Accueil > Adtechs & Martechs > Les nouveaux enjeux du marketing mix modeling Les nouveaux enjeux du marketing mix modeling La modélisation économétrique est historiquement utilisée par les acheteurs médias comme base des dispositifs de marketing mix modeling, afin de mesurer l’effet des investissements publicitaires sur leurs ventes. Le contexte actuel, de moins en moins propice au “tout traçable, tout mesurable”, semble mettre à nouveau en lumière ces modèles. mind Media a interrogé des grands groupes de communication et des acteurs spécialisés pour identifier leurs enjeux et perspectives. Par Paul Roy. Publié le 08 octobre 2021 à 9h58 - Mis à jour le 12 octobre 2021 à 14h23 Ressources Il y a quelques mois, l’ACPM présentait une étude visant à déterminer le retour sur investissements des publicités en presse papier et numérique de différents annonceurs, avec une conclusion : 1 euro investi en publicité dans la presse génère en moyenne 5,7 euros de ventes additionnelles. À l’origine de cette analyse réalisée par Ekimetrics, le marketing mix modeling (MMM), une méthodologie statistique globale destinée à isoler et mesurer individuellement l’impact des différents leviers marketing (média, prix, produit, promotions…) en neutralisant les facteurs externes (état du marché, indicateurs macro-économiques, effet de saisonnalité…). Depuis une quinzaine d’années, des sociétés spécialisées ont émergé (Ekimetrics, Metric 720… ) et les grands groupes de communication se sont tous structurés pour créer des entités dédiées, autour de compétences et métiers spécifiques : data analysts, data scientists, statisticiens et consultants. Une étude récente, réalisée par l’UDM avec le cabinet de conseil EY et l’Udecam, présentait même le marketing mix modeling comme la méthodologie plébiscitée par les annonceurs “pour réconcilier les performances on et off line des actions marketing”. Etude ACPM-Ekimetrics : 1 euro investi en publicité par les annonceurs dans la presse génère en moyenne 5,7 euros de ventes additionnelles Historiquement, le MMM est utilisé par des acteurs ayant de gros volumes de ventes pour optimiser leurs investissements médias sur différents leviers (secteurs de la grande distribution, automobile, produits de grande consommation, etc.), en prédictif ou après un plan média. “Il faut une collecte robuste, tester le modèle… Ce sont des processus longs qui ne s’appliquent pas à toutes les typologies d’annonceurs. Si on est sur des marchés très réactifs, ça peut être moins pertinent”, explique Paul Leperchey, head of data consulting de Publicis Media. Le coût de ces dispositifs, très variable et dépendant de nombreux facteurs (nombre de variables, nombre de sous-modèles utilisés, nombre de typologies de produits, de sous-canaux, de localités, gestion de projet et conseil…), oscille entre plusieurs dizaines de milliers d’euros et plus de 100 000 euros pour les plus complets. “Globalement, le coût se situera entre 35 000 et 50 000 euros pour un modèle, et de 45 000 à 50 000 euros lorsqu’il y a plusieurs modèles imbriqués”, indique Raphaël Pivert, directeur business media science de GroupM. Compréhension des leviers et sources de données Les données intégrées dans les modèles sont originellement très liées à l’activité économique de la marque : données médias, météo, promotions, sur l’impact de moments (événements, journées promotionnelles, etc.). La qualité et la justesse d’un modèle marketing mix dépendent donc beaucoup de la connaissance de chacun des leviers de communication. “La méthodologie du MMM n’a en soi pas bougé depuis des années. En revanche, d’un média à l’autre, on parle de GRP, d’investissement, de contact média. L’enjeu est de connaître parfaitement ces indicateurs et leur apport pour avoir un modèle cohérent”, constate Raphaël Pivert. Une expertise qui se complexifie avec la multiplication des environnements et formats, et la difficile prise en compte de l’évolution des prix de chacun. “Aujourd’hui il y a la CTV, l’OTT, plusieurs formats (vidéo, statique, hybride) rien que dans le display… avec toujours plus de mesure et un historique beaucoup plus faible que sur les autres leviers”, abonde Thibault Labarre, partner chez Ekimetrics – insistant sur le travail fait par sa société avec les partenaires médias, pour mieux comprendre chacun des indicateurs. Un modèle MMM requiert en effet un historique de deux à trois ans