours d’expériences. Dans la publicité en ligne, c’est le scope 3 qui a l’impact le plus important, d’autant que sa mesure est une obligation pour toutes les entreprises de plus de 500 salariés. Notre enjeu ici, à notre niveau, c’est d’abord l’harmonisation et la standardisation des normes de marché pour structurer et appuyer les initiatives qui émergent. Il y a beaucoup d’acteurs, beaucoup d’initiatives, mais il faut une méthode et un socle commun, tout en distinguant ce qui relève de la mesure de ce qui concerne la réduction. Comment concilier rentabilité et durabilité du marketing ? Le compte-rendu de notre conférence Agency Futures 2022 Souhaitez-vous créer un nouvel outil de mesure carbone ? Non, soyons clairs : on ne veut pas faire le “Médiamétrie de la mesure carbone”, ni même créer un outil de réduction des émissions. Ce serait trop compliqué. L’idée est plutôt d’avoir un référentiel unique avec une base de données communes. Le SRI a déjà mis en place un référentiel et Alliance Digitale s’est associé à lui afin de mettre à la disposition de l’ensemble des acteurs de la mesure carbone une base de données qui permettra d’harmoniser la mesure. Cette base de données sera bien sûr amenée à évoluer, notamment sur les données à utiliser dans le cadre du programmatique, un sujet sur lequel nous travaillons actuellement avec le SRI . Le référentiel est déjà utilisé par 90 % des acteurs de la mesure carbone. Notre enjeu est maintenant que tous ses acteurs utilisent la même base de données afin que ce référentiel puisse devenir la norme pour la mesure des campagnes digitales. Cela nous permettra également d’estimer le poids dans les émissions de carbone de la chaîne publicitaire digitale et de définir des trajectoires de réduction. Il y aura ensuite un autre enjeu : unifier les mesures carbone réalisées par les différents médias et acteurs, comme celles pour la création, avec l’ensemble de la chaîne publicitaire, car notre mesure ne concerne que la diffusion des campagnes en ligne. Afin que les annonceurs puissent avoir une vision globale de leurs campagnes publicitaires, il faut mettre bout à bout les mesures issues des différents médias et de l’ensemble de la chaîne de production et de diffusion (l’UDM a indiqué vouloir créer un référentiel unique de la communication à partir des différentes initiatives des acteurs de la chaîne, ndlr). D’où l’enjeu pour les annonceurs d’avoir des référentiels uniques par média et par typologie d’action (production et diffusion). Nous devons, de notre côté, donner des clés de compréhension aux décideurs de la publicité et en particulier les annonceurs, afin qu’ils puissent prendre des décisions en connaissance de cause. Jouons collectif ! Qu’il y ait ensuite des enjeux commerciaux, c’est normal : les acteurs qui ont plus d’avance et qui font de réels efforts pour mettre en place des dispositifs publicitaires plus écologiques peuvent et même doivent en tirer un bénéfice car les investissements sont importants. “Soyons clairs : la sobriété énergétique aura nécessairement un impact sur le coût d’achat, particulièrement sur le digital” Avez-vous chiffré l’impact de l’adtech ou celui de la publicité programmatique dans l’émission carbone des campagnes publicitaires et avez-vous déterminé un objectif de réduction ? Non, pas encore, mais c’est l’objectif. L’adoption d’un référentiel commun unique que j’évoquais correspond à la mesure. Il constitue la première étape avant de pouvoir produire par exemple un baromètre qui nous permettra de suivre l’évolution des émissions carbone de la publicité numérique. Quelles sont les difficultés à surmonter ? Il faut embarquer tout le monde, en étant vigilant sur les efforts que cela peut représenter et donc sur l’aide nécessaire pour les structures les plus petites, dans lesquelles la prise de conscience est réelle, mais qui n’ont pas nécessairement le temps, les moyens ou la vision pour évoluer rapidement. Notre rôle est aussi d’aider ces structures-là. Nous devons travailler ensemble. Les régies médias tentent d’harmoniser la mesure carbone En tant qu’acteurs majeurs des technologies et de la publicité programmatique, Google, Facebook et Amazon ont un rôle important à jouer dans la réduction des émissions carbone du secteur. Participent-ils aux réflexions et aux initiatives collectives ? C’est un point évidemment important. Le niveau d’émissions des serveurs est en effet clé dans la réduction des émissions carbone et les plateformes sont des acteurs importants du traitement des données et du cloud. Les petites, moyennes et grandes plateformes ont donc un rôle important à jouer mais c’est un enjeu interne de mesure entrant dans le scope 1 et 2. Les dirigeants français des plateformes sont au fait de ces enjeux, mais cela n’entre pas dans nos discussions car nous travaillons uniquement sur le scope 3, discussions où elles sont bien entendu associées. Concernant le scope 1 et 2, la plupart de ces sociétés ont leur siège hors de France, ce qui fait que leurs décisions stratégiques ne sont pas prises ici. Elles sont souvent originaires des États-Unis, pays qui n’est pas aussi avancé sur la transition écologique de la publicité que l’Europe et la France en particulier. Mais cela peut évoluer, car si les grandes plateformes prennent conscience et veulent agir, elles ont les moyens pour effectuer leur transition. Cela viendra aussi de l’impulsion donnée par les clients annonceurs : si cela devient un enjeu prioritaire pour les marques et un critère de décision dans leurs actions publicitaires et marketing, tout le marché devra s’adapter pour continuer à travailler avec elles. Les campagnes publicitaires plus “vertes” sont-elles aussi efficaces ? Comment concilier transition écologique et performance des dispositifs ? C’est un point important. L’évolution des pratiques pour réduire l’impact du secteur sur le climat est indispensable, les campagnes publicitaires devront donc être différentes. Il y a un fort enjeu à démontrer que la sobriété énergétique permet d’obtenir la même efficacité publicitaire. Nous en sommes convaincus intuitivement, mais il faut le prouver de façon scientifique. La réflexion et les pratiques ne sont pas encore assez mûres pour lancer une étude sur ce sujet dès aujourd’hui, mais ce sera une priorité d’Alliance Digitale dans un deuxième temps. “Il faut une prise de conscience afin de revoir la définition des performances économiques et financières attendues dans les entreprises” La transformation écologique du secteur représente un coût. Qui doit le prendre en charge ? Comment valoriser les efforts mis en œuvre ? La vraie question, c’est effectivement le coût du média. Soyons clairs : la sobriété énergétique aura nécessairement un impact sur le coût d’achat, particulièrement sur le digital, et les annonceurs devront aussi le prendre en compte. Est-ce que les marques sont prêtes à payer un plan média plus cher parce qu’il est moins nocif pour le climat, ou vont-ils privilégier quoi qu’il arrive le ROI de leurs campagnes ? C’est un point majeur sur lequel les entreprises devront arbitrer quand il y aura une contradiction entre ces deux orientations. Cela implique une transformation des enjeux marketing. Sans cela, on risque d’assister à une course à la compétitivité par le bas sur la chaîne de prestataires. Il faut une prise de conscience dans les directions générales et chez les actionnaires des entreprises pour changer la culture et les pratiques afin de revoir la définition des performances économiques et financières attendues, et ce qu’on y intègre. Les contrats climat peuvent-ils aider le marché publicitaire à accélérer sa transition écologique ? Observez-vous déjà des exigences de la part des acheteurs vis-à-vis de leurs partenaires adtechs ? Il y a une prise de conscience chez certaines marques, mais elle n’est pas homogène. Certains annonceurs ont plus d’avance que d’autres parce qu’ils ont davantage d’expertises, de ressources disponibles ou un leadership proactif. Encore une fois, le premier enjeu se situe au niveau de l’actionnariat et de la direction générale : la transition climatique est d’abord un enjeu de direction générale des entreprises : si la direction, ou encore mieux, les actionnaires, impulsent le mouvement en interne, tous les services suivront, y compris les directions marketing. La consommation aura également un rôle, avec une question clé : les entreprises qui réduisent drastiquement leurs émissions carbone en tireront-elles des bénéfices auprès des consommateurs ? C’est ce que l’on peut souhaiter. Quel est le calendrier des initiatives d’Alliance Digitale sur ces enjeux ? Le panorama des sociétés spécialisées dans la mesure des émissions carbone a été mis à jour en juin 2022. Le socle commun de données de mesure carbone de la publicité digitale devrait être rendu accessible avec le référentiel du SRI d’ici la fin de l’année. Nous avons aussi pour objectif de publier un guide pratique de la publicité climatique responsable. Il est en cours de rédaction par un groupe de travail au sein d’Alliance Digitale et devrait être publié entre le 15 et le 31 octobre. Comme je l’évoquais, nous souhaitons aussi mettre en place un groupe de réflexion autour d’une mesure d’efficacité de l’achat média digital responsable, autrement dit comment allier sobriété et efficacité dans la publicité digitale. et Jean-Michel De Marchi Achat programmatiqueAdtechDmexcoMesure carbonePublicité programmatiqueRSETransition écologiqueTransparence Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Analyses L'état des lieux de l'achat programmatique en France Analyses Obs e-pub : 5 graphiques pour comprendre l'évolution de la publicité en ligne en France au 1er semestre 2022 Alliance Digitale va mettre à disposition ses données pour le référentiel de la mesure carbone du SRI L’IAB France et la MMA fusionnent pour devenir Alliance digitale Analyses Dossiers Fichiers ads.txt (2/2) : quels sont les 430 prestataires qui ont accès à l’inventaire publicitaire d’au moins un éditeur français ? Analyses Dossiers Fichiers ads.txt (1/2) : les éditeurs français ont augmenté de 72 % le nombre de leurs vendeurs et revendeurs programmatiques depuis 2019 IAS s’associe à Good-Loop pour la mesure des émissions carbone L’UDM prépare un référentiel unique pour l’impact carbone des campagnes Analyses Les contrats climat peuvent-ils aider le marché publicitaire à accélérer sa transition écologique ? 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