Il est impossible d’être passé à côté : depuis décembre, tout le monde parle de ChatGPT, un logiciel de messagerie développé par la société américaine OpenAI. Fondée en 2015 par un groupe d’entrepreneurs et d’investisseurs, dont Elon Musk et Sam Altman, cette entreprise californienne souhaite développer des technologies d’intelligence artificielle (IA) “qui profitent à l’ensemble de l’humanité”.
Un moteur de langage est une intelligence artificielle qui a été entraînée sur une grande quantité de texte et qui est capable de traiter et comprendre le langage naturel humain. C’est en fait en juillet 2020 qu’OpenAI a lancé la première version de son moteur de langage, appelé alors GPT-3. Bien que cette nouveauté n’ait pas fait beaucoup de bruit à l’époque et que les cas d’utilisation étaient encore flous et théoriques, de nombreuses personnes ont été impressionnées par ses capacités et ont compris qu’il représentait un niveau élevé d’innovation.
ChatGPT, le basculement
Avec ChatGPT, OpenAI va plus loin et rend l’utilisation d’un moteur de langage beaucoup plus concrète. De nombreuses personnes sont enthousiastes à son sujet. D’autres sont inquiètes à l’idée qu’un robot puisse remplacer leur travail. Disons-le : ces technologies ne remplaceront pas totalement le travail humain, mais il est évident qu’elles vont entraîner des changements dans certains métiers, en particulier dans l’industrie des contenus et de l’informatique.
Les métiers du journalisme connaîtront des évolutions tant il est facile d’imaginer des fonctionnalités d’assistance à la rédaction, en aidant à la structuration d’un article, en proposant des formulations alternatives, des titres ou des introductions par exemple, voire même en vérifiant plus facilement une information. ChatGPT est en effet capable de produire du texte ou du code avec une précision inégalée jusqu’à présent. Il suffit de lui donner un ordre pour qu’il l’exécute avec brio. Sur internet, de nombreux exemples publiés ces dernières semaines montrent que cette technologie a réussi à écrire un article de blog, répondre avec succès à un test académique, résumer un texte, produire du code informatique, etc.
“La maîtrise de ces outils par les équipes techniques deviendra probablement plus importante que la capacité à programmer manuellement”
Vers une révolution des métiers de l’informatique
Les changements devraient être encore plus profonds encore pour l’informatique et le développement web appliqués à l’information. Les outils de développement dans les médias – qui sont des genres de CMS pour écrire du code – vont progressivement se doter de fonctionnalités similaires à celles de ChatGPT, et les développeurs devront en maîtriser tous les aspects. Car si un moteur de langage n’est pas encore capable de coder tout seul, à terme, il pourra par exemple aider un développeur à le faire plus rapidement et plus efficacement. Avec une simple instruction telle que “Implémente Subscribe With Google”, ce module technique d’abonnement simplifié, un moteur de langage écrira automatiquement du code compatible avec celui précédemment écrit.
Dans une moindre mesure, c’est ce que propose déjà GitHub Copilot, un outil co-développé par GitHub et OpenAI justement, qui assiste les développeurs dans la production de code informatique. Copilot est capable de compléter des lignes de code, de produire une partie d’application, de corriger des erreurs, d’écrire des lignes de tests… Au Monde, nous avons eu accès à Copilot lors de sa phase de lancement en mars 2022, et nous avons été impressionnés par ses capacités. Développer avec Copilot donne l’impression de programmer à quatre mains, accompagné par un développeur sénior de talent, alors qu’il s’agit en réalité d’une machine. La maîtrise de ces outils par les équipes techniques deviendra probablement plus importante que la capacité à programmer manuellement.
La data science va continuer à attirer les jeunes
Un mouvement structurel de dessine. L’engouement pour l’intelligence artificielle se répand d’ailleurs largement chez les jeunes passionnés d’informatique. Il est possible que ces derniers se tournent de plus en plus vers les métiers de la data science afin de contribuer à la création de ces IA révolutionnaires, plutôt que vers les métiers de la programmation traditionnelle, lesquels pourraient nécessiter moins de qualifications à l’avenir. Ce mouvement est déjà initié et il s’accélérera vraisemblablement. Et même si le métier de développeur a encore de beaux jours devant lui, nous constatons déjà que les data scientists sont des ressources de plus en plus rares et recherchées par les médias.
La transformation numérique des sociétés devient un impératif. Souhaitons que cette nouvelle révolution technologique offerte par les intelligences artificielles permette aux entreprises moins aisées d’investir à moindre coût dans la technologie sans avoir obligatoirement les compétences nécessaires. Cet aspect reste encore incertain.
ChatGPT n’est pas dénué d’imperfections, mais il a permis de rendre les capacités des moteurs de langage plus concrètes et tangibles. Il permet aussi à chacun d’imaginer les compétences futures de ces technologies d’intelligence artificielle et d’autres à venir. GPT-4 est annoncé dès cette année, et les plus grandes entreprises technologiques comme Meta ou Google sont déjà en train de travailler à des alternatives.
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Par Sacha Morard,
directeur technique et des systèmes d’information du groupe Le Monde
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