sur une variable, avec une actualisation très régulière et de qualité, pour qu’elle soit correctement intégrée et exploitable . “Cette période est moins longue sur les leviers numériques, mais un modèle est robuste s’il y a suffisamment d’événements passés et une certaine variabilité”, souligne Paul Leperchey, (Publicis Media). Ce qui demande souvent un travail de structuration effectué par des développeurs par les agences. “Notamment à partir du moment où ce sont des acteurs qui doivent collecter la donnée au sein de différentes entités”, constate Barbara Vite, head of research & insights de dentsu International. Ekimetrics a d’ailleurs débuté son activité auprès de marques automobiles, dont la problématique centrale était la collecte de données dans différents réseaux de distribution. Christophe Brossard (Metrics 720) : “La modélisation économétrique est particulièrement utile en période de crise pour optimiser les investissements marketing des marques” Depuis quelques années, le MMM s’appuie sur une méthodologie de modèles imbriqués (des sous-modèles intégrés dans le modèle principal) pour analyser la corrélation entre investissements médias et d’autres niveaux d’indicateurs que les ventes. “Dans cette logique, les données de trafic sur site sont devenues essentielles. Il s’agit de comprendre la contribution indirecte et directe de chacune des étapes (requête search, visites sur le site, etc.) générant une vente”, explique Corinne Abitbol, managing director de l’activité marketing science d’Omnicom Media Group. Outre les données site-centric, c’est aussi l’ouverture de certains walled garden – parfois via des partenariats et des certifications d’agences – qui a permis de mieux comprendre ces environnements. “Ils mettent à disposition des données agrégées et vont parfois plus loin en proposant un framework de construction MMM”, explique Paul Leperchey (Publicis Media), faisant référence à Robyn, un modèle MMM en open source développé par Facebook. Aujourd’hui, selon Raphaël Pivert (GroupM), les partenariats avec les possesseurs de data sur les univers du search, du social ou du e-retail sont devenus essentiels pour nourrir les modèles. Pour Paul Leperchey (Publicis Media), d’autres pistes sont également à creuser : une mesure davantage locale, notamment pour les acteurs de la grande consommation ; ou encore l’exploitation de la donnée des retailers, devenue beaucoup plus accessible. Une meilleure intégration de la notion de “capital de marque” La meilleure prise en compte de la dimension “image de marque” dans les modèles fait aussi partie des principales évolutions de ces dernières années. “On oubliait l’aspect branding auparavant. Dans cette logique, on intègre d’autres variables comme la considération, la préférence de marque… Pour avoir un modèle qui relie les trois dimensions : média, marque et business”, ajoute Raphaël Pivert (GroupM). Cependant, comme le rappellent nos différents interlocuteurs, les indicateurs de marque (“brand tracker”) manquent souvent de fréquence, de granularité et de volume suffisants pour devenir des variables explicatives dans un modèle. Pour y remédier, certaines agences signent des partenariats avec des fournisseurs spécifiques, comme c’est le cas de dentsu International avec Yougov, qui utilise son brand index depuis quelques mois. “La mesure du capital de marque est essentielle pour comprendre la solidité de la baseline (l’activité économique lorsqu’aucun investissement publicitaire n’est fait, ndlr). C’était encore plus vrai au moment de la crise sanitaire, car nous voulions soutenir le fait qu’il était primordial de nourrir la marque (avec des investissements publicitaires, ndlr)”, rapporte Barbara Vite (dentsu International). Ekimetrics cherche en ce sens à aller vers des indicateurs branding de plus en plus précis, notamment dans le secteur du luxe. “On construit des indicateurs sur des territoires de marque : une marque de luxe sur “le luxe à la française”, par exemple. Pour un acteur du secteur des produits de grande consommation, nous avons intégré un indicateur de goût de la boisson, pour déterminer l’impact des investissements média sur celui-ci”, illustre Thibault Labarre (Ekimetrics). CSA Data Consulting veut proposer des “marchés virtuels” Dans une logique de meilleure intégration des variables liées à la marque et de mise à disposition de solutions clé-en-main, CSA Data Consulting a lancé la solution Virtual Markets il y a quelques mois. Il s’agit d’un modèle prédictif qui s’appuie sur la méthodologie d’”agent based modeling”, consistant à recréer l’impact de stimulis sur des groupes de consommateurs aux caractéristiques différentes. Elle s’appuie, comme les modèles classiques, sur les données d’activité économique de la marque (ventes, trafic on et offline, visites e-commerce, considération, prix, etc.), données médias (actions marketing, plans de communication média, hors média, etc.), et données marque (notoriété, image, intentions d’achat, etc.). La différence avec les autres offres tient, selon Yves Del Frate, directeur du pôle média d’Havas en France, à l’exploitation des études qualitatives réalisées par CSA – ou d’autres instituts – pour ses clients. “Aujourd’hui, on constate qu’il n’y a pas une connaissance consommateur pour l’entreprise, mais une pour chaque département de celle-ci. Avec Virtual Markets, les enseignements de chaque étude restent dans le modèle, qui va évoluer en permanence”, détaille-t-il. La solution est commercialisée en SaaS, “avec des frais d’installation inférieurs à 100 000 euros sur le set-up et un abonnement (si aucune prestation de conseil n’est ajoutée, ndlr) à 2 000 euros par mois”, détaille Yves Del Frate, qui a pour objectif “d’attirer rapidement cinq annonceurs” sur la solution. Des enjeux autour du tracking et de l’internalisation Ces derniers mois, la modélisation économétrique et le MMM ont été présentés par les acheteurs médias comme alternative à la mesure dans une ère post-cookies tiers. “Le digital redécouvre les modèles économétriques qui existent depuis des années. Ce sont des outils qui vont devoir s’adapter au digital et au temps réel”, expliquait Pierre Venture, directeur général de Matterkind (IPG Mediabrands), lors de l’événement Agency Futures organisé par mind Media en juin. Ce qui devrait logiquement attirer de nouvelles typologies d’annonceurs. “Pour des acteurs qui activent le plurimédia, ça ne change pas grand chose. En revanche, les pure players orientés à la performance vont nécessairement s’y intéresser, car ils sont peuvent moins tracker sur leurs leviers”, avance Paul Leperchey (Publicis Media). Pour le moment, ces modèles sont davantage utilisés en complément des outils disponibles sur les environnements numériques. “Ce ne sont pas les mêmes enjeux et on ne répond pas aux mêmes besoins, avec un outil qui analyse sur deux ans, et un autre qui donne des résultats “à chaud””, nuance Corinne Abitbol (Omnicom Media Group). C’est cette différence de temporalité qui a poussé GroupM à développer un modèle d’attribution digitale actualisé sur le court-moyen terme (notre étude de cas), complémentaire au MMM donnant une vision long-terme du plan média sur l’ensemble des leviers. Comment GroupM a développé son propre modèle d’attribution post-tracking utilisateur Si elle souligne l’arrivée de pure players et d’acteurs du secteur banques et assurances (très présents dans le portefeuille de dentsu), Barbara Vite (dentsu International) constate aussi un moindre recours au MMM par les acteurs de la grande consommation, très en avance sur le sujet. Pour accompagner cette montée en compétences, dentsu International travaille de plus en plus sur l’internalisation du MMM par les annonceurs. “Cela demande une équipe data très mature, mais on met à disposition des licences, un protocole de formation. Le fait que l’annonceur puisse avoir les outils lui permet beaucoup d’actualisations, sans que le prix soit excessif”, rapporte-t-elle. Pour le moment très peu d’annonceurs ont entièrement internalisé ces fonctions. Cette démarche répond aussi à l’enjeu de “démystification” autour du marketing-mix modeling, souvent considéré comme peu transparent par les annonceurs. Avec des acteurs habitués aux données granulaires et en temps réel du web ouvert, l’enjeu est identifié : “Notre sujet à tous, c’est surtout de pouvoir concilier la culture de la donnée volumétrique – et les trois ans nécessaires à un vrai apprentissage -, à quelque chose de très agile et que l’on peut agréger de façon instantanée”, souligne Barbara Vite (dentsu International). Paul Roy Achat médiaAchat programmatiqueAgencesMesure médiaModèles économiquesStratégies annonceursTransformation marketing Besoin d’informations complémentaires ? 